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En tuant une centaine de soldats tchadiens en une nuit, le groupe jihadiste Boko Haram a écorné la réputation d'une armée présentée par son président Idriss Déby Itno comme un rempart contre le terrorisme en Afrique.

"Bohoma restera comme une cicatrice pour l'arm&eacute;e", souffle un officier tchadien, qui r&eacute;clame l'anonymat.
Lundi matin, vers 05H00, des combattants du groupe jihadiste Boko Haram prennent d'assaut la presqu'&icirc;le de Bohoma, dans la province du Lac, o&ugrave; se trouve une base de l'arm&eacute;e tchadienne.
Dans cette zone &agrave; la fronti&egrave;re du Tchad, du Nigeria, du Cameroun et du Niger, les attaques se sont multipli&eacute;es ces derniers mois, les jihadistes profitant de leur connaissance de ce terrain mar&eacute;cageux parsem&eacute; d'une multitude d'&icirc;les.
Habitu&eacute;e &agrave; repousser de simples raids ou des attaques suicide, l'arm&eacute;e a d&ucirc; faire face lundi &agrave; plus de sept heures de combat.
Au moins 98 soldats sont morts, selon le dernier bilan officiel, la plus lourde d&eacute;faite de l'arm&eacute;e tchadienne en une journ&eacute;e.
Aussit&ocirc;t apr&egrave;s la fin des combats, le pr&eacute;sident Idriss D&eacute;by Itno s'est rendu sur place pour coordonner et diriger les op&eacute;rations contre le groupe jihadiste: "je refuse cette d&eacute;faite et la r&eacute;plique doit &ecirc;tre foudroyante", l&acirc;che-t-il &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision nationale.&nbsp;
La mine sombre, il reconnait alors que son arm&eacute;e n'a pas connu pareilles pertes en une journ&eacute;e depuis qu'il a pris la t&ecirc;te du pays, il y a pr&egrave;s de 30 ans.

-Figure du guerrier-

M&ecirc;me jour, mais de l'autre c&ocirc;t&eacute; de la fronti&egrave;re, le Nigeria, o&ugrave; est n&eacute; l&rsquo;insurrection de Boko Haram en 2009, essuie lui aussi une d&eacute;faite cuisante.&nbsp;
L'attaque d'un convoi de l'arm&eacute;e par une autre branche du groupe jihadiste, celle de l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (ISWAP), a tu&eacute; au moins 70 soldats.Mais l&agrave;, pas de d&eacute;placement de l&rsquo;ex&eacute;cutif.&nbsp;
Le pr&eacute;sident tchadien "prend la figure du guerrier", explique Marielle Debos, chercheuse &agrave; l'Universit&eacute; Paris-Nanterre, qui souligne que l'arm&eacute;e a une place particuli&egrave;rement importante dans la soci&eacute;t&eacute; tchadienne.
Arriv&eacute; au pouvoir par les armes, le pr&eacute;sident D&eacute;by se pr&eacute;sente comme soldat dans son pays, mais &eacute;galement &agrave; l'international, o&ugrave; il soigne son image d'alli&eacute; id&eacute;al de l'Occident dans la lutte contre le jihadisme.
"Il faut d&eacute;construire le mythe de l'invincibilit&eacute; de l'arm&eacute;e tchadienne", affirme Marc-Antoine P&eacute;rouse de Montclos, directeur de recherche &agrave; l'Institut de recherche pour le d&eacute;veloppement.
Selon lui, les forces de M. D&eacute;by sont davantage "des guerriers que des militaires disciplin&eacute;s et &eacute;quip&eacute;s".&nbsp;
Et elles ont d&eacute;j&agrave; prouv&eacute; leur manque d'efficacit&eacute;, notamment en 2008, quand des rebelles &eacute;taient entr&eacute;s dans la capitale et avaient manqu&eacute; de chasser le pr&eacute;sident du pouvoir.Il n'avait d&ucirc; son salut qu'&agrave; l'intervention militaire de la France.
"Il n'y a aucun doute sur le fait que c'est une des arm&eacute;es les plus exp&eacute;riment&eacute;es de la r&eacute;gion m&ecirc;me si cela ne veut pas dire qu'elle op&egrave;re selon les standards occidentaux", temp&egrave;re Vincent Foucher, chercheur au CNRS-Sciences Po Bordeaux.
"Mais l'arm&eacute;e tchadienne est engag&eacute;e sur plusieurs fronts &agrave; la fois et le Lac a apparemment &eacute;t&eacute; d&eacute;garni ces derniers temps", ajoute-t-il.
"Ce r&eacute;gime a bien d'autres pr&eacute;occupations que les rebellions du lac Tchad, qui ont&nbsp; peu de chance de renverser le r&eacute;gime", estime M. P&eacute;rouse de Montclos.&nbsp;
Comme dans le nord du pays, o&ugrave; des groupes rebelles stationn&eacute;s de l'autre c&ocirc;t&eacute; de la fronti&egrave;re en Libye, semblent bien d&eacute;termin&eacute;s &agrave; chasser le pr&eacute;sident D&eacute;by du pouvoir.
-D&eacute;garnie par le Niger-
Ses troupes sont &eacute;galement engag&eacute;s en dehors du pays, notamment au Sahel.Le Tchad a encore promis ces derniers mois d'envoyer un bataillon (480 personnes) dans la r&eacute;gion des trois fronti&egrave;res, entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, pour lutter contre des groupes jihadistes.
Une multiplication des fronts qui pourrait expliquer la d&eacute;faite de Bohoma lundi.
"La garnison de Bohoma &eacute;tait d&eacute;garnie, les troupes se dirigeaient vers les trois fronti&egrave;res", explique un officier sup&eacute;rieur sous couvert d'anonymat.
"Pourquoi a-t-on r&eacute;duit les &eacute;quipements dans un poste militaire aussi risqu&eacute; ?", se demande Succ&egrave;s Masra, opposant politique qui relaie aussi les plaintes des soldats sur le manque de moyens, y compris avec des retards r&eacute;currents de soldes.
Pour la financer, le pr&eacute;sident "doit louer son arm&eacute;e, en l'envoyant &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur, comme dans la zone des trois fronti&egrave;res", explique M. P&eacute;rouse de Montclos.
Mais "il va falloir repenser le red&eacute;ploiement des troupes", estime Remadji Hoinathy, chercheur &agrave; l'Institut d'&eacute;tudes de s&eacute;curit&eacute; (ISS).
Selon lui, en une attaque, "le lac Tchad devient le foyer o&ugrave; le feu est le plus vif".
Car, constate-t-il, l'assaut de Boko Haram "d&eacute;montre que le groupe a des capacit&eacute; militaires assez fortes", notamment "en mati&egrave;re d'information et de renseignements".
yas-dwi-cma-js/jpc

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