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A Tombouctou, la procureure de la CPI boucle symboliquement la boucle

Voile sur la tête, du même vert que son large boubou, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) Fatou Bensouda arpente silencieusement les allées de la mosquée Djingarey Bey de Tombouctou, classée au patrimoine mondial de l'Unesco.

Elle &eacute;coute, studieuse, les explications du ma&icirc;tre des lieux, sur le cr&eacute;pissage annuel des murs, sur une entr&eacute;e d'air.A une centaine de m&egrave;tres au dehors, les mausol&eacute;es.
La visite semblerait touristique.Elle ne l'est pas.
Neuf ans apr&egrave;s l'occupation de Tombouctou par les jihadistes en 2012, l'Unesco, le gouvernement malien, la CPI et le Fonds des victimes de la CPI sont tous l&agrave; pour visiter le patrimoine cibl&eacute; &agrave; l'&eacute;poque et aujourd'hui reconstruit ou restaur&eacute;, et la visite de ce mercredi a des airs de revanche sur l'histoire.
A l'&eacute;poque, au nom de la lutte contre "l'idol&acirc;trie", le groupe jihadiste Ansar Dine, affili&eacute; &agrave; Al-Qa&iuml;da, s'en &eacute;tait pris &agrave; la pioche &agrave; quatorze mausol&eacute;es de saints.
"Pour moi, la boucle est boucl&eacute;e!", explique Fatou Bensouda, qui ne cache pas sa fiert&eacute;, &agrave; quelques semaines de quitter ses fonctions.La condamnation en 2016 d'un jihadiste malien, Ahmad Al Faqi Al Mahdi, reconnu coupable d'avoir particip&eacute; &agrave; la destruction des mausol&eacute;es, est l'une de ses "victoires" de magistrate.
Pour la premi&egrave;re fois, la destruction de biens culturels avait &eacute;t&eacute; consid&eacute;r&eacute;e comme un crime de guerre par la justice.
Mardi, un euro symbolique a &eacute;t&eacute; remis par le Fonds des victimes au Mali et &agrave; la communaut&eacute; internationale.D'autres r&eacute;parations financi&egrave;res sont pr&eacute;vues pour les descendants des saints dont les s&eacute;pultures ont &eacute;t&eacute; attaqu&eacute;es.
"Quand j'ai commenc&eacute; &agrave; enqu&ecirc;ter avec mes &eacute;quipes, les gens ont demand&eacute;: +pourquoi Bensouda n'enqu&ecirc;te pas sur des crimes de sang, ce ne sont que des b&acirc;timents+", dit-elle.
"Mais c'&eacute;tait tr&egrave;s important!Il fallait envoyer le message que d&eacute;truire des sites class&eacute;s &agrave; l'Unesco ne pouvait se faire dans l'impunit&eacute;".
Les vieux manuscrits de l'ancienne ville savante sont d&eacute;sormais sauvegard&eacute;s au centre Ahmed Baba.Ch&egrave;che rouge sur la t&ecirc;te, le jeune &eacute;tudiant Sekou Baba tient dans ses mains un Coran, pas encore dat&eacute;.Il montre comment les feuilles jaunies par les si&egrave;cles sont stock&eacute;es, restaur&eacute;es.

- "Nouvelles de La Haye" -

Soudain, devant la salle d'archivage n&deg;3, deux militaires maliens s'exclament: "Eh ! mais c'est Fatou Bensouda!"
L'ancienne ministre gambienne fait comme si de rien n'&eacute;tait, l&acirc;che un sourire en coin derri&egrave;re son masque, et reprend sa marche.La visite se fait au pas de course et sous la protection de dizaines de Casques bleus de la mission de l'ONU au Mali.
Entre les agissements des jihadistes, des groupes arm&eacute;s et des trafiquants, la situation reste volatile dans la r&eacute;gion.Tombouctou elle-m&ecirc;me est gangr&eacute;n&eacute;e par de vieilles tensions intercommunautaires entre populations s&eacute;dentaires noires et nomades arabes.
Arguant que la culture est facteur de coh&eacute;sion, le directeur g&eacute;n&eacute;ral adjoint de l'Unesco Xing Qu s'est voulu formel devant les imams des trois grandes mosqu&eacute;es: "Votre patrimoine est notre patrimoine, ce qui est &agrave; Tombouctou est &agrave; l'humanit&eacute;".
Les imams ont &eacute;cout&eacute;, puis l'un s'est tourn&eacute; vers Mme Bensouda: "Al Mahdi a &eacute;t&eacute; condamn&eacute;, mais il agissait sous la responsabilit&eacute; d'un autre, Iyad Ag Ghaly".
A l'&eacute;poque &agrave; la t&ecirc;te d'Ansar Dine, celui-ci dirige aujourd'hui la principale n&eacute;buleuse jihadiste affili&eacute;e &agrave; Al-Qa&iuml;da, le Groupe de soutien &agrave; l'Islam et aux musulmans (GSIM).
"Notre travail au Mali n'est pas fini", r&eacute;pond la procureure.
Apr&egrave;s une &eacute;ni&egrave;me photo symbolique, Fatou Bensouda vient s'enqu&eacute;rir aupr&egrave;s des journalistes de l'AFP des "nouvelles de La Haye", le si&egrave;ge de la CPI qui statuait le m&ecirc;me jour sur l'affaire de crimes contre l'humanit&eacute; contre l'ancien pr&eacute;sident ivoirien Laurent Gbagbo et l'un de ses proches, Charles Bl&eacute; Goud&eacute;.Les deux hommes ont &eacute;t&eacute; acquitt&eacute;s en 2019 mais, elle, Fatou Bensouda avait fait appel.
"Ce n'est pas vrai!", l&acirc;che-t-elle spontan&eacute;ment quand elle apprend que les acquittements sont confirm&eacute;s, avant de finir la visite enferm&eacute;e dans sa voiture blind&eacute;e, &agrave; passer des coups de t&eacute;l&eacute;phone.Elle a sobrement tweet&eacute; en fin de journ&eacute;e avoir "pris acte" du jugement.

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