Afrique du Sud: la justice confirme l'interdiction d'exploration sismique pour Shell
La justice sud-africaine a confirmé jeudi l'interdiction pour le géant des hydrocarbures Shell de mener une exploration sismique au large de la touristique "Wild Coast" (est), réaffirmant une victoire inédite des locaux et écologistes qui craignaient de graves perturbations pour la faune marine.
1er septembre 2022 à 17h21 par AFP
Le projet avait déjà été suspendu par la justice en décembre, "avec effet immédiat", et Shell avait renvoyé son bateau de recherches hors des eaux sud-africaines en janvier. La décision accordant "un droit d'exploration (...) pour la recherche de pétrole et de gaz dans les zones d'exploration du Transkei et d'Algoa est révisée et annulée", a déclaré jeudi le tribunal de Makhanda (aussi appelée Grahamstown) dans la province de l'Eastern Cape, dans une décision dont l'AFP a eu copie. "Une victoire monumentale pour la planète", se sont félicités dans un communiqué commun les militants écologistes dont certains ont célébré l'annonce devant le tribunal. Le rôle de l'océan dans les moyens de subsistance et la culture des communautés côtières a pesé dans la décision. "Les communautés requérantes soutiennent qu'elles ont des devoirs et des obligations concernant la mer et d'autres ressources communes comme la terre et les forêts", a souligné le tribunal. "L'océan est le site sacré où vivent leurs ancêtres et elles ont donc le devoir de veiller à ce que leurs ancêtres ne soient pas inutilement dérangés et qu'ils soient satisfaits". Dans sa première décision, la justice avait reproché à Shell de ne pas avoir rempli son obligation de consulter la population locale détenant des droits de pêche et cultivant un "lien spirituel et culturel particulier avec l'océan". - "Inverser la tendance" - La "Wild Coast", aux paysages sauvages spectaculaires, s'étend sur quelque 300 km au bord de l'océan Indien et compte plusieurs réserves naturelles ainsi que des zones marines protégées. Le projet d'exploration impliquait l'envoi d'une puissante onde de choc toutes les dix secondes, dans une zone de 6.000 km2, par des bateaux équipés de canons à air. "Nous respectons la décision du tribunal et nous examinons le jugement", a réagi auprès de l'AFP un porte-parole de la compagnie qui se réserve le droit de faire appel. Le gouvernement sud-africain soutenait le projet notamment pour les investissements qu'il représente. Mais le tribunal a également observé que Shell n'avait pas démontré, comme elle l'avait affirmé, que cette activité profiterait à la communauté locale, notamment par la création d'emplois. "En tant que peuple de la côte sauvage, nous vivons de la terre et de l'océan. Le gouvernement nous dit que le pétrole et le gaz apporteront des opportunités d'emploi, mais nous savons très bien que cela détruira nos moyens de subsistance", a déclaré Nonhle Mbuthuma, du comité de défense local "Amadiba". "Il y a 148 projets pétroliers et gaziers en cours de réalisation en Afrique. Cette victoire permettra d'inverser la tendance", espère Melita Steele, de Greenpeace Afrique. Selon les défenseurs de la nature, la plupart des animaux marins s'appuient sur leur audition et de telles détonations peuvent perturber leur comportement, alimentation ainsi que leurs migrations et cycles de reproduction, notamment pour les baleines.