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Au Soudan, un répit dans les combats au premier soir de l'Aïd

De violents combats ont opposé vendredi l'armée soudanaise aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) à Khartoum, où le bruit des explosions a cessé en soirée dans certains quartiers alors que les appels au cessez-le-feu se sont multipliés après six jours d'affrontements.

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21 avril 2023 à 21h51 par AFP

Khartoum (AFP)

Au premier soir de l'Aïd el-Fitr marquant la fin du ramadan, des témoins dans différents quartiers de la capitale ont indiqué ne plus entendre d'explosions.

Comme chaque jour, les FSR et l'armée ont encore annoncé vendredi un cessez-le-feu, cette fois-ci pour les trois jours de la fête musulmane.Mais peu après, les deux camps se sont accusés mutuellement de rompre la trêve --les FSR dans la matinée et l'armée en soirée.

Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a dit "saluer ces annonces".Tout en ajoutant: "il est malgré tout clair que l'affrontement se poursuit et qu'il n'y a aucune confiance entre les deux forces".

Déclenchés le 15 avril, les combats ont fait 413 morts et 3.551 blessés, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

De nouveaux hôpitaux ont été fortement endommagés à Khartoum, et quatre établissements ont été touchés à al-Obeid, à 350 km au sud de la capitale, soulignait dans la journée le syndicat des médecins: au total "70% des hôpitaux en zone de combat sont hors service".

Pour porter assistance aux civils, le Comité international de la Croix-Rouge réclame un "accès humanitaire immédiat et sans entraves (...) une obligation au regard du droit international humanitaire". 

Les combats opposent à Khartoum et au Darfour (ouest) principalement, l'armée sous le commandement du général Abdel Fattah al-Burhane, chef de facto du Soudan depuis le putsch de 2021, aux FRS que dirige le général Mohamed Hamdane Daglo. 

Longtemps latent et cantonné aux négociations sur les conditions d'intégration des FSR aux troupes régulières, pour finaliser un accord politique sur le retour des civils au pouvoir, le conflit entre les deux camps s'est transformé en lutte armée.

Au Darfour, l'une des régions les plus pauvres du Soudan, "la situation est catastrophique", raconte un docteur de Médecins sans frontières (MSF). 

- "Patients à même le sol" -

"Il y a tellement de patients qu'ils sont soignés à même le sol dans les couloirs parce qu'il n'y a tout simplement pas assez de lits", dit-il depuis cette région où les miliciens Janjawids, le gros des FSR, ont commis d'atroces exactions lors de la guerre civile au Darfour déclenchée en 2003.

L'armée de l'air, qui vise les FSR disséminées dans les zones résidentielles, n'hésite pas à larguer des bombes.Dans ce chaos, "70% des 74 hôpitaux de Khartoum et des zones touchées par les combats ont été mis hors d'usage", rapporte le syndicat des médecins.

Les consultations diplomatiques, elles, s'intensifient: le ministre britannique des Affaires étrangères, James Cleverly, a écourté une tournée en Asie-Pacifique "à cause de la situation au Soudan".

Jeudi, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, et le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, avaient appelé à un cessez-le-feu durant "au moins" les trois jours de l'Aïd.

Mais regrette Sami al-Nour, un habitant de Khartoum, "on passe l'Aïd avec en fond sonore le bruit des tirs et l'odeur de la mort à la place des gâteaux, des enfants heureux et du bon temps en famille".  Pour Ibrahim Awad, un autre habitant de la capitale, "la situation était inévitable: un pays avec deux dirigeants et deux armées ne peut pas aller de l'avant". 

Le général Daglo était depuis le putsch d'octobre 2021 le numéro deux du général Burhane.Ce dernier est apparu jeudi pour la première fois depuis le début des hostilités à la télévision d'Etat.

"Pour l'Aïd, notre pays saigne: la destruction, la désolation et le bruit des balles ont pris le pas sur la joie", a-t-il déclaré.Jusqu'ici, comme son rival, le général Daglo, il n'avait parlé qu'à des médias et ne s'était pas adressé directement aux 45 millions de Soudanais.

- Cadavres sur les routes -

De leur côté, les Etats-Unis, ont annoncé l'envoi de militaires dans la région pour faciliter une éventuelle évacuation de leurs ambassades et ressortissants ; la Corée du Sud et le Japon vont eux envoyer des avions alors que l'aéroport est fermé depuis samedi.L'Union européenne envisage pour sa part une évacuation dès que possible par voie terrestre.

Femmes et enfants essentiellement se pressent sur les routes pour fuir, entre points de contrôle et cadavres.

Depuis le début des hostilités, 10.000 à 20.000 personnes, surtout des femmes et des enfants, sont passés au Tchad voisin, selon l'ONU.

Les humanitaires ont pour la plupart été forcés de suspendre leur aide après que trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués.

Vendredi, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a annoncé la mort d'un humanitaire de cette agence de l'ONU victime d'un échange de tirs au sud d'al Obeid.

"Ni Burhane ni Daglo n'ont l'air de vouloir céder, la situation pourrait encore empirer", estime le centre de recherche International Crisis Group (ICG).

"Un conflit de longue durée serait la ruine du Soudan", troisième producteur d'or d'Afrique où pourtant plus du tiers de la population souffre de la faim, ajoute l'ICG.