"Massacre de Shakahola" au Kenya: des organes manquaient sur des cadavres, selon les enquêteurs
Certains cadavres retrouvés dans une forêt du sud-est du Kenya, où se réunissaient les membres d'une secte évangélique pratiquant un jeûne extrême, avaient des organes manquants, selon un document judiciaire consulté mardi par l'AFP, soulevant des suspicions de "trafic d'organes".
9 mai 2023 à 16h21 par AFP
Plus d'une centaine de corps, dont une majorité d'enfants, ont jusqu'à présent été retrouvés dans l'enquête sur "le massacre de la forêt de Shakahola", dont la révélation a suscité effroi et incompréhension dans ce pays religieux d'Afrique de l'Est. Selon les autopsies pratiquées sur 112 corps, la plupart des victimes sont mortes de faim, vraisemblabement après avoir suivi les prêches de Paul Nthenge Mackenzie, pasteur autoproclamé de l'Eglise Internationale de Bonne Nouvelle qui prônait de jeûner "pour rencontrer Jésus". Certaines victimes - dont des enfants - ont toutefois été étranglées, battues ou étouffées, avait indiqué la semaine dernière le chef des opérations médico-légales, Johansen Oduor. Mais les autopsies ont également "relevé des organes manquants sur certains des corps (...) exhumés", indique un document judiciaire consulté mardi l'AFP. Dans ce document daté de lundi, le Directoire des enquêtes criminelles (DCI) évoque "un trafic d'organes humains bien coordonné impliquant plusieurs acteurs", sans plus de détail. Le DCI a demandé le gel de comptes bancaires du célèbre pasteur Ezekiel Odero, arrêté le 28 avril dans cette affaire et libéré sous caution jeudi. Cet influent pasteur a reçu "d'énormes transactions en espèces", émanant, selon le DCI, de sommes versées par des fidèles à Mackenzie qui leur avait demandé de vendre leurs propriétés. Un tribunal de Nairobi a ordonné lundi le gel de plus de 20 comptes appartenant à Ezekiel Odero pendant 30 jours. Les recherches de corps, suspendues en raison du mauvais temps, ont repris mardi à Shakahola. Les enquêteurs y fouillaient une vingtaine de nouvelles fosses communes, qui "pourraient contenir plusieurs victimes", a affirmé le ministre de l'Intérieur, Kithure Kindiki, présent sur place. "Je crains que nous ayons beaucoup plus de tombes dans cette forêt et cela nous amène à conclure qu'il s'agissait d'un crime hautement organisé", a ajouté le ministre, ajoutant que 65 personnes ont été jusqu'à présent secourues vivantes. "Ce que nous avons ici à Shakahola est l'une des pires tragédies que notre pays ait jamais connues", a-t-il déclaré. Ancien chauffeur de taxi devenu pasteur au début des années 2000, Paul Nthenge Mackenzie va être poursuivi pour "terrorisme", ont annoncé les procureurs le 2 mai. Un tribunal de la ville de Mombasa doit se prononcer mercredi sur la prolongation de sa détention et de 17 co-accusés, dont son épouse, pour 90 jours. Ce massacre a ravivé le débat sur l'encadrement des cultes au Kenya, pays majoritairement chrétien qui compte 4.000 "églises", selon des chiffres officiels. Ce scandale a également placé les autorités sous le feu des critiques pour ne pas avoir empêché les agissements du pasteur Mackenzie, pourtant arrêté à plusieurs reprises pour ses prêches extrêmes.