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Troubles en Côte d'Ivoire : M'Batto, malade de la rumeur et de la désinformation

Bilans et communiqués de gendarmerie fictifs, vidéos et photos détournées...M'Batto, petite ville ivoirienne où des troubles électoraux ont fait six morts, a été pendant plusieurs jours l'objet d'infox sur les réseaux sociaux et de rumeurs qui ont encore fait monter la tension dans le pays.

Le 9 novembre, la r&eacute;&eacute;lection du pr&eacute;sident Alassane Ouattara pour un troisi&egrave;me mandat controvers&eacute;, lors d'un scrutin boycott&eacute; par l'opposition, est valid&eacute;e par le Conseil constitutionnel.Des violences &eacute;clatent dans le Centre-Est, notamment &agrave; Daoukro, fief de l'opposant et ancien pr&eacute;sident Henri Konan B&eacute;di&eacute; (6 morts) et Elibou (3 morts), alourdissant le bilan des violences &eacute;lectorales &agrave; pr&egrave;s de 80 morts.
A M'Batto, une manifestation de l'opposition d&eacute;g&eacute;n&egrave;re en affrontements intercommunautaires entre Agni (ethnie locale r&eacute;put&eacute;e pro-opposition) et Dioula (ethnie du Nord r&eacute;put&eacute;e pro-Ouattara).
"Ca a commenc&eacute; par des bagarres locales et &ccedil;a s'est g&eacute;n&eacute;ralis&eacute; &agrave; toute la ville", explique Marcel Kamenan, boucher.
"J'ai voulu prot&eacute;ger ma boutique.C'est tout ce que j'ai pour vivre.Il y avait des coups de feu de partout, j'ai pris une balle dans l'oeil, raconte&nbsp;&agrave; l'h&ocirc;pital Moctar Sidi, commer&ccedil;ant.
Curieusement, la Toile s'enflamme rapidement avec des fausses informations sur M'Batto, ville enclav&eacute;e o&ugrave; le r&eacute;seau t&eacute;l&eacute;phonique passe mal.Sur les r&eacute;seaux sociaux on parle de "dizaines" de morts, d'un "g&eacute;nocide chez les Agni" commis par des "barbares dioulas".
Appara&icirc;t aussi une liste de 34 noms de personnes tu&eacute;es et un faux rapport de gendarmerie avec &nbsp;"38 d&eacute;c&eacute;d&eacute;s et 12 disparus".&nbsp;

- "Des gens voulaient que &ccedil;a s'embrase" -

Pendant 48 heures, M'Batto occupe les conversations &agrave; Abidjan.Des hommes politiques, certains de bonne foi, d'autres habitu&eacute;s &agrave; diffuser des informations mensong&egrave;res, s'alarment et demandent &agrave; la presse de faire &eacute;cho de ces atrocit&eacute;s.
"Tout &ccedil;a, c'est faux et archi-faux.C'est du fake news.Il n'y a m&ecirc;me pas 30 casiers &agrave; la morgue.Il n'y pas eu 30 morts et il n'y a pas de disparus", affirme &agrave; l'AFP le directeur de l'h&ocirc;pital de M'Batto, Jean-Serge Kouassi Kouassi, d&eacute;non&ccedil;ant une d&eacute;sinformation d&eacute;lib&eacute;r&eacute;e: "Visiblement des gens voulaient que &ccedil;a s'embrase".
"Le bilan est de six morts.Cinq morts de violences et un mort indirect, une personne d&eacute;c&eacute;d&eacute;e d'une hernie &eacute;trangl&eacute;e qui n'a pu se rendre &agrave; l'h&ocirc;pital", poursuit-il, faisant &eacute;tat de "39 bless&eacute;s, dont 7 graves".
Au niveau du d&eacute;compte ethnique: "Deux Agni et un Togolais assimil&eacute; Agni, et trois Dioula dont deux Burkinab&egrave;", dit-il.
Nanan Beda Kadio II, chef de tribu Sahoua de Mbatto, confirme le bilan : "Chez les Agni, il y a trois morts".C&ocirc;t&eacute; dioula, Abdoulaye Konat&eacute;, enseignant, confirme aussi un bilan de 3 morts.&nbsp;
Aucun des nombreux habitants interview&eacute;s ne parle d'un bilan plus lourd.
"Tous ces fakes, &ccedil;a ne vient pas de M'Batto.La plupart ont &eacute;t&eacute; fabriqu&eacute;s &agrave; Abidjan ou &agrave; l'ext&eacute;rieur.Probablement des +soroistes+ (partisans de l'ex-chef rebelle Guillaume Soro) et certains gens de l'opposition qui veulent que les troubles se g&eacute;n&eacute;ralisent.Ils esp&eacute;raient sans doute susciter des repr&eacute;sailles ailleurs", estime une source s&eacute;curitaire &agrave; Abidjan.

- Les rumeurs continuent -

Une vid&eacute;o macabre avec un corps d&eacute;capit&eacute; &agrave; la machette et une personne donnant un coup de pied dans la t&ecirc;te circule abondamment.Selon de nombreux internautes cette vid&eacute;o proviendrait de M'Batto.&nbsp;
Mais &agrave; M'Batto, personne n'a vu ce corps d&eacute;capit&eacute;.Il semble que la vid&eacute;o provienne en fait de Daoukro, o&ugrave; les autorit&eacute;s ont effectivement fait part d'une telle trag&eacute;die.&nbsp;
Toutefois, des faits choquants &agrave; M'Batto se sont produits : une des six victimes, Basile Ramd&eacute;, n&eacute; en 1976, Burkinab&egrave;, a &eacute;t&eacute; tu&eacute; d'un coup de fusil qui lui a partiellement d&eacute;plac&eacute; la t&ecirc;te.Des individus ont ensuite vainement tent&eacute; de faire br&ucirc;ler son corps.
L'arm&eacute;e et la gendarmerie sont d&eacute;sormais omnipr&eacute;sentes, sillonnant cette ville de 50.000 habitants pour emp&ecirc;cher tout nouvel affrontement Presque toutes les boutiques sont ferm&eacute;es.Plusieurs &nbsp;maisons et commerces ont &eacute;t&eacute; br&ucirc;l&eacute;s ou vandalis&eacute;s.
Les rumeurs courent toujours."On n'arr&ecirc;te pas de se d&eacute;ployer dans les villages aux alentours pour des rumeurs.On nous appelle et nous dit +il y a des affrontements ici, des morts l&agrave;+.On se d&eacute;place et &agrave; chaque fois : rien", explique le commandant de gendarmerie Elvis Boli Zate.&nbsp;
Les rumeurs ont contribu&eacute; &agrave; d&eacute;clencher les violences."On a entendu dire qu'il y avait des +microbes+ (milices pro-pouvoir) qui &eacute;taient arriv&eacute;s ici.C'est faux mais &ccedil;a a apeur&eacute; l'autre camp et ils ont appel&eacute; des renforts des villages.On se regardait en chiens de fa&iuml;ence.Ca a aggrav&eacute; la situation", regrette Abdoulaye Konat&eacute;.
Apr&egrave;s une r&eacute;union dans sa cour avec des repr&eacute;sentants dioula, le chef Nanan Beda Kadio II balaie les rumeurs et insiste : "On veut la r&eacute;conciliation, pas la guerre.Un Dioula peut venir chez les Agni et un Agni peut aller chez les Dioula".&nbsp;

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