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Nigeria: la jeunesse commémore les victimes de la représsion, 6 manifestants arrêtés

La jeunesse nigériane rend hommage, un an après, aux victimes de la sanglante répression du mouvement #EndSARS contre les violences policières en manifestant mercredi matin à Abuja et à Lagos, où au moins 6 personnes ont été arrêtées. 

AFRICA RADIO

20 octobre 2021 à 11h36 par AFP

Lagos (AFP)

Depuis 07H00 GMT à Lagos, la bouillonnante capitale économique, une petite centaine de voitures ont traversé en agitant des drapeaux le péage de Lekki, lieu emblématique de la contestation, où l'armée et la police avaient ouvert le feu le 20 octobre 2020, causant la mort d'au moins 10 personnes et mettant ainsi fin au mouvement.

A bord de 4X4 de luxe ou de simples danfo, les taxi-collectifs de Lagos, des manifestants scandaient à travers les fenêtres "Qui a ordonné la tuerie ?", "Nous voulons la justice" ou encore "Justice pour un meilleur Nigeria". 

Les quelques dizaines de policiers déployés ont laissé les voitures traverser le péage dans des concerts de klaxons.Mais ils ont arrêté au moins six personnes, des manifestants qui s'étaient rendus à pied sur le péage, ont constaté des journalistes de l'AFP.

"Je suis là pour manifester pacifiquement, regardez ce qu'ils nous font", lance l'un d'eux, derrière les barreaux d'une camionnette de police.

Les grandes figures du mouvement, dont le chanteur nigérian Falz ou l'activiste Rinu Oduala, avaient appelé les Lagossiens à défiler en voiture pour limiter le risque d'arrestation. 

Depuis plusieurs semaines, les autorités ont mis en garde les citoyens nigérians contre de nouvelles manifestations organisées au nom de #EndSARS, affirmant que ces dernières avaient dégénéré l'an passé en émeutes et pillages. 

A Abuja, la capitale fédérale, entre 50 et 100 personnes se sont rassemblées dans le parc de la Fontaine de l'Unité, scandant "le peuple uni ne sera jamais vaincu", avant de commencer à marcher en direction du ministère de la Justice, où un camion de police les a empêchées de continuer leur route.

"C'était important pour nous de venir célébrer nos héros qui sont morts, de se rappeler d'eux.Un de mes voisins est mort durant les manifestations l'année dernière", explique à l'AFP Happiness Essien, une manifestante âgée de 19 ans. 

Selon Amnesty International, au moins 56 personnes ont été tuées dans tout le pays durant les semaines de contestation du mouvement #EndSARS.

La police avait indiqué que 51 civils et 22 policiers avaient été tués à la suite des manifestations, tandis que 205 postes de police et autres bâtiments avaient été incendiés ou vandalisés.

- Visite d'Erdogan -

A quelques kilomètres seulement du rassemblement à Abuja, le chef de l'Etat Muhammadu Buhari reçoit au palais présidentiel son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, qui effectue une visite officielle dans le pays le plus peuplé d'Afrique.

Dans d'autres villes du Sud, comme Port Harcourt ou Nsukka, des marches en hommage aux victimes sont prévues en fin de soirée.

Le mouvement #EndSARS ("en finir avec la SARS") avait initialement débuté la première semaine d'octobre 2020 pour dénoncer les brutalités de la SARS, une unité spéciale de la police accusée depuis des années de racketter la population, d'arrestations illégales, de torture et même de meurtre.

Face à la pression populaire, les autorités avaient démantelé l'unité, et promis de réformer la police, mais la jeunesse, peu convaincue par les promesses du gouvernement, avait continué sa contestation.

La répression des manifestations, notamment le 20 octobre à Lekki, avait ensuite été suivie par une semaine de pillages et de violences.

Une commission de justice spéciale avait ensuite été mise en place par l'Etat de Lagos pour enquêter sur les accusations de brutalités policières et sur la répression des manifestations.

Devant cette commission, l'armée avait affirmé n'avoir eu recours qu'à des balles à blanc, puis avait admis que ses soldats disposaient également de balles réelles.Ses responsables ont ensuite cessé de s'y présenter en dépit de plusieurs convocations.

La commission, qui a achevé ses consultations publiques lundi, doit prochainement communiquer au gouvernement les résultats de son enquête et des recommandations.