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France : ouverture du procès d'un ancien gendarme rwandais soupçonné du meurtre de Tutsi

Un ancien gendarme rwandais comparaît depuis mercredi devant la justice française pour "génocide" et "crimes contre l'humanité", soupçonné du meurtre de Tutsi lors du génocide de 1994 au Rwanda, le sort judiciaire des auteurs du génocide réfugiés en France ayant longtemps été source de tension entre Paris et Kigali.

AFRICA RADIO

10 mai 2023 à 11h06 par AFP

"Je m'appelle Philippe Manier", a dit l'accusé de 66 ans d'une voix claire quand le président de la cour d'assises de Paris, Jean-Marc Lavergne, lui a demandé de décliner son identité. Philippe Hategekimana, naturalisé français en 2005 sous le nom de Philippe Manier, est un ancien adjudant-chef à la gendarmerie de Nyanza, dans la préfecture de Butare (sud). Il est soupçonné des meurtres de dizaines de Tutsi dont le bourgmestre de Ntyazo, Narcisse Nyagasaka, qui résistait à l'exécution du génocide dans sa commune. L'accusé, qui conteste les faits, est aussi suspecté d'avoir ordonné l'érection de barrages routiers "destinés à contrôler et à assassiner les civils tutsi" lors du génocide au Rwanda, qui a fait plus de 800.000 morts selon l'ONU, essentiellement des Tutsi exterminés entre avril et juillet 1994. Outre le meurtre du bourgmestre de Ntyazo, il lui est notamment reproché "l'attaque et le massacre" de 300 civils Tutsi réfugiés sur la colline de Nyamugari, le meurtre d'une religieuse, "Maman Augustine", ainsi que son rôle dans l'attaque de centaines de civils tutsi réfugiés sur la colline de Nyabubare. Environ un millier de civils ont été tués au cours de cette attaque. Quarante parties civiles, dont le Collectif des Parties civiles pour le Rwanda (CPCR), la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) et des rescapés ou proches de victimes, se sont constituées dans ce dossier. Parti du Rwanda après le génocide, Philippe Hategekimana, surnommé "Biguma", était arrivé en France en 1999, où il avait obtenu le statut de réfugié sous une fausse identité. Domicilié dans la région de Rennes, dans l'ouest de la France, il s'était reconverti comme agent de sécurité à l'université de la ville et avait été naturalisé français en 2005. Il avait quitté la France pour le Cameroun en novembre 2017. Interpellé fin mars 2018 à Yaoundé et extradé un an plus tard vers la France, il a été mis en examen le 15 février 2019 et est en détention provisoire depuis cette date. Longtemps, le sort judiciaire des suspects réfugiés en France a été un des points de tension dans la relation compliquée entre Paris et Kigali, empoisonnée par la question du rôle de la France dans le génocide. Le procès est prévu jusqu'au 30 juin. L'accusé encourt la réclusion criminelle à perpétuité.