Fierté à Kin et Brazza: la rumba congolaise patrimoine de l'humanité

Au paradis des ambianceurs des deux rives du fleuve Congo, les Papa Wemba, Grand Kallé, Wendo, Tabu Ley Rochereau, Franklin Boukaka et autres Pamelo Mounka sont heureux: la rumba congolaise fait officiellement partie du patrimoine culturel immatériel de l'humanité.

AFRICA RADIO

14 décembre 2021 à 19h36 par AFP

Kinshasa (AFP)

L'Unesco, réunie cette semaine pour étudier une soixantaine de candidatures, a annoncé mardi que la rumba congolaise - dossier présenté par le Congo-Kinshasa et le Congo-Brazzaville - était admise sur sa liste.Elle y rejoint la rumba cubaine, inscrite en 2016 et, pour l'Afrique centrale, les polyphonies pygmées de Centrafrique (2003) ou les tambours du Burundi (2014).

"Alléluia!" "Enfin!" "Une belle victoire!" Les réseaux sociaux ont immédiatement débordé d'enthousiasme, saluant cette inscription comme une reconnaissance mais aussi un défi à relever pour faire vivre et prospérer cette passion commune aux Congolais.

"Ce joyau culturel propre aux deux Congo est reconnu pour sa valeur universelle", s'est félicité sur Twitter le président de République démocratique du Congo Félix Tshisekedi, en accueillant cette inscription "avec joie et fierté".

"La Rumba, c'est notre identité ! Sa reconnaissance internationale est une fierté et une richesse", a également commenté à Kinshasa Catherine Furaha, ministre de la Culture, des arts et du Patrimoine"."Un événement à célébrer" par les deux Congo, a appuyé son collègue ministre de la Communication Patrick Muyaya.

Tous deux animaient dès jeudi dernier une conférence de presse consacrée à cette inscription, commentée avec quelques jours d'avance."Il est de notre devoir à tous de promouvoir la rumba", estimait l'un."C'est une valeur, une civilisation, une science, elle doit s'apprendre", considérait l'autre, en lançant un appel aux "opérateurs économiques" pour une école, une salle...

"Rien de plus normal que le combat des Congolais aboutisse à cette reconnaissance universelle.Sentiments de réhabilitation et de reconnaissance pour cette belle musique dont le tempo est puisé dans les tripes des Congolais", a déclaré à l'AFP à Kinshasa Zacharie Bababaswe, chroniqueur de musique.Cette inscription est "une reconnaissance, parce que la rumba est le trait d'union entre les deux rives du fleuve Congo", a dit à Brazzaville Jacques Iloki, vice-président de l'Association des peintres du Congo.

- "Nouveaux talents" -

Dans les deux capitales, les spécialistes situent les origines de la rumba dans l'ancien royaume Kongo, où l'on pratiquait une danse appelée Nkumba, qui signifie "nombril", parce qu'elle faisait danser homme et femme nombril contre nombril. 

Avec la traite négrière, les Africains ont emmené dans les Amériques leur culture et leur musique.Ils ont fabriqué leurs instruments, rudimentaires au début, plus sophistiqués ensuite, pour donner naissance au jazz au nord, à la rumba au sud.Avant que cette musique soit ramenée en Afrique par les commerçants, avec disques et guitares.

La rumba dans sa version moderne a une centaine d'années.C'est une musique des villes et des bars, de rencontre des cultures et de nostalgie, de "résistance et de résilience", de "partage du plaisir aussi", avec son mode de vie et ses codes vestimentaires ("la sape"), expliquait récemment à l'AFP le Pr André Yoka Lye, directeur à Kinshasa de l'Institut national des arts (INA). 

Pour lui, la rumba est "tentaculaire, présente dans tous les domaines de la vie nationale".Elle est marquée par l'histoire politique des deux Congo, avant et après l'indépendance.

Elle a connu des hauts et des bas, ses stars font parfois polémique voire scandale, ses réseaux de production et de distribution sont critiqués pour manquer de rigueur.

Mais elle vit et se renouvelle, assure-t-on dans les deux capitales congolaises, où on compte sur cette inscription au patrimoine mondial pour lui donner une notoriété nouvelle, y compris auprès des Congolais eux-mêmes.Pour le chroniqueur Bababaswe, elle "stimulera à coup sûr de nouveaux talents, pourvu qu'on leur crée des cadres" pour exercer leur art.