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Sénégal: le pouvoir ciblé par une cyberattaque dans un contexte de tensions

Le pouvoir sénégalais a été la cible vendredi et samedi d'une cyberattaque rendant inaccessibles un grand nombre de sites officiels, dans un contexte de forte crispation politique à neuf mois de la présidentielle.

AFRICA RADIO

27 mai 2023 à 18h51 par AFP

Un compte @MysteriousTeamO se réclamant du groupe de pirates informatiques Anonymous a revendiqué sur les réseaux sociaux avoir paralysé une multitude de sites, dont celui de la présidence et ceux utilisant le domaine gouv.sn, tels celui du gouvernement ou des ministères des Forces armées et de la Santé, mais aussi celui de la compagnie aérienne nationale Air Sénégal. Nombre de ces sites étaient à nouveau opérationnels samedi en milieu d'après-midi. Mais l'accès à une partie d'entre eux fluctuait. NetBlocks, service de surveillance de l'accès à internet, situe le début de l'attaque aux alentours de vendredi minuit (locale et GMT). Elle a affecté "des dizaines de sites gouvernementaux, de réseaux et de services en ligne", a indiqué NetBlocks dans un message à l'AFP. "Le service semble être rétabli par intermittences, mais pas de manière continue, et l'attaque est toujours en cours", a dit NetBlocks en milieu d'après-midi samedi. @MysteriousTeamO s'est dit "solidaire" des citoyens sénégalais et de leur droit à choisir librement leur président. Le porte-parole du gouvernement Abdou Karim Fofana a reconnu l'existence de l'attaque consistant à "submerger un réseau avec des quantités massives de trafic saturant la bande passante". L'organisme gérant le domaine a mobilisé ses équipes pour un retour à la normale "dans les plus brefs délais", a-t-il dit dans un communiqué. Cette attaque intervient dans un climat politique tendu. L'opposition dénonce la répression grandissante exercée selon elle par le gouvernement du président Macky Sall. L'incertitude maintenue par ce dernier sur sa candidature ou non à un troisième mandat, ainsi que le sort politico-judiciaire de l'opposant Ousmane Sonko alimentent les tensions. Ousmane Sonko, troisième de la présidentielle en 2019 et candidat déclaré à celle de 2024, risque de perdre son éligibilité. Une chambre criminelle doit rendre le 1er juin un verdict très attendu dans un procès contre lui pour viols. Il a refusé de comparaître, criant au complot du pouvoir pour l'écarter de la présidentielle. Retranché dans le sud du pays au moment du procès, M. Sonko a entamé vendredi un retour à hauts risques à Dakar, un voyage de plusieurs centaines de kilomètres par la route dont il entend faire une "caravane de la liberté" et une démonstration de force. Des heurts ont été rapportés par la presse entre ses sympathisants et les forces de sécurité vendredi soir autour de son arrivée à Kolda (sud), encore très loin de Dakar. Le parti de M. Sonko a fait état samedi de la mort d'un père de famille de 37 ans dans des heurts, en en imputant la faute aux autorités. L'AFP n'a pu confirmer auprès d'autres sources qu'il était décédé lors d'affrontements. Des images diffusées en direct sur les réseaux sociaux montrent d'importantes forces de gendarmerie employant du gaz lacrymogène pour disperser des jeunes essayant de se réunir au passage de M. Sonko samedi après-midi dans la région de Vélingara (sud). La mobilisation des supporteurs de M. Sonko, à l'occasion de ses rendez-vous avec la justice notamment, a régulièrement donné lieu à des incidents et des troubles, y compris mortels. Le gouvernement réfute toute instrumentalisation de la justice et tout tour de vis répressif. Le camp présidentiel accuse M. Sonko de se servir de la rue pour échapper à la justice.