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Le speaker hurle dans le mégaphone.Et soudain, les vingt pirogues s'élancent dans un nuage d'écume au rythme des tambours qui battent la cadence.Une clameur s'élève des berges où se massent les habitants de Bangui, pour la fête nationale centrafricaine.

La course de pirogues est le point d'orgue des c&eacute;l&eacute;brations du 1er d&eacute;cembre, mais les Centrafricains en ont &eacute;t&eacute; priv&eacute;s pendant plusieurs ann&eacute;es depuis que leur pays, parmi les plus pauvres du monde, se d&eacute;chire dans une sanglante guerre civile.&nbsp;
Cette tradition qui remonte &agrave; l'&eacute;poque coloniale fran&ccedil;aise a &eacute;t&eacute; victime des combats f&eacute;roces qui ravagent la Centrafrique depuis qu'une coalition de groupes arm&eacute;s a renvers&eacute; le pr&eacute;sident Fran&ccedil;ois Boziz&eacute; en 2013.La capitale plonge alors dans l'horreur des affrontements communautaires.
Mais depuis 2016, le gouvernement a remis la course au programme.Les combats ont consid&eacute;rablement baiss&eacute; d'intensit&eacute; depuis 2019, permettant une reprise timide de cette tr&egrave;s populaire joute annuelle dans une capitale relativement &eacute;pargn&eacute;e par les violences quand deux tiers du pays sont encore sous la coupe des groupes rebelles.

- Yakoma contre Mbaka -

La comp&eacute;tition oppose les meilleures ethnies de pagayeurs: Mbaka, Sango, Modjombo et Yakoma.Des habitants historiques des berges de la rivi&egrave;re Oubangui, qui se disputent le titre depuis des d&eacute;cennies.
"Avant, c'&eacute;taient les Yakoma qui gagnaient toujours mais, depuis 2003, ce sont les Mbaka chaque ann&eacute;e", explique Mesmin, le chef de Ngaragba, un quartier paisible en bord de fleuve majoritairement peupl&eacute; de Yakoma.
Ce matin, Mesmin vient assister aux derniers pr&eacute;paratifs de l'&eacute;quipe.Il faut tester la pirogue et &eacute;chauffer les muscles sous un soleil d&eacute;j&agrave; br&ucirc;lant.&nbsp;Mesmin est un ancien comp&eacute;titeur, une gloire locale pour ceux de ses administr&eacute;s qui se souviennent d'une fameuse 2e place d&eacute;croch&eacute;e avec l'&eacute;quipe du quartier dans sa jeunesse.
Mais le chef sait bien que, cette ann&eacute;e encore, la trentaine de pagayeurs du quartier Ngaragba n'a aucune chance: les Mbaka, de la r&eacute;gion foresti&egrave;re de la Lobaye, dans le Sud-Ouest, savent construire d'immenses pirogues larges d'un m&egrave;tre et longues de 20, capables d'emporter jusqu'&agrave; 90 rameurs.Et c'est presque toujours le plus gros qui gagne.
La technique des Mbaka, qui pagayent debout, leur donne aussi un avantage sur les Yakoma et les Sango qui rament assis."C'est notre fa&ccedil;on de pagayer traditionnelle", avance Yvon Akelelo, le responsable de l'&eacute;quipe.Pas question d'en changer.

- Solidarit&eacute;, partage -&nbsp;

Mais c'est surtout la solidarit&eacute; communautaire qui permet &agrave; leurs adversaires de construire ces pirogues g&eacute;antes dont le prix peut atteindre l'&eacute;quivalent de 1.500 euros.&nbsp;"Avant, toutes les familles cotisaient dans notre quartier, mais maintenant, les gens ne donnent plus", regrette Mesmin.&nbsp;
Alors les jeunes de Ngaragba doivent se contenter d'une embarcation plus modeste, lou&eacute;e &agrave; la journ&eacute;e pour 20.000 francs CFA (environ 30 euros).&nbsp;Pas de quoi entamer la ferveur et l'optimisme des rameurs comme Paul, un &eacute;tudiant: "Les Mbaka gagnent &agrave; chaque fois, mais aujourd'hui les jeunes sont d&eacute;cid&eacute;s &agrave; gagner pour notre quartier !" lance-t-il.
Pour ces jeunes, la course est aussi l'occasion d'empocher un petit revenu dans un pays o&ugrave; le salaire mensuel moyen atteint &agrave; peine les 30 euros.Car le gouvernement encourage cette comp&eacute;tition en d&eacute;cernant un prix de 50.000 francs CFA &agrave; toutes les &eacute;quipes.&nbsp;Les vainqueurs, eux, se partagent 1 million de FCFA, l'&eacute;quivalent de 1.500 euros.&nbsp;
"Ceux qui font la course gagnent plus, mais on garde une part pour le quartier, on partage m&eacute;nage par m&eacute;nage", explique Yvon.D'o&ugrave; la ferveur du public.
A 13H00, toutes les plus belles pirogues de Bangui sont rassembl&eacute;es devant la tribune pr&eacute;sidentielle.Les champions se reconnaissent &agrave; la couleur uniforme qui orne leurs navires et leurs v&ecirc;tements, et &agrave; leurs mouvements parfaitement synchronis&eacute;s.
Au milieu de cette armada, la petite pirogue de Ngaragba fait p&acirc;le figure.Mais il en faut plus pour entamer le moral des rameurs, que leurs voisins acclament depuis la rive.&nbsp;&nbsp;&nbsp;
La course tant attendue dure dix minutes &agrave; peine.&nbsp;
Apr&egrave;s une boucle, les premiers bateaux approchent de la ligne d'arriv&eacute;e.Leurs &eacute;quipages &eacute;puisent leurs derni&egrave;res forces et les pirogues filent comme de longs mille-pattes sur l'eau dor&eacute;e par le soleil.
Cette fois encore, les Mbaka raflent tout."Premi&egrave;re, deuxi&egrave;me, troisi&egrave;me, quatri&egrave;me et cinqui&egrave;me places, c'est des Mbaka.Les Yakoma sont septi&egrave;mes", &eacute;gr&egrave;ne Mesmin, l'oreille riv&eacute;e &agrave; sa radio o&ugrave; la course est comment&eacute;e en direct.Et voil&agrave; enfin l'&eacute;quipe de Ngaragba, qui arrive bonne derni&egrave;re...

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