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"Noëla restait un enfant de onze ans, je crois qu’ils auraient dû la traiter différemment." (Mère)

Après avoir perdu sa fille de 11 ans qui s'est suicidée dans sa chambre, Mme Fanga Yentame Valeck, porte encore le deuil. Elle n'arrive toujours pas à comprendre ce qui a pu se passer. L'enquête qui a été ouverte n'a toujours pas permis d'avoir des réponses à ses nombreuses questions. Elle confie sa souffrance au micro de Lilianne Nyatcha.

Nouela

23 juin 2022 à 12h30 par Lilianne Nyatcha / Africa Radio

Votre fille, Noëla, agée de onze ans, a mis fin à ses jours en janvier dernier. Six mois après, comment allez-vous et avez-vous pu faire le deuil de votre fille ? 

Est-ce qu’on peut vraiment faire le deuil? On essaie d'avancer, il y a des jours avec et des jours sans, ça dépend. Quand je me lève, ça dépend vraiment des humeurs, il y a des jours je peux être bien mais cinq minutes après je retombe un peu je ne suis pas bien … C'est un peu ça mon quotidien… 

La douleur est intacte ? 

Ah oui… Est-ce que je vais oublier un jour ? Non je ne pense pas … 

Une enquête pour rechercher les causes de la mort a été ouverte. A-t-elle avancé, et en sait t-on  un peu plus sur les raisons qui ont pu pousser votre fille à se pendre dans sa chambre ? 

Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas de nouvelles. Honnêtement, ils ne m’ont rien dit. Ils m'ont juste fait comprendre qu’ils sont toujours en train de faire les enquêtes; ils avaient récupéré son téléphone portable et son ordinateur. Là, ils me les ont remis et m’ont dit que l'enquête est toujours en cours.  

 

 

Vous avez eu à dénoncer l'attitude du collège, qui de votre point de vue n'a pas fait le nécessaire pour protéger votre fille ? 

Oui parce que, selon eux, ma fille était turbulente, ma fille répondait, il y a eu beaucoup de convocations. Déjà dès le premier mois de la rentrée,  dès septembre, j’étais convoqué. Et c’était toujours les mêmes remarques :  elle n’écoute pas, elle travaille vite et finit vite et elle perturbe les cours, elle répond au professeur, c'était toujours ça les plaintes. Et moi de mon côté, j’essayais toujours de faire comprendre à ma fille qu’il fallait qu’elle respecte les règles et il y avait des jours où j’étais vraiment énervée, j’étais rouge, je récupérais son téléphone et son ordinateur pour la punir. Et le mois qui suit, c’est encore une convocation. 

Je crois que les convocations se sont enchainées, parce que, et ça c'est mon avis, car comme ils me l’ont expliqué, quand un enfant part de l'école primaire, on a un dossier qui suit l'enfant au collège, et déjà à l'école primaire, c'est vrai qu'il y avait déjà des convocations parce que Noëla n’écoutait pas. Elle n’en faisait qu'à sa tête, et ce dossier l'a suivi jusqu'au collège. Et dès la première semaine, les premiers mois du collège, c'était déjà des convocations. 

Donc votre fille n'était pas une bonne élève, n’était pas disciplinée à l'école ? 

Je dirais quand même qu’elle avait un petit souci au niveau de la discipline, elle avait beaucoup de caractères, c'était un enfant qui ne se laissait pas faire. 

Noëla était un enfant qui aimait répondre, essayait toujours de justifier le pourquoi du comment. 

Mais dans ces conditions, pourquoi continuez-vous de penser que le collège a une responsabilité dans ce qui est arrivé à votre fille ? 

Parce que comme le principal m'a dit ce soir-là, quand elle est arrivée au collège, ils avaient déjà un dossier sur elle, c'était l'enfant indiscipliné. Ce ne sont pas les termes qu’il a employés, mais c'est ce qu’il m'a laissé comprendre. Et moi quand je dis que je pointe la responsabilité du collège, c'est parce que, qu’un enfant arrive pour sa première année au collège, même si elle avait des difficultés, même c'était déjà un enfant difficile, ils n'ont pas pris le temps, ils ne se sont pas gênés, ils ont continué dans cette lancée de brimades. 

Moi je crois qu'ils auraient quand même pu prendre le temps, laisser quand même une petite chance, parce que c’est sa première année en sixième, c’est un changement. 

Donc pour vous l'école ne s'est pas montrée patiente, n'a laissé aucune chance à votre fille de se corriger ? 

C'est ça et comme elle était grande, elle ne faisait pas du tout son âge. Ils avaient une fâcheuse façon de me dire, Noëla vous savez, c’est un enfant qui travaille super bien à l'école, on a l'impression qu'elle est au-dessus de la norme et on a du plaisir à discuter avec elle, parce que quand on parle avec elle on a l'impression d'avoir une jeune fille de dix-huit ans en face. Mais, elle n’avait pas dix-huit ans, elle avait onze ans. 

Si vous avez l'impression d'avoir une jeune fille de dix-huit ans en face, vous l'avez traitée comme une jeune fille de dix-huit ans, mais vous avez oublié que c'était un enfant de onze ans qui était en face, même si elle était grande, même si elle discutait bien, même si elle parlait bien, elle restait un enfant de onze ans.  

Vous vous en voulez à l’école d’avoir également traité votre enfant comme une adolescente, plutôt que comme un enfant de onze ans ? 

Oui il est surtout là mon problème, parce que je crois que s'ils avaient quand même pris la peine de se dire qu’après tout, Noëla restait un enfant de onze ans, je crois qu’ils l’auraient traité différemment. 

Mon combat aujourd'hui, c'est de faire comprendre aux gens, que ces enseignants comprennent, que vous avez vos problèmes certes, nous-mêmes nous travaillons, aujourd'hui j'ai repris le travail mais quand j'arrive devant mon travail, mes problèmes, ma douleur, je les mets de côté et je fais mon travail. 

Les enseignants, ils ont aussi des problèmes urgents, des familles, mais quand ils sont face aux enfants, qu'ils essaient de faire abstraction de leurs problèmes et qu'ils donnent le meilleur d'eux. 

Parce que les enfants ne sont pas censés vivre leur problème, les enfants ne sont pas censés subir tout ce qu'eux vivent dans leur vie quotidienne. 

 

 
 
Décryptage : Mme Fanga Yentame Valeck, porte encore le deuil de sa fille