Coup d'Etat au Soudan: arrestations et quadrillage pour empêcher les protestations

Les forces de sécurité soudanaises ont multiplié mercredi les arrestations de militants et de manifestants et quadrillé la capitale Khartoum pour tenter d'en finir avec l'opposition au coup d'Etat du général Abdel Fattah al-Burhane.

AFRICA RADIO

27 octobre 2021 à 13h51 par AFP

Khartoum (AFP)

Mardi soir, le Premier ministre renversé Abdallah Hamdok, détenu par l'armée depuis le putsch de lundi avec la plupart des civils qui composaient le pouvoir de transition, a été ramené à son domicile à Khartoum où il est toujours "sous surveillance étroite" des forces de sécurité, selon son bureau. 

Mais au même moment, l'un des leaders du plus grand parti du Soudan, l'Oumma, a été arrêté, d'après sa famille, de même que d'autres militants et des manifestants qui tenaient les barricades bloquant les principales avenues de Khartoum, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Pour empêcher les manifestants de se regrouper mercredi matin, les forces de sécurité ont "enlevé toutes les barricades" de branchages, de pierres ou de pneus brûlés dans le centre-ville, a indiqué à l'AFP un manifestant, Hadi Bachir."Et elles arrêtent tous ceux qui sont à leurs abords".

Dans la nuit, elles ont tiré des grenades lacrymogènes sur les manifestants dans le très turbulent quartier de Bourri à Khartoum, après que quatre manifestants ont été tués et plus de 80 blessés lundi par des tirs des troupes selon des médecins.

Depuis le coup d'Etat, les manifestants anti-armée qui réclament un transfert complet du pouvoir aux civils, se relayaient à ces piquets pour une gigantesque opération ville morte après l'appel de la quasi-totalité des syndicats à la "grève générale".

- Manifestation du "million" -

Mais malgré le tour de vis, des appels de militants ont été lancés sur les réseaux sociaux pour appeler à une "manifestation d'un million de personnes" samedi contre le coup d'Etat.

Pour tenter d'expliquer son coup de force, le général Burhane a prétexté mardi le risque de "guerre civile" après des manifestations plus tôt ce mois contre l'armée et sa personne.

Visiblement pas convaincus, les ambassadeurs occidentaux ont répété que pour eux "M.Hamdok est toujours le Premier ministre et son gouvernement le pouvoir constitutionnel", et ont demandé à pouvoir le rencontrer en personne.

M. Hamdok, qui était le visage civil de la transition post-dictature au Soudan, a seulement parlé au téléphone avec le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken mardi. 

Cette concession à une communauté internationale qui n'a cessé de réclamer un retour à une transition vers la démocratie après 30 ans de dictature d'Omar el-Béchir n'a pas apaisé les craintes.

Depuis que le général Burhane a dissous lundi les institutions du Soudan, pays pauvre miné par le marasme économique et les conflits, et arrêté la quasi-totalité de ses partenaires civils au pouvoir, Washington a suspendu une part de son aide et l'Union européenne a menacé de suivre. 

Et l'Union africaine a suspendu le Soudan de ses institutions.

Moscou a en revanche estimé que le coup d'Etat était "le résultat logique d'une politique ratée" et le Conseil de sécurité de l'ONU a renoncé à utiliser "les termes les plus forts" pour dénoncer le putsch.

- En 2019 déjà -

Les Soudanais, qui depuis leur indépendance il y a 65 ans ont quasiment toujours vécu sous la férule de l'armée, disent qu'ils ne quitteront pas la rue avant la réinstitution d'un pouvoir civil.

Fin 2018 et 2019 déjà, font-ils valoir, ils avaient campé pendant des mois jusqu'à forcer l'armée à démettre le président Omar el-Béchir.Plus de 250 personnes ont péri dans la répression de la révolte.

Pour manifestants et experts, l'option d'un retour à la dictature dans ce pays d'Afrique de l'Est devient de plus en plus réaliste. 

L'aéroport de Khartoum, situé en plein centre-ville et donc encerclé par manifestants et forces de l'ordre, doit rouvrir officiellement dans l'après-midi mais aucune compagnie ne s'est jusqu'ici risquée à annoncer la reprise de ses vols vers ou depuis la capitale soudanaise.

L'internet est en outre toujours bloqué, une décision que le général Burhane a justifié mardi pour des raisons de sécurité.

Et pour dénoncer le coup d'Etat, une trentaine de diplomates ont annoncé dans un communiqué faire défection, proclamant leurs ambassades comme celles du "peuple et de sa révolution".