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Au Soudan, des milliers de manifestants contre le pouvoir militaire

Des milliers de manifestants protestent jeudi à travers le Soudan contre le pouvoir militaire instauré à la faveur d'un coup d'Etat en octobre, les forces de l'ordre tirant des gaz lacrymogènes contre la foule à Khartoum, selon des témoins.

AFRICA RADIO

6 janvier 2022 à 15h06 par AFP

Khartoum (AFP)

Dans la capitale, les manifestants avançaient vers le palais présidentiel et le QG de l'armée non loin, dans des volutes de fumée lacrymogène tirées par les policiers, d'après la même source.

Les protestataires ont répondu à l'appel de militants pro-démocratie, selon un communiqué de l'Association des professionnels soudanais, très active lors du soulèvement populaire ayant mené à la chute en avril 2019 du dictateur Omar el-Béchir, au pouvoir pendant trois décennies.

"Nous continuerons à manifester jusqu'à ce que nous ayons remis sur les rails notre révolution et notre gouvernement civil", a martelé Mojataba Hussein, 23 ans.

"Nous n'arrêterons pas jusqu'à ce que nous ayons retrouvé notre pays", a renchéri Samar al-Tayeb, 22 ans.

Jouant des percussions et entonnant des chants patriotiques, les manifestants ont brandi des pancartes avec les photos de personnes tuées par la répression des forces de l'ordre depuis le coup d'Etat du 25 octobre.

En arrêtant ce jour-là le Premier ministre Abdallah Hamdok, mais aussi la majorité des dirigeants civils et en suspendant le Parlement, le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, a marqué un coup d'arrêt à la transition vers un pouvoir entièrement civil dans un pays marqué par trente ans de dictature sous Omar el-Béchir.

Au total depuis le putsch, au moins 57 personnes ont été tuées et des centaines d'autres blessées, selon le Comité des médecins, un syndicat indépendant.

D'après l'ONU, au moins 13 femmes ont été violées pendant les troubles, et de nombreux journalistes passés à tabac et même arrêtés tandis qu'internet et le téléphone ne fonctionnent que selon le bon vouloir du pouvoir. 

- Manifestations en province -

Hors de la capitale, les Soudanais manifestaient aussi à Port-Soudan (est), Atbara (nord) et à Wad Madani (sud), selon des témoins.

A Atbara, les manifestants ont appelé le général Burhane à "rendre les clés du pays et à partir".

A Wad Madani, la foule scandait: "il n'y a d'autorité que celle du peuple", tout en exigeant que les militaires "retournent dans leurs casernes".

"Non, non au pouvoir militaire", martelaient encore des manifestants dans le Nord-Kordofan, dans le centre du pays.

Détenu puis réinstallé par le général Burhane un mois après le coup d'Etat, le Premier ministre et visage civil de la transition Abdallah Hamdok a démissionné le 2 janvier à l'issue d'une journée de manifestations violemment réprimées, qui ont fait trois morts.

"J'ai tenté de mon mieux d'empêcher le pays de glisser vers la catastrophe, alors qu'aujourd'hui il traverse un tournant dangereux qui menace sa survie", a déclaré M.Hamdok en annonçant sa démission à la télévision.

Le Premier ministre était décrié par la rue qui, après avoir réclamé sa libération, estimait que son héros s'était mué en "traître" et facilitait par son entente avec les militaires "le retour de l'ancien régime". 

Mardi, les Etats-Unis, l'Union européenne, le Royaume-Uni et la Norvège ont exhorté les militaires soudanais à ne pas nommer unilatéralement un Premier ministre en remplacement de M. Hamdok.

Cela "saperait la crédibilité" des institutions de transition "et risquerait de plonger le pays dans un conflit", ont-ils averti.

Le Soudan navigue dans une transition fragile vers un régime civil à part entière depuis l'éviction en avril 2019 d'Omar el-Béchir.

Le général Burhane a prolongé son mandat de deux ans, effaçant toute idée d'un transfert du pouvoir aux civils avant la fin de la transition qu'il promet toujours pour juillet 2023 avec des élections.