Nouvelle application Africa Radio

Tunisie: manifestations anti et pro-Saied pour la fête de la Révolution

"A bas le coup d'Etat" d'un côté, "tous avec Kais Saied" de l'autre: des centaines d'opposants et de partisans du président tunisien ont manifesté vendredi à Tunis dans un contexte de tensions exacerbées, à l'occasion du 11ème anniversaire de la Révolution de 2011.

AFRICA RADIO

17 décembre 2021 à 15h06 par AFP

Tunis (AFP)

Ces manifestations surviennent quelques jours après que M. Saied, qui s'est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet, a prolongé lundi d'un an le gel du Parlement --dominé par le parti d'inspiration islamiste Ennahdha, sa bête noire-- jusqu'à la tenue de nouvelles législatives le 17 décembre 2022.

Au préalable, il entend réformer la Constitution de 2014 qu'il juge trop déséquilibrée en faveur du Parlement.Des amendements constitutionnels et à la loi électorale seront soumis à un référendum le 25 juillet.

Un peu plus d'un millier de personnes opposées à M. Saied se sont massées à l'entrée du centre ville, bloquées par d'importants cordons policiers, ont constaté des journalistes de l'AFP.

"Le peuple veut ce que tu ne veux pas", il veut "la chute du système", "A bas le coup d'Etat" ou encore "Libertés, libertés, le temps de l'Etat policier est révolu" et "le peuple veut destituer le président", ont-ils scandé.

Un peu plus loin, près de 200 partisans du président se sont pour leur part rassemblés devant le Théâtre municipal sur l'avenue Bourguiba, artère centrale de la capitale. Avec pour slogans: "le peuple veut assainir la Justice" ou encore "le peuple veut juger les corrompus".

- "La rue tranchera" -

"La rue tranchera.Nous n'abandonnerons pas 10 ans de démocratie", assure Samira, 42 ans, opposée au président.Ibrahim, 50 ans, reconnaît que la situation socio-économique est en recul mais il estime que "cela ne justifie pas un coup d'Etat".

"Nous sommes contre le coup d'Etat et les dernières mesures du président", renchérit Abdellatif Mekki, ancien cadre dirigeant d'Ennahdha, pour qui M. Saied "va s'accaparer le pouvoir pour encore une année, avec un agenda qui n'a aucun sens".

Signe d'une polarisation croissante de la rue, le ton est tout autre chez les partisans du président.

Mouna Akremi, une trentenaire venue apporter son soutien au chef d'Etat, estime que "durant 10 ans, la Révolution a été volée par les Frères musulmans qui ont détourné les revendications du peuple".

Des chants patriotiques sont diffusés tandis que des manifestants arborent des pancartes et banderoles en faveur du président Saied, clamant "avec toi jusqu'à la fin pour combattre la corruption".

"Nous avons vécu une décennie noire de paupérisation, de faim et de pauvreté.Les indicateurs économiques sont en baisse", affirme à l'AFP Nacer Medjabri, venu de Kairouan (sud-ouest), souhaitant "un système démocratique issu du peuple".

- "Décennie noire" -

Pour Youssef Cherif, du centre de recherche Columbia Global Centers, "l'opinion publique est largement passive" car "la majorité de la population est désenchantée par la classe politique" même s'"il y a une minorité active qui va protester et continuer de s'attaquer aux mesures présidentielles et les décrire comme illégitimes voire putschistes."

M. Saied a décidé en début de mois de faire célébrer l'anniversaire de la Révolution tunisienne le 17 décembre, jour de l'immolation d'un vendeur ambulant Mohammed Bouazizi il y a 11 ans à Sidi Bouzid (centre-est) --un geste qui avait suscité des manifestations en Tunisie, puis un large mouvement de contestation dans d'autres pays de la région: le Printemps arabe.

L'anniversaire était jusque-là fixé le 14 janvier, le jour de la fuite de l'ex-dictateur Zine el Abidine Ben Ali, censé marquer la fin de la Révolution. 

Mais pour M. Saied, la date du 14 janvier n'était pas appropriée car la Révolution reste à ses yeux inachevée.

Après les Etats-Unis, qui ont salué dès mardi "un calendrier prévoyant une voie vers la réforme politique et des élections parlementaires", l'Union européenne a qualifié vendredi les annonces de M. Saied d'"étape importante vers le rétablissement de la stabilité et de l'équilibre institutionnels", tout en appelant au respect de "l'acquis démocratique, de la séparation des pouvoirs, de l'Etat de droit et des libertés et droits fondamentaux".