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En Centrafrique, un billard à trois bandes lourd de périls à un an de la présidentielle

Le retour inattendu de deux ex-présidents centrafricains, principaux initiateurs d'une guerre civile qui perdure --François Bozizé et celui qui l'a renversé en 2013, Michel Djotodia-- laisse augurer une âpre partie de billard à trois bandes avec l'actuel chef de l'Etat Faustin-Archange Touadéra à un an de la présidentielle.

Nombre d'observateurs voient dans le retour d'exil des deux "fr&egrave;res-ennemis" la volont&eacute; de Boziz&eacute; --ralli&eacute; par une partie de l'opposition-- de revenir &agrave; la t&ecirc;te de l'un des pays les pauvres d'Afrique.Des vell&eacute;it&eacute;s que Touad&eacute;ra tenterait de contrer en s'alliant avec Djotodia, lequel n'en pense pas forc&eacute;ment moins &agrave; l'horizon du scrutin.
Ces man&oelig;uvres sont potentiellement explosives dans un pays o&ugrave; la guerre civile continue de faire des victimes malgr&eacute; la signature d'un accord de paix entre tous les bellig&eacute;rants &agrave; Khartoum il y a pr&egrave;s d'un an, et alors que plus des deux tiers du territoire sont encore sous la coupe de groupes arm&eacute;s rebelles.
La pr&eacute;sidentielle est pr&eacute;vue pour la fin 2020.&nbsp;
M. Boziz&eacute; est revenu en catimini le 16 d&eacute;cembre mais ne s'est affich&eacute; en public que six jours plus tard, pour un bain de foule devant des milliers de supporters l'exhortant &agrave; "reprendre le pouvoir".&nbsp;
A ce jour, il n'a pas &eacute;t&eacute; re&ccedil;u par le pr&eacute;sident Touad&eacute;ra."M.Boziz&eacute; est entr&eacute; en Centrafrique dans des conditions obscures et pose des conditions &agrave; une rencontre", r&eacute;torque le porte-parole du gouvernement Ange Maxime Kazagui.En revanche, le chef de l'Etat a re&ccedil;u M. Djotodia aussit&ocirc;t descendu de l'avion vendredi.&nbsp;
"Une arriv&eacute;e planifi&eacute;e et n&eacute;goci&eacute;e", assure Nathalia Dukhan, experte de la Centrafrique pour l'ONG am&eacute;ricaine anticorruption The Sentry."D&eacute;j&agrave; tr&egrave;s impopulaire, le pouvoir actuel d&eacute;montre qu'il n'a qu'un objectif: la r&eacute;&eacute;lection" de Touad&eacute;ra, "quel qu'en soit le co&ucirc;t", poursuit-elle, estimant &agrave; contrario que Boziz&eacute;, lui, "est toujours tr&egrave;s populaire (...) ce qui menace directement cette r&eacute;&eacute;lection".
Rosmon Zokou&eacute;, pr&eacute;sident de l'Association des blogueurs centrafricains (ABCA) ne dit pas autre chose: "Le retour de Djotodia, c'est une strat&eacute;gie du pouvoir, Touad&eacute;ra se garantit ainsi le soutien des &eacute;lecteurs des territoires sous influence de l'ex-S&eacute;l&eacute;ka gr&acirc;ce au soutien de Djotodia".

- Mandat d'arr&ecirc;t -

Fran&ccedil;ois Boziz&eacute;, qui a pris le pouvoir &agrave; l'issue d'un coup d'Etat en 2003, a &eacute;t&eacute; renvers&eacute; par les armes 10 ans plus tard par Michel Djotodia, chef de la S&eacute;l&eacute;ka &agrave; majorit&eacute; musulmane.Puis des combats meurtriers ont oppos&eacute; la S&eacute;l&eacute;ka &agrave; des milices d'autod&eacute;fense domin&eacute;es par les chr&eacute;tiens et animistes, les anti-balaka, cornaqu&eacute;es depuis son exil ougandais par Boziz&eacute;.
Apr&egrave;s une intervention de l'arm&eacute;e fran&ccedil;aise, la S&eacute;l&eacute;ka a abandonn&eacute; Bangui d&eacute;but 2014, contraignant Djotodia &agrave; la d&eacute;mission.Touad&eacute;ra a &eacute;t&eacute; &eacute;lu pr&eacute;sident en janvier de la m&ecirc;me ann&eacute;e mais n'est pas parvenu &agrave; stopper les combats, malgr&eacute; la pr&eacute;sence d'une force multinationale de l'ONU.
Si Djotodia a &eacute;chapp&eacute;, jusqu'&agrave; aujourd'hui, aux foudres des justices internationale et centrafricaine, il n'en va pas de m&ecirc;me pour Boziz&eacute;: l'ONU a d&eacute;cr&eacute;t&eacute; des sanctions contre lui et la Centrafrique &eacute;mis un mandat international, notamment pour "crimes contre l'Humanit&eacute;".
Son entourage a soulign&eacute; d&egrave;s son retour que Boziz&eacute; est rentr&eacute; juste &agrave; temps pour se pr&eacute;senter &agrave; la pr&eacute;sidentielle, la loi &eacute;lectorale imposant de r&eacute;sider depuis au moins un an en Centrafrique.&nbsp;
Cependant, "la situation juridique de Boziz&eacute; est beaucoup plus compliqu&eacute;e que celle de Djotodia" au regard du mandat d'arr&ecirc;t, estime l'analyste Thierry Vircoulon, sp&eacute;cialiste de l'Afrique centrale &agrave; l'Institut fran&ccedil;ais des relations internationales (IFRI).Son &eacute;ligibilit&eacute; n'est pas encore acquise et le camp Touad&eacute;ra pourrait se montrer moins conciliant si sa r&eacute;&eacute;lection para&icirc;t en danger, au risque d'enflammer la campagne.

- "Course contre la montre" -

"A moins d'un an de la pr&eacute;sidentielle, tous les clans politiques sont engag&eacute;s dans la course contre la montre", analyse Mme Dukhan.&nbsp;
Attention aussi, pr&eacute;viennent certains observateurs: si les ambitions de Boziz&eacute; sont claires, celles de Djotodia restent floues."L'avenir appartient &agrave; Dieu", r&eacute;pond l'int&eacute;ress&eacute; sur ce plan.
Par ailleurs, Djotodia demeure le chef politique du principal groupe arm&eacute; rebelle de Centrafrique, le Front pour la Renaissance de la Centrafrique (FPRC), qui contr&ocirc;le le nord-est en y multipliant meurtres, pillages et viols, rappelle &agrave; l'AFP Lewis Mudge, directeur Afrique centrale de l'ONG Human Rights Watch (HRW).&nbsp;
Une situation potentiellement explosive pour une campagne &eacute;lectorale donc, dans un pays toujours en guerre civile malgr&eacute; une accalmie depuis l'accord de Khartoum en f&eacute;vrier 2019.
"C'est un mauvais signe que Boziz&eacute;, pourtant sous sanctions, puisse &ecirc;tre r&eacute;int&eacute;gr&eacute; dans le paysage politique.De m&ecirc;me la S&eacute;l&eacute;ka a commis des crimes de guerres et contre l'Humanit&eacute; et Djotodia &eacute;tait &agrave; sa t&ecirc;te, cela montre que le cycle de l'impunit&eacute; n'est pas rompu", s'inqui&egrave;te M. Mudge.

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