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France : À trois mois du premier tour de l’élection présidentielle, la droite et l'extrême droite enregistrent des défections

Le député européen du Rassemblement National (RN) Gilbert Collard a quitté le parti de Marine Le Pen pour rallier Éric Zemmour, un autre candidat de l'Extrême droite. Quelles conséquences ce départ peut avoir sur le RN? A qui profite t-il réellement ? Pour comprendre, Liliane Nyatcha interroge Jean-Yves Camus, directeur de l’observatoire des radicalités politiques de la fondation Jean Jaurès en France.

Jean-Yves Camus

28 janvier 2022 à 11h25 par Lilianne Nyatcha / Africa Radio Paris

Pourquoi le ralliement de Gilbert Collard suscite-t-il autant de réactions alors qu'il s'agit de la même famille politique ? Il ne s'est pas trompé de chambre.....

Ce ralliement suscite un certain nombre de réactions, beaucoup trop de réactions même. Certaines chaînes d'information en continu ont quasiment fait l’antenne sur ce fait. Parce que Gilbert Collard est un habitué de la télévision... C'est vrai que ce n’est pas la révolution parce que ce qui va compter au final lors du premier tour des élections présidentielles, ce n’est pas le ralliement de quelques-uns mais les électeurs. Autrement dit, est-ce que la majorité des électeurs de Marine Le Pen en 2017 veulent lui rester fidèle en 2022 ? Ou est-ce qu’au contraire, elle va se faire siphonner une bonne partie de son électorat par Éric Zemmour ?

Et, ce qui intéresse le microcosme politique c'est-à-dire les défections des uns ou des autres, n'intéresse pas nécessairement les électeurs. Eux, ce qu'ils vont regarder, c'est qu'en fait vous avez raison, c'est la même famille mais qu'à l'intérieur de la famille il y a deux lignes politiques qui ne sont plus exactement les mêmes. Côté Éric Zemmour, on explique que le sujet, pratiquement le seul, c’est non pas l'immigration mais la nature de l'identité française ...Qu'est-ce qu'il faut être ? Quelle idée faut-il savoir ? Quel rôle faut-il avoir pour être français ? Écoutez , Marine Le Pen, on parle immigration et on dit qu’on veut arrêter les flux d'immigration entrants.... Mais il y a autre chose dans la vie, notamment pour les classes populaires, le pouvoir d'achat et les délocalisations, tout en continuant effectivement à avoir une ligne dure sur l'immigration. Mais en ne parlant que de ça.

Est-ce qu’en relayant autant cette information, comme vous le disiez, les chaînes d'information ne jouent-elles pas le jeu justement d'Eric Zemmour ? N’est-ce pas ce qu’il espère ?

Non. En l’occurrence pour celles que j’ai regardées ce n’est pas pour jouer le jeu. C'est parce qu’effectivement on est dans une sorte de théâtre avec des gens qui partent d’un parti et qui vont vers un autre. C'est un jeu classique de la politique française que d'accorder de l'importance à ça. En fait, ce que je pense personnellement c’est que c’est une des raisons pour lesquelles on ne lâche pas les démocratiques, ce ne sont pas des choses qui parlent directement aux électeurs. Ce sont des jeux de rôles et, évidemment que c'est embêtant pour Marine Le Pen. Mais en même temps elle perd avec Gilbert Collard, quelqu’un qui n’était pas- contrairement à ce que j'ai entendu- un pilier majeur de sa formation politique.

Il y a passé quand même une décennie....

Mais ce n’est pas un de ses conseillers proches. C'est quelqu'un qui ne vient pas de cette famille politique, c'est quelqu'un qui s’était rallié mais qui ne vient pas de cette famille politique. C’est dire qu’il n’est pas dans ce parti qui fonctionne sur un mode très particulier et où finalement les proches conseillers de Marine Le Pen sont un entourage extrêmement restreint. Gilbert Collard n’y a jamais trouvé sa place. C’est l'une des raisons, à mon avis pour lesquelles il passe du côté de quelqu'un qui d'emblée lui offre la présidence d'honneur du parti Reconquête.

Ce type de transhumance ou plutôt de ralliement à quelques semaines de la présidentielle peut-il réellement changer le cours des choses, pour le candidat Zemmour en l'occurrence ?

Je n’en suis pas persuadé, mais il faut bien voir que tous les sondages que nous avons quasi-quotidiennement donnent Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Eric Zemmour dans un mouchoir de poche. Certes, Marine Le Pen fait jeu égal pour l'instant avec Valérie Pécresse avec 16,5% des intentions de vote et Eric Zemmour est derrière avec 13%, mais tout ça n’est pas très loin de ce qu’on appelle ‘’la marge d'erreur des sondages’’. Cela peut encore évoluer dans les 90 jours qui viennent. Donc oui, il y a un enjeu immense.

Si Marine Le Pen n'est pas au second tour alors qu'elle y était en 2017 après une prestation télévisée éminemment ratée, ce sera effectivement très compliqué pour elle et pour le nouveau venu Éric Zemmour qui est quand même rentré tard dans la campagne avec un parti fondé uniquement début janvier 2022. Ça offrira des possibilités de recomposer sa famille politique.

À gauche, on n’assiste pas à ce type de départ ou de ralliement spectaculaire, sauf erreur de ma part. Est-ce qu'on peut voir un cadre du Parti Socialiste quitter le navire à quelques semaines, peut-être pour la France Insoumise par exemple ?

Non, ça me semble relativement exclu parce que les deux camps sont assez étanches. Il y a un certain nombre de marqueurs qui séparent le Parti Socialiste de la France Insoumise. C’est une raison d'ailleurs pour laquelle je pense que l'idée selon laquelle il devrait n’y avoir qu'une candidature à gauche est depuis le départ une utopie totale.

Parce qu'on sait bien que Jean-Luc Mélenchon d'une part ira jusqu'au bout, parce que c'est sans doute sa dernière élection présidentielle, puis aussi parce qu'il a une ligne politique économique sociale qui n'est pas celle par exemple d'Anne Hidalgo. Par conséquent, ça ne peut pas se faire. Personne ne va se retirer.