Tanzanie: la justice déboute des Massaï opposés au "balisage" de leurs terres
Une cour régionale de justice a débouté vendredi des membres de la communauté Massaï qui contestent une décision du gouvernement tanzanien de "baliser" leurs terres ancestrales pour protéger la faune, a annoncé à l'AFP l'avocate de la communauté.
30 septembre 2022 à 14h21 par AFP
Des Massaï qui vivent dans le district de Ngorongoro, dans le nord de la Tanzanie, accusent le gouvernement de vouloir les déplacer pour pouvoir organiser des safaris et des parties de chasse dans cette région, l'une des plus touristiques d'Afrique de l'Est. Les autorités tanzaniennes rejettent de leur côté ces accusations, arguant que la population croissante des Massaï y empiète sur la faune et la flore et qu'elles doivent "protéger" près de 1.500 km2 de l'activité humaine. L'affaire a été portée devant la Cour est-africaine de justice - l'instance judiciaire de la Communauté d'Afrique de l'Est - basée à Arusha, en Tanzanie. "Malheureusement la cour a statué contre nous", a déclaré l'avocate de la communauté Massaï, Esther Mnaro. "Nous devons d'abord discuter avec la communauté, mais notre conseil est de faire appel de la décision, nous n'en avons pas encore fini", a-t-elle poursuivi. Les représentants massaï avaient affirmé devant les trois juges de la cour régionale que les terres leur appartiennent et demandé à la cour "d'arrêter les expulsions, arrestations, détentions et persécutions" de leurs membres. Ils ont également été déboutés de leur demande d'être dédommagés par les autorités tanzaniennes à hauteur d'un milliard de shillings tanzaniens (environ 430.000 euros). Le gouvernement tanzanien, qui a par le passé affirmé que la cour régionale n'était pas une juridiction compétente, n'a pas immédiatement réagi à cette décision. Un policier a été tué en juin dans la région de Loliondo (nord) lors de heurts entre des policiers et des Massaï qui s'opposaient à la pose de "balises" séparant zones d'habitat humain et d'animaux sauvages. Amnesty International avait alors accusé les autorités d'"expulsion forcée illégale". - "Dépossession"- La Tanzanie a historiquement permis aux communautés indigènes comme les Massai de vivre sur des parcs nationaux, dont le célèbre cratère de Ngorongoro, site classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Mais la population et ses troupeaux y ont fortement augmenté ces dernières années. Depuis 1959, le nombre d'humains vivant dans ce site est passé de 8.000 à plus de 100.000. Le bétail a crû encore plus rapidement, passant d'environ 260.000 têtes en 2017 à plus d'un million aujourd'hui. En juin, des experts de l'ONU s'étaient dits "préoccupés par les projets de la Tanzanie visant à déplacer près de 150.000 Massaï de Ngorongoro et de Loliondo sans leur consentement libre, préalable et éclairé". "Cela (...) pourrait s'apparenter à une dépossession, une expulsion forcée et un déplacement arbitraire interdits par le droit international", avaient-ils averti. En 2009, des milliers de familles Massaï avaient été déplacées de Loliondo pour permettre à une société émirati spécialisée dans les safaris, Ortelo Business Corporation, d'organiser des parties de chasse sur place. Cet accord a finalement été annulé par le gouvernement en 2017, sur fond d'accusations de corruption. La Cour est-africaine de justice a été créée en 2001 pour s'assurer du respect des lois de la Communauté d'Afrique de l'Est, composée de sept pays (Burundi, Kenya, Ouganda, Rwanda, Soudan du Sud, Tanzanie et République démocratique du Congo). ho-burs-ammu/dyg/emd