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Procès pour chantage présumé au roi du Maroc: deux journalistes démentent "la moindre infraction pénale"

Poursuivis pour avoir voulu faire chanter le roi du Maroc en 2015, deux journalistes français ont assuré lundi à leur procès n'avoir commis "rien de répréhensible" et assuré que la proposition de leur verser 2 millions d'euros pour renoncer à publier des informations embarrassantes émanait de Rabat.

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16 janvier 2023 à 20h06 par AFP

"Où est le chantage, M. le président ?", s'est défendu Eric Laurent, ancien reporter de Radio France et du Figaro Magazine et auteur de nombreux ouvrages. L'ex-journaliste, aujourd'hui âgé de 75 ans, reconnaît "une erreur déontologique", "un naufrage" pour avoir "accepté de (s)e laisser entraîner dans cette affaire", mais pas "la moindre infraction pénale". L'émissaire marocain "m'avait séduite avec son offre financière, j'ai plongé et je le déplore", abonde l'autre prévenue Catherine Graciet, 48 ans, auteure de livres sur le Maghreb et la Libye. Le royaume marocain, partie civile, affirme au contraire que la proposition émanait d'Eric Laurent. Déjà auteurs en 2012 d'un ouvrage sur Mohammed VI, "Le roi prédateur", les deux journalistes avaient signé un contrat avec Le Seuil pour un second tome sur le même sujet. Le 23 juillet 2015, Eric Laurent contacte le secrétariat particulier du roi du Maroc pour solliciter un rendez-vous, organisé le 11 août dans un palace parisien avec un émissaire de la monarchie, l'avocat Hicham Naciri. "Je lui décris le contenu du livre", qui prévoit d'évoquer des tensions dans la famille royale et des accusations de malversations financières impliquant des entreprises publiques du pays, raconte Eric Laurent, assis sur une chaise à la barre du tribunal. "Me Naciri me dit: +tout ça, ça ne nous arrange pas+, et très vite on bascule sur une transaction. C'est lui qui propose", ajoute-t-il. Après cette rencontre, le Maroc porte plainte à Paris. Une enquête est ouverte et c'est sous la surveillance d'enquêteurs que deux autres rendez-vous sont organisés, les 21 et 27 août. Lors du dernier, cette fois en présence aussi de Catherine Graciet, les deux journalistes signent un accord pour retirer le projet de livre contre 2 millions d'euros. Avant d'être interpellés avec chacun 40.000 euros en liquide. Ils apprennent alors que les trois rencontres ont été enregistrées par l'émissaire du roi. Confronté à la retranscription de certains passages, où il semble proposer activement une somme, M. Laurent balaie: "cet enregistrement est un faux". Une expertise a reconnu que les copies remises aux enquêteurs avaient subi "un post-traitement, impossible à préciser", mais les recours de la défense jugeant les captations illégales ont été rejetées en 2017.