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Le jihadisme menace toujours le Nord-Est du Nigeria malgré la mort d'Abubakar Shekau

Après plus de dix ans d'insurrection, le décès d'Abubakar Shekau porte un coup sévère à Boko Haram, mais ne signifie pas la fin du jihadisme dans le Nord-Est du Nigeria, où le groupe lié à l'Etat islamique se trouve renforcé, et où des combats entre factions rivales persistent.

Il y a deux semaines, de nombreux m&eacute;dias nig&eacute;rians avaient annonc&eacute; la mort du chef jihadiste, et des sources proches des renseignement avaient affirm&eacute; &agrave; l'AFP qu'il s'&eacute;tait suicid&eacute; &agrave; la mi-mai&nbsp;pour &eacute;viter d'&ecirc;tre captur&eacute; par des combattants du groupe Etat islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap) qui avait lanc&eacute; une offensive sur son bastion, la for&ecirc;t de Sambisa.
Par le pass&eacute;, le chef de Boko Haram avait &eacute;t&eacute; donn&eacute; mort &agrave; plusieurs reprises &agrave; tort, notamment par l'arm&eacute;e nig&eacute;riane.&nbsp;
Mais ce week-end, un enregistrement audio du groupe jihadiste rival, l'Iswap, a finalement confirm&eacute; la mort d'Abubakar Shekau, lequel avait d&eacute;clench&eacute; l'indignation mondiale en 2014, lorsque Boko Haram avait kidnapp&eacute; plus de 300 adolescentes &agrave; Chibok.
Depuis le d&eacute;but de l'insurrection en 2009, au moins 40.000 personnes ont &eacute;t&eacute; tu&eacute;es et plus de 2 millions ont d&ucirc; fuir leur domicile.&nbsp;

- "fin d'une &eacute;poque" -

"Symboliquement, c'est la fin d'une &eacute;poque, les douze ans d'insurrection avaient &eacute;t&eacute; en majeure partie d&eacute;finis par Abubakar Shekau", affirme Yan Saint-Pierre qui dirige le centre d'analyse en s&eacute;curit&eacute; Modern Security Consulting Group.
"Avec la mort de Shekau, Boko Haram est de facto mort, car tout tournait autour de lui, il y avait un culte de la personnalit&eacute; tr&egrave;s pouss&eacute;, il avait sa propre interpr&eacute;tation extr&ecirc;mement radicale qui avait d'ailleurs men&eacute; &agrave; la scission de son groupe", ajoute l'analyste.
En 2015, Boko Haram avait pr&ecirc;t&eacute; all&eacute;geance au groupe Etat Islamique et &eacute;tait devenu l'Iswap, mais un an plus tard, l'EI avait &eacute;vinc&eacute; Abubakar Shekau, lui reprochant une trop grande brutalit&eacute;, notamment des meurtres de civils musulmans.&nbsp;
A partir de ce moment, Iswap et Boko Haram entrent en rivalit&eacute; et se partagent de larges pans du Nord-Est du Nigeria.
Malgr&eacute; la mort de leur chef historique, une cellule fid&egrave;le &agrave; Shekau, appel&eacute;e "le groupe de Bakura" qui compterait quelques centaines d'hommes, implant&eacute;e sur les rives du lac Tchad, refuse de se soumettre &agrave; l'Iswap, contrairement &agrave; la plupart des cellules implant&eacute;es dans la for&ecirc;t de Sambisa.
"Certaines factions lui sont toujours fid&egrave;les et r&eacute;sistent toujours &agrave; l'Iswap", explique de son c&ocirc;t&eacute; Jacob Zenn, chercheur &agrave; la Fondation Jamestown, un institut bas&eacute; &agrave; Washington.
"Il y a actuellement des affrontements entre l'Iswap et le groupe de Bakura, ils sont plut&ocirc;t forts et pourraient r&eacute;sister", ajoute-t-il.

- "Un cauchemar" -

Avec la mort de Shekau, le principal enjeu r&eacute;side d&eacute;sormais dans la capacit&eacute; de l'Iswap, d&eacute;j&agrave; le groupe dominant dans la r&eacute;gion depuis plusieurs ann&eacute;es, &agrave; absorber les combattants de Boko Haram, ce qui repr&eacute;senterait un grave probl&egrave;me s&eacute;curitaire pour la r&eacute;gion.&nbsp;
"Shekau avait attir&eacute; l'attention en raison de ses frasques et de son extr&ecirc;me violence, mais l'Iswap repr&eacute;sente un danger bien plus grand pour les Etats autour du lac Tchad, car il a appris et s'est am&eacute;lior&eacute; en partie avec l'aide de l'Etat islamique", souligne Vincent Foucher, chercheur au Centre fran&ccedil;ais de la recherche scientifique (CNRS).
Ces derni&egrave;res ann&eacute;es, c'est l'Iswap qui a men&eacute; la plupart des grandes attaques m&eacute;thodiques et strat&eacute;gique contre les militaires dans la r&eacute;gion, et non le groupe de Shekau qui s'attaque le plus souvent &agrave; des cibles civiles recul&eacute;es.&nbsp;
Cette inqui&eacute;tude est &eacute;galement partag&eacute;e, sous le couvert de l'anonymat, par un responsable s&eacute;curitaire dans la r&eacute;gion, interrog&eacute; par l'AFP.&nbsp;
"Je ne vois pas la mort de Shekau comme un victoire dans la guerre contre le terrorisme dans le Nord-Est.Au contraire, cela pourrait m&ecirc;me &ecirc;tre pire", affirme-t-il.
"L'Iswap est rus&eacute;, calculateur, mieux entra&icirc;n&eacute; et mieux arm&eacute;, les combattants ont des liens avec l'EI &agrave; l'&eacute;tranger et maintenant que le groupe a pris le contr&ocirc;le de la for&ecirc;t, le Nigeria est confront&eacute; &agrave; des probl&egrave;mes plus grave", ajoute cette source.
Plus encore, elle s'inqui&egrave;te de l'op&eacute;ration s&eacute;duction men&eacute;e par le groupe dans la r&eacute;gion du lac Tchad.&nbsp;
R&eacute;cemment, les jihadistes ont incit&eacute; les civils &agrave; venir sur leur territoire pour p&ecirc;cher et commercer &agrave; leur guise."Il s'agit d'une tendance dangereuse, ils tentent subtilement de gagner le c&oelig;ur de la population locale et de la retourner contre le Nigeria et ses forces de s&eacute;curit&eacute;", dit-il."S'ils r&eacute;ussissent, ce sera un cauchemar."

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