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"Avant, nous utilisions des lampes à huile", se souvient Abdel Hakim Hassanein, reconnaissant l'utilité du Haut barrage inauguré il y a cinquante ans à Assouan dans le sud de l'Egypte mais contesté encore aujourd'hui pour son coût humain, écologique et géopolitique.

Selon cet ouvrier de 68 ans, dont la maison surplombe le Nil dans le quartier de Messi Tod &agrave; Assouan, "les trois quarts des gens ici travaillent au barrage".
L'ouvrage monumental de b&eacute;ton et d'acier en forme d'arc de cercle a &eacute;t&eacute; voulu par le pr&eacute;sident Gamal Abdel Nasser pour r&eacute;guler les crues du fleuve et pour assurer &agrave; l'Egypte l'ind&eacute;pendance agricole et &eacute;lectrique.
Situ&eacute; &agrave; environ 700 kilom&egrave;tres au sud du Caire, le site sous haute surveillance re&ccedil;oit quelques heures par jour des curieux venus admirer l'&eacute;difice de 111 m&egrave;tres de hauteur et de 3.600 m&egrave;tres de longueur, qui a nourri le roman national &eacute;gyptien.
Pour le g&eacute;ographe et expert en souverainet&eacute; alimentaire Habib Ayeb, le barrage d'Assouan constitue un "acte hydropolitique tr&egrave;s important" qui a "offert un sursis aux Egyptiens en leur donnant suffisamment d'eau (...) et en les prot&eacute;geant des al&eacute;as des crues".
Dans ce pays o&ugrave; 97% de la population sont concentr&eacute;s sur seulement 8% du territoire --le long du Nil principalement--, le barrage a r&eacute;volutionn&eacute; l'irrigation.
Parall&egrave;lement, il a permis l'&eacute;lectrification du pays.Il g&eacute;n&eacute;rait 50% de l'&eacute;lectricit&eacute; produite en Egypte dans les ann&eacute;es 1970, mais seulement 6% actuellement selon l'ONG Initiative &eacute;gyptienne pour les droits personnels.

- Terres submerg&eacute;es -

Mais il a aussi caus&eacute; d'irr&eacute;versibles dommages.&nbsp;
Si la campagne internationale men&eacute;e par l'Unesco d&egrave;s 1960 a pu sauver des dizaines de monuments dont les temples d'Abou Simbel --construits il y a pr&egrave;s de 3.300 ans-- et de Philae, la mise en eau en 1964 a entra&icirc;n&eacute; la submersion des terres de la principale minorit&eacute; ethnique d'Egypte:&nbsp;les Nubiens.
Pour le militant nubien Fawzi Gayer, le Haut barrage est un "symbole d'oppression".
Ce quinquag&eacute;naire habite Abou Simbel al-Tahgir ("d&eacute;placement" en arabe), un village&nbsp;o&ugrave; sa famille a &eacute;t&eacute; relocalis&eacute;e peu avant sa naissance, &agrave; 45 km au nord d'Assouan, sur des terres arides.
"On parle d'une communaut&eacute; &agrave; l'identit&eacute; nilotique (...) Et on nous a jet&eacute;s dans les entrailles du d&eacute;sert", d&eacute;plore-t-il.
La construction d'un premier barrage moderne &agrave; Assouan, &eacute;difi&eacute; sous le protectorat britannique, avait donn&eacute; lieu &agrave; plusieurs vagues d'&eacute;vacuations (1902, 1912, 1933).Mais les &eacute;vacuations ont culmin&eacute; dans les ann&eacute;es 1960 avec plusieurs dizaines de milliers de personnes d&eacute;plac&eacute;es, selon les associations.
"Des enfants de ma g&eacute;n&eacute;ration en sont morts &agrave; cause du choc" et de maladies, ajoute le militant, &eacute;mu.
R&eacute;clamant de longue date un "droit de retour", les Nubiens ont obtenu en 2014 l'inscription de cette revendication dans la Constitution &eacute;gyptienne, mais aucune mesure concr&egrave;te n'a &eacute;t&eacute; prise dans ce sens.

- "Bombe politique" -

En outre, l'immense lac Nasser (500 km de longueur sur 10 km de largeur), capable de contenir plus de 165 km3 d'eau, a boulevers&eacute; l'&eacute;cosyst&egrave;me du fleuve.
Sa r&eacute;tention du limon a appauvri les sols en aval, entra&icirc;nant indirectement leur pollution en raison de l'usage accru d'engrais chimiques.
Mais M. Ayeb estime que l'ouvrage s'est surtout "r&eacute;v&eacute;l&eacute; &ecirc;tre une bombe politique" &agrave; retardement pour la vall&eacute;e du Nil.
En effet, le fleuve, qui coule sur quelque 6.000 kilom&egrave;tres du sud au nord, sert de source d'approvisionnement en eau et en &eacute;lectricit&eacute; pour une dizaine de pays d'Afrique de l'Est.
Depuis une dizaine d'ann&eacute;es, Le Caire, Khartoum et Addis Abeba ferraillent autour de la construction&nbsp;lanc&eacute;e en 2011 par l'Ethiopie du grand barrage de la Renaissance (Gerd), qui doit devenir la plus grande construction hydro&eacute;lectrique d'Afrique.
L'Ethiopie consid&egrave;re l'ouvrage essentiel &agrave; son d&eacute;veloppement mais l'Egypte craint une r&eacute;duction du d&eacute;bit du fleuve, dont elle d&eacute;pend pour 97% de son approvisionnement en eau (irrigation, potable).
Selon l'expert, "la rupture entre Addis Abeba et Le Caire a &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute;e par le barrage d'Assouan".
En r&eacute;servant sans partage la gestion du fleuve &agrave; l'Egypte, le Haut barrage d'Assouan&nbsp;a&nbsp;tu&eacute; dans l'oeuf le possibilit&eacute; d'&eacute;tablir le&nbsp;"bassin du Nil comme cadre de gestion d'un bien commun", affirme M. Ayeb.

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