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Burkina: les victimes de Seytenga, abandonnées à la terreur jihadiste

"Les forces de sécurité ont plié bagage et sont parties".Plusieurs rescapés de l'attaque de Seytenga, au Burkina Faso, ont raconté à l'AFP comment ils se sont retrouvés seuls face aux assaillants, des jihadistes qui ont massacré au moins 79 personnes selon les autorités. 

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14 juin 2022 à 17h36 par AFP

Dori (Burkina Faso) (AFP)

Selon ces témoins, le carnage a commencé samedi en fin de journée dans cette ville du nord du Burkina Faso, à quelques km du Niger, dans une région régulièrement meurtrie par ce type d'attaques, menées par des groupes affiliés à Al Qaida et au groupe Etat islamique (EI).

"Des hommes armés sont venus prendre des positions, encercler le village et tirer.Ils ouvraient même les portes des maisons pour rentrer et exécuter", explique Amadou, un rescapé réfugié à Dori, la grande ville proche de Seytenga. 

"Les terroristes ont visité des boutiques l'une après l'autre, incendiant certaines.Ils tiraient sur ceux qui tentaient de fuir.Ils sont restés dans la ville toute la nuit", précise un autre rescapé qui souhaite rester anonyme. 

"Dès que les tirs ont commencé samedi soir, avec ma famille on a fui en brousse.On y est resté toute la nuit avant de gagner Dori dans la matinée du dimanche.On a rien emporté et on a appris qu'ils ont incendié les maisons, donc on a tout perdu", détaille un autre. 

Certains comme Fatimata, une petite fille dans les bras, sont encore sans nouvelles de leurs proches, notamment son frère. 

"Est-ce qu'il a pu entrer en brousse?On ne sait pas jusqu'à présent. Ils ont dépouillé les maisons, tous ceux qu'ils trouvaient ils les tuaient, les hommes, les enfants.Il y a eu tellement de morts.C'est tellement grave", soupire t-elle. 

- "Sans défense" -

L'attaque n'a pas été revendiquée, comme souvent dans cette région.

Mais Seytenga avait déjà été attaquée deux jours plus tôt, jeudi, par des jihadistes qui y ont tué onze gendarmes, selon les autorités.

"Le lendemain (vendredi), à la levée des corps, les forces de sécurité ont plié bagage et sont parties", raconte Amadou.

"Nous avons alerté, nous avons demandé au moins un renfort pour sécuriser les populations sans défense", poursuit-il. 

Deux des rescapés qui veulent rester anonymes corroborent ses dires. 

"Le vendredi, la gendarmerie, escortée par l'armée qui était venue en renfort, s'est repliée sur Dori", explique le premier.Du coup, "des gens avaient commencé à fuir la ville" sans son sillage, explique un autre.

L'armée burkinabè avait annoncé avoir tué une quarantaine de jihadistes à la suite de l'attaque de jeudi.Selon le gouvernement burkinabé, les jihadistes sont revenus attaquer Seytenga samedi pour venger leurs morts.

Malgré ces attaques sanglantes, certains espèrent encore rentrer à Seytenga. 

"A Dori nous n'avons nulle part où loger, ou à manger.Nous ne savons pas quoi faire.Ce qu'on demande c'est de nous aider à regagner notre village.Nous demandons aux autorités de veiller à ce que nous puissions rentrer et vaquer à nos occupations", plaide Amadou. 

L'attaque de Seytenga est la deuxième la plus meurtrière enregistrée au Burkina Faso, après celle de juin 2021 contre le village de Solhan, également dans le nord près du Niger, où 132 personnes avaient été tuées selon le gouvernement, 160 selon des sources locales.

Le nouvel homme fort du pays, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qui a renversé fin janvier le président élu Roch Marc Christian Kaboré accusé d'être inefficace face à la violence jihadiste, avait promis de faire de la question sécuritaire sa "priorité".

Depuis 2015, les attaques attribuées à des groupes jihadistes ont fait des milliers de morts et près de deux millions de déplacés au Burkina.