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Faire du théâtre à 20 ans à Bamako

Awa Bagayogo ne cache pas sa joie de pouvoir jouer devant un public: cela n'arrive pas si souvent à Bamako.Dans la capitale d'un Mali en guerre, faire du théâtre relève encore du sacerdoce pour des jeunes à la parole facile.

Tout est une histoire de "passion", r&eacute;p&egrave;te &agrave; l'envi la com&eacute;dienne de 23 ans, dipl&ocirc;me d'art dramatique en poche et de l'ambition plein la t&ecirc;te."J'ai commenc&eacute; apr&egrave;s avoir regard&eacute; des films &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision.C'est les acteurs de cin&eacute;ma, ceux qui incarnent un r&ocirc;le, que j'aimais", explique-t-elle &agrave; l'AFP avec un large sourire, une fois les spectateurs partis.
Elle avait 15 ans, c'&eacute;tait dans les ann&eacute;es 2010, quand elle a attrap&eacute; le virus de la com&eacute;die.Durant ces m&ecirc;mes ann&eacute;es, la guerre s'est empar&eacute;e du Mali, sous le feu de groupes ind&eacute;pendantistes du nord du pays, puis de jihadistes.Et la violence a essaim&eacute; jusque dans le centre du Mali et les pays voisins, Niger et Burkina Faso en t&ecirc;te.
Mais &agrave; Bamako, capitale peu touch&eacute;e par la violence, une dizaine d'&eacute;tudiants continuent de recevoir chaque ann&eacute;e leur dipl&ocirc;me d'art dramatique.Deux &eacute;coles existent: l'Institut national des Arts de Bamako (INA, un centre d'apprentissage culturel de niveau licence), et le Conservatoire des Arts, de niveau master.&nbsp;
Elles sont un passage oblig&eacute; pour les pr&eacute;tendants aux arts de la sc&egrave;ne."Il y a beaucoup de probl&egrave;mes, mais on est ensemble, comme une famille", dit Awa, assise au milieu des neuf autres com&eacute;diens qui ont jou&eacute; avec elle ce soir-l&agrave;.Elle a quatre ans de th&eacute;&acirc;tre au compteur, et ne compte pas s'arr&ecirc;ter malgr&eacute; les mille difficult&eacute;s.

- Vaincre les pr&eacute;jug&eacute;s -

La premi&egrave;re d'entre elles est le regard des autres."Les familles s'y opposent.Le th&eacute;&acirc;tre a toujours &eacute;t&eacute; de la +connerie+ pour nos parents, les com&eacute;diens ne sont pas respect&eacute;s, beaucoup pensent qu'ils sont des voyous", r&eacute;sume Aly Badra Demb&eacute;l&eacute;, 20 ans.Dans une soci&eacute;t&eacute; aux nombreuses normes, le com&eacute;dien est peu reconnu.
Un des camarades d'Aly &agrave; l'INA en paie le prix fort: ses parents ont refus&eacute; plusieurs ann&eacute;es qu'il prenne la voie de la sc&egrave;ne, jugeant les d&eacute;bouch&eacute;s "d&eacute;gradants".Et son oncle, qui l'h&eacute;berge &agrave; Bamako, ne lui parle plus."Alors on se serre les coudes, on s'entraide, on est l&agrave; pour lui", raconte un de ses amis.
"Quand on opte pour un m&eacute;tier comme &ccedil;a ici, il faut se donner &agrave; fond, sinon &ccedil;a ne sert &agrave; rien", assure Aly, un bonnet rouge viss&eacute; sur la t&ecirc;te.
D'autres com&eacute;diens temp&egrave;rent: "La motivation, c'est bien, mais si tu n'as pas le r&eacute;seau pour int&eacute;grer une compagnie, si tu n'as pas les bons parents ou les bons cousins, c'est compliqu&eacute;".Au th&eacute;&acirc;tre comme dans beaucoup de secteurs au Mali, le client&eacute;lisme est roi.
Tous font des petits boulots &agrave; c&ocirc;t&eacute; pour vivre: de la ma&ccedil;onnerie, un stage &agrave; la douane..."On doit manger.Si on veut faire du th&eacute;&acirc;tre, il faut le pouvoir", souligne Aly.

- Dans une bo&icirc;te de nuit -

Etudiants - sauf une, autodidacte -, les dix jeunes com&eacute;diens ont &eacute;crit et jou&eacute; une pi&egrave;ce sur "l'aventure", la p&eacute;rilleuse migration vers l'Europe qui fait r&ecirc;ver des milliers de jeunes africains, faute d'opportunit&eacute;s ou pour fuir les violences.
Cette pi&egrave;ce, jou&eacute;e dans une ancienne bo&icirc;te de nuit &agrave; ciel ouvert, a &eacute;t&eacute; programm&eacute;e en d&eacute;cembre dans le cadre du festival "Les Praticables", l'un des seuls &eacute;v&eacute;nements de th&eacute;&acirc;tre au Mali.
"On a imagin&eacute; (le festival) en prenant en compte le contexte du Mali: on n'a pas de salle, pas d'aide &agrave; la cr&eacute;ation, on manque de formation, et donc les &eacute;v&eacute;nements se passent souvent dehors, dans les cours" des maisons, explique Lamine Diarra, le directeur des Praticables.
Si la sc&egrave;ne a toujours &eacute;t&eacute; prolifique au Mali - le th&eacute;&acirc;tre est un des piliers de la culture bambara -, elle a progressivement chang&eacute; de visage.D'un th&eacute;&acirc;tre r&eacute;cr&eacute;atif et rituel, les repr&eacute;sentations sont devenues "utiles": financ&eacute;es par des organisations internationales, des ONG ou l'Etat, elles visent &agrave; &eacute;veiller les consciences sur des questions de soci&eacute;t&eacute;.
Ce th&eacute;&acirc;tre "nous permet de jouer et de tourner un peu, j'ai pu aller &agrave; Sikasso (sud)", raconte Aly, m&ecirc;me si les mod&egrave;les de ces jeunes com&eacute;diens restent Shakespeare et le kot&egrave;ba, le th&eacute;&acirc;tre traditionnel.
Depuis le d&eacute;but de la guerre, la mobilit&eacute; s'est r&eacute;duite comme peau de chagrin : le nord du Mali, comme une large partie du Burkina Faso, o&ugrave; combattent jihadistes et groupes arm&eacute;s, sont des zones qui &eacute;chappent &agrave; l'autorit&eacute; de l'Etat.
"Mais on a envie de raconter nos vies, nos vies de jeunes.Il faut qu'on arrive &agrave; mettre en sc&egrave;ne ce qu'on pense", estime Awa Bagayogo, qui se voit "tr&egrave;s loin dans 10 ans"."Pas forc&eacute;ment loin g&eacute;ographiquement, mais dans la mentalit&eacute;, dans la fa&ccedil;on dont on voit le th&eacute;&acirc;tre au Mali".

Faire du théâtre à 20 ans à Bamako

Awa Bagayogo ne cache pas sa joie de pouvoir jouer devant un public: cela n'arrive pas si souvent à Bamako.Dans la capitale d'un Mali en guerre, faire du théâtre relève encore du sacerdoce pour des jeunes à la parole facile.

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