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"Ce n'était qu'un rêve": les espoirs brisés d'une Sud-Soudanaise

Le 9 juillet 2011, Nunu Diana a imaginé son pays, le Soudan du Sud nouvellement indépendant, comme "une grande nation, développée, avec des ressources".Dix ans et une guerre civile plus tard, elle soupire: "Ce n'était qu'un rêve".

Ce jour de 2011, elle &eacute;tait en Ouganda, o&ugrave; elle vivait depuis 20 ans.Sa famille avait quitt&eacute; sa ville natale de Yei, fuyant les combats qui ont durant des d&eacute;cennies oppos&eacute; le Nord du Soudan, majoritairement musulman, au Sud, &agrave; dominante chr&eacute;tienne et animiste.
"Le 9 juillet m'a rendue encore plus ind&eacute;pendante que le Soudan du Sud lui-m&ecirc;me, parce que je savais que j'allais revenir dans mon pays", se souvient cette travailleuse sociale de 33 ans.
Le proclamation de l'ind&eacute;pendance, elle l'a vue &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision."J'ai pleur&eacute; en voyant tous ces gens heureux qu'un nouveau b&eacute;b&eacute; soit n&eacute;".
"Je me souviens des grands discours de nos leaders", dont le futur pr&eacute;sident Salva Kiir, raconte-t-elle: "Cela m'a donn&eacute; l'espoir qu'un jour nous serions une grande nation, d&eacute;velopp&eacute;e, avec beaucoup de ressources".
Avec ses terres fertiles baign&eacute;es par le Nil Blanc et ses gisements de p&eacute;trole, ce nouveau pays &eacute;tait dot&eacute; d'un riche potentiel &eacute;conomique.
"J'imaginais un Soudan du Sud avec un syst&egrave;me de sant&eacute; fort, compte tenu de nos ressources naturelles.J'imaginais un Soudan du Sud avec plein de ressources humaines, surtout les jeunes qui reviendraient pour construire le pays.Je m'imaginais comme une femme forte, j'aurais un travail et mes enfants auraient &eacute;tudi&eacute; ici".

- "Les choses empirent" -

Nunu Diana est revenue s'installer &agrave; Juba, la capitale du nouvel Etat, avec son mari et son dernier-n&eacute; en f&eacute;vrier 2012."Nous avions tous l'espoir que nos enfants n'auraient pas &agrave; vivre ce que nous avions v&eacute;cu", ajoute-t-elle.
Mais en d&eacute;cembre 2013, les luttes de pouvoir entre le pr&eacute;sident Salva Kiir et son ancien vice-pr&eacute;sident Riek Machar ont plong&eacute; le pays dans cinq ann&eacute;es d'un conflit fratricide, qui fera plus de 380.000 morts et 4 millions de d&eacute;plac&eacute;s.
Le 16 d&eacute;cembre, les forces arm&eacute;es des deux camps s'affrontent.Le 20, Nunu Diana reprend le chemin de l'exil."Devoir ramener mon fils en Ouganda est une des choses qui m'ont fait perdre espoir dans le Soudan du Sud", confie-t-elle.
Elle reviendra &agrave; Juba en f&eacute;vrier 2014, o&ugrave; elle a fond&eacute; en 2018 une ONG pour aider les personnes atteintes du sida.&nbsp;
Ses quatre enfants sont rest&eacute;s en Ouganda pour pouvoir b&eacute;n&eacute;ficier de conditions d&eacute;centes d'&eacute;ducation et de sant&eacute;.
Au Soudan du Sud, "les choses empirent", affirme Nunu Diana.
Selon l'Unicef, 70% des enfants en &acirc;ge d'aller &agrave; l'&eacute;cole n'y ont pas acc&egrave;s, le taux le plus &eacute;lev&eacute; au monde.Un enfant sur dix n'atteint pas l'&acirc;ge de cinq ans.
Le pays fait &eacute;galement face actuellement &agrave; "son plus haut niveau d'ins&eacute;curit&eacute; alimentaire depuis l'ind&eacute;pendance", selon l'ONU.Plus de 7,2 millions de personnes, soit 60% de la population, sont en situation d'ins&eacute;curit&eacute; alimentaire "aigu&euml; s&eacute;v&egrave;re", dont 108.000 personnes menac&eacute;es de famine, selon le Programme alimentaire mondial (PAM).
Une situation dramatique caus&eacute;e par des catastrophes naturelles (s&eacute;cheresse, inondations, invasion de criquets) et les violences intercommunautaires qui d&eacute;truisent les cultures et d&eacute;placent des millions de personnes, et encore aggrav&eacute;e par une crise &eacute;conomique marqu&eacute;e par une inflation galopante.

- "Accord sur le papier" -

"Tout devient tr&egrave;s cher", explique Nunu Diana.Pour faire des &eacute;conomies, elle a plant&eacute; quelques l&eacute;gumes verts, des ocras, des arachides dans son jardin.Elle ne cuisine qu'une fois par jour: "Ce qu'on mange le midi, on en garde pour le soir".&nbsp;
Juba, la capitale, est devenue "plus s&ucirc;re".Mais le reste du pays est gangr&eacute;n&eacute; par les violences, notamment intercommunautaires."L'accord de paix (sign&eacute; en 2018 entre Kiir et Machar, ndlr) n'existe que sur le papier", l&acirc;che-t-elle.
Malgr&eacute; tout, elle garde espoir de voir un jour la devise du pays "Justice, libert&eacute;, prosp&eacute;rit&eacute;" prendre corps.&nbsp;
Mais cela passera par le premier de ces trois piliers: la justice."Nos dirigeants ne respectent pas l'Etat de droit", accuse-t-elle, d&eacute;plorant que l'effusion de sang se poursuive et que ceux qui attisent le conflit ne soient pas traduits en justice.
"Il faut que les dirigeants dialoguent avec les communaut&eacute;s, avec les citoyens.Notre conflit est si profond&eacute;ment enracin&eacute; qu'une personne venue d'ailleurs n'est pas en mesure de le r&eacute;soudre", ajoute-t-elle: "Nos leaders, nos lib&eacute;rateurs, doivent s'effacer et donner ce pays aux jeunes gens qui ont l'&eacute;nergie, les aspirations et l'espoir pour qu'ils prennent les choses en main".

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