Les Gambiens dans l'attente du nom de leur prochain président

Les Gambiens attendaient toujours dimanche de connaître le nom de leur prochain président, un fastidieux décompte en cours donnant un avantage net mais provisoire au sortant Adama Barrow au lendemain d'un vote crucial pour une jeune démocratie qui cherche à surmonter son passé dictatorial.

AFRICA RADIO

5 décembre 2021 à 9h36 par AFP

Banjul (Gambie) (AFP)

Seuls les résultats d'une quinzaine des 53 circonscriptions, publiés sur les comptes de la radio-télévision nationale, ont été communiqués depuis la fermeture des bureaux samedi à 17H00 (locales et GMT), plaçant Adama Barrow en tête.

Un officiel de la commission électorale devant laquelle les médias ont installé leurs caméras a indiqué à l'AFP sous le couvert de l'anonymat que les résultats des circonscriptions seraient annoncés une par une, sans que la commission ne se prononce sur un vainqueur auparavant.

Il escomptait que le processus serait achevé dimanche.Seul le président de la commission est habilité à annoncer les résultats, a-t-il insisté.

Les opérations sont rallongées par le peu de moyens dont dispose le pays, la forte mobilisation apparente des électeurs et le procédé de vote très particulier à ce pays.

Les Gambiens se sont pressés par centaines dans les isoloirs samedi, et, en guise de bulletin, ont voté avec une bille introduite par un tuyau dans un des bidons aux couleurs et à l'effigie de chaque candidat, procédé institué sous la colonisation à cause d'un illettrisme largement répandu.

Environ un million de Gambiens, sur une population de deux millions, étaient appelés à choisir en un seul tour parmi six candidats, tous des hommes, celui qui dirigera pendant cinq ans le plus petit pays d'Afrique continentale, qui est aussi l'un des plus pauvres au monde.

L'élection était annoncée comme un duel annoncé entre le président sortant Adama Barrow et l'opposant historique Ousainou Darboe.

Cinq ans après la fin de la dictature, la consolidation démocratique est un des enjeux de l'élection.Le sort de l'ancien dictateur Yahya Jammeh et la crise économique en sont d'autres.

La communauté internationale sera attentive à l'acceptation ou la contestation par les perdants des résultats officialisés par la commission, dit un haut diplomate international parlant de "moment capital". 

Il y a cinq ans, Adama Barrow, ancien promoteur immobilier aujourd'hui âgé de 56 ans et alors quasiment inconnu, avait déjoué les pronostics et battu le dictateur Jammeh après plus de vingt ans de régime caractérisé par une multitude d'atrocités commises par l'Etat et ses agents: assassinats, disparitions forcées, viols, actes de torture...

- Crise économique -

M. Jammeh, qui refusait de reconnaître sa défaite, a été forcé à s'exiler en Guinée équatoriale sous la pression d'une intervention militaire ouest-africaine.

La présidentielle de 2021 est la première sans lui depuis 1996.

Adama Barrow revendique le retour des libertés, la construction de routes et de marchés, et la pacification des relations avec la communauté internationale. 

Ousainou Darboe, 73 ans, avocat, quatre fois deuxième derrière Yahya Jammeh à la présidentielle, accuse M. Barrow d'avoir manqué à tous ses engagements pour rester au pouvoir. 

M. Barrow est revenu sur sa promesse initiale de ne rester que trois ans au pouvoir.Il a beaucoup atténué ses engagements passés à faire rendre des comptes aux responsables des crimes des années Jammeh.

Son parti nouvellement créé a au contraire noué une alliance avec celui de l'ancien autocrate. 

Le prochain président devra décider s'il suit ou non les recommandations d'une commission chargée d'enquêter sur la période Jammeh, qui a demandé que les responsables des crimes commis à cette époque soient jugés.

Des Gambiens interrogés samedi exprimaient d'autres préoccupations.

Près de la moitié des Gambiens vivent sous le seuil de pauvreté.Le pays a été durement touché par le Covid-19.En dehors de l'agriculture, le pays, avec ses plages sur l'Atlantique, vivait du tourisme, dont les flux se sont taris.Les Gambiens souffrent du chômage, de l'augmentation des prix du riz, du sucre ou de l'huile, et du manque d'accès aux soins.