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Parmi ses propositions pour une "réconciliation des mémoires" entre Paris et Alger, l'historien français Benjamin Stora recommande la reconnaissance par la France de l'assassinat, maquillé en suicide, de l'avocat et dirigeant nationaliste Ali Boumendjel pendant la "bataille d'Alger" en 1957.

Plus de 60 ans apr&egrave;s, sa ni&egrave;ce, Fadela Boumendjel-Chitour, professeur de m&eacute;decine et militante des droits humains, se souvient avec &eacute;motion de son oncle, dont la mort "a fa&ccedil;onn&eacute;" son adolescence.
La voix nou&eacute;e, son r&eacute;cit entrecoup&eacute; de larmes, la septuag&eacute;naire d&eacute;nonce un "mensonge de l'Etat (fran&ccedil;ais) qui fut d&eacute;vastateur".
La veuve d'Ali Boumendjel, ses parents, sa fratrie et un de ses fils, sont morts sans que la v&eacute;rit&eacute; ne soit r&eacute;v&eacute;l&eacute;e officiellement.

- "Erudit" -

Avocat r&eacute;put&eacute; et ardent militant anticolonialiste, Boumendjel fut membre de l'Union d&eacute;mocratique du manifeste alg&eacute;rien (UDMA) cr&eacute;&eacute;e en 1946 par Ferhat Abbas, le premier pr&eacute;sident du GPRA - gouvernement provisoire de la r&eacute;publique alg&eacute;rienne.Il devient l&rsquo;avocat des nationalistes, suivant les traces de son grand-fr&egrave;re Ahmed.
"C'&eacute;tait&nbsp;un &eacute;rudit, un intellectuel qui adorait r&eacute;citer les po&egrave;mes de Virgile, parler de peinture ou encore danser la valse", t&eacute;moigne Fadela Boumendjel-Chitour.&nbsp;
"Il &eacute;tait matheux et avait fait droit par d&eacute;faut comme il se plaisait &agrave; le dire car &agrave; l'&eacute;poque il &eacute;tait compliqu&eacute; (pour un "indig&egrave;ne") de pouvoir pr&eacute;tendre aux grandes &eacute;coles".
"Il &eacute;tait ouvert sur la culture universelle.Et en m&ecirc;me temps un peu taciturne et tr&egrave;s dans l'introspection", ajoute la pr&eacute;sidente d'un r&eacute;seau de d&eacute;fense des droits des femmes.

&nbsp;- Electrochoc -

Survient la "bataille d'Alger" de janvier &agrave; octobre 1957 (quand les paras fran&ccedil;ais ont recours &agrave; la torture et aux ex&eacute;cutions sommaires pour mettre fin aux attentats du FLN: NDLR)&nbsp;
"Lorsque nous avons appris le 9 f&eacute;vrier 1957 son arrestation, mon p&egrave;re &eacute;tait alors avocat &agrave; Paris.Je me souviens &agrave; quel point la simple annonce de son arrestation a constitu&eacute;&nbsp;un &eacute;lectrochoc pour mon p&egrave;re", raconte Mme Boumendjel-Chitour.&nbsp;
"Il avait r&eacute;alis&eacute; qu'&eacute;tant donn&eacute;&nbsp;l'horrible r&eacute;pression&nbsp;de l'&eacute;poque, tous les dangers planaient sur la t&ecirc;te de son jeune fr&egrave;re.Il n'a cess&eacute; d'alerter les autorit&eacute;s civiles, religieuses de France en envoyant des t&eacute;l&eacute;grammes pour d&eacute;noncer son arrestation arbitraire et l'absence d'information".&nbsp;Il &eacute;crit au pr&eacute;sident du Conseil Ren&eacute; Coty.&nbsp;
Fin f&eacute;vrier, la famille a&nbsp;su qu'il avait &eacute;t&eacute; hospitalis&eacute; &agrave; l'h&ocirc;pital militaire Maillot &agrave; Bab El Oued.
"Mon p&egrave;re a appris qu'il aurait tent&eacute; de se suicider avec le verre de ses lunettes.C'&eacute;tait gla&ccedil;ant".
"Je me souviendrai toujours du dimanche 23 mars, o&ugrave; j'entendis la voix de mon grand-p&egrave;re.Une voix blanche, une voix m&eacute;tamorphos&eacute;e.Lui qui &eacute;tait tr&egrave;s affectueux, me dit simplement: +S'il te pla&icirc;t, passe-moi ton p&egrave;re+.Je me souviens de la r&eacute;action terrible de mon p&egrave;re qui &eacute;tait l'a&icirc;n&eacute; et se sentait responsable".
Deux m&eacute;decins de la famille furent appel&eacute;s pour reconna&icirc;tre le corps.Les grands-parents eurent un chagrin &eacute;norme de ne pouvoir lui dire adieu.&nbsp;Son cercueil &eacute;tait scell&eacute;.

&nbsp;- Au martyr inconnu -

Ce qui a boulevers&eacute; sa famille, c'est que jusqu'aux aveux du g&eacute;n&eacute;ral parachutiste Paul Aussaresses en 2000, la mort d'Ali Boumendjel a &eacute;t&eacute; maquill&eacute;e en suicide.
"On nous a fait croire qu'il s'&eacute;tait jet&eacute; d'un immeuble &agrave; El Biar.J'esp&egrave;re qu'il &eacute;tait d&eacute;j&agrave; mort avant la chute.Il avait 38 ans".
La famille a re&ccedil;u de nombreuses lettres de condol&eacute;ances, dont celles de Pierre Mend&egrave;s-France et Fran&ccedil;ois Mauriac "qui s'excus&egrave;rent d&egrave;s le lendemain au nom de la France".
L'ami et professeur de droit d'Ali Boumendjel, Ren&eacute; Capitant, juriste et homme politique, d&eacute;missionna de la facult&eacute; de droit.
"Je crois que les responsables politiques fran&ccedil;ais ne mesurent pas &agrave; quel point des familles enti&egrave;res ont &eacute;t&eacute; d&eacute;vast&eacute;es par les mensonges d'Etat", souligne aujourd'hui la ni&egrave;ce du militant assassin&eacute;.Elle aimerait que l'on reconnaisse que "le colonialisme est une atteinte &agrave; la dignit&eacute; humaine au m&ecirc;me titre que la Shoah et l'esclavage".
"La r&eacute;habilitation (d'Ali Boumendjel) est une approche de la&nbsp;v&eacute;rit&eacute;.C'est bien, &agrave; condition&nbsp;que l'on reconnaisse qu'il a &eacute;t&eacute; sauvagement tortur&eacute; durant des semaines et que son assassinat a &eacute;t&eacute; masqu&eacute; en suicide", dit-elle du rapport Stora.
"Mais pourquoi le singulariser?Il faut la v&eacute;rit&eacute; pour tous.C&eacute;l&egrave;bres ou anonymes.&nbsp;Pourquoi ne pas c&eacute;l&eacute;brer le martyr inconnu?".

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