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Un manifestant tué au Soudan pendant la visite d'un expert de l'ONU

Un manifestant a été tué vendredi dans la capitale soudanaise où un expert de l'ONU a appelé à éviter "un usage excessif de la force" face à des milliers de manifestants pro-démocratie réclamant justice pour des victimes de la répression.

AFRICA RADIO

3 juin 2022 à 18h51 par AFP

Khartoum (AFP)

Des militants avaient appelé à des défilés vendredi en mémoire des 128 morts de la dispersion d'un sit-in le 3 juin 2019 à Khartoum. 

A l'époque, la rue qui venait d'obtenir en avril de l'armée qu'elle dépose le dictateur Omar el-Béchir avait poursuivi son sit-in aux abords du QG de l'état-major pour forcer les militaires à partager le pouvoir avec des dirigeants civil.

Mais le 3 juin, le sit-in avait été dispersé dans le sang par des hommes armés en tenue militaire. 

Une première enquête, ordonnée par le Conseil militaire, avait établi que des paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) étaient impliqués dans ces violences mais elle n'a débouché sur aucun procès.Aujourd'hui, leur chef, le général Mohammed Hamdane Daglo est le numéro deux du pouvoir militaire installé en octobre par un coup d'Etat.

Ce vendredi, ils avaient répondu à l'appel par milliers, selon des journalistes de l'AFP, afin de réclamer justice aux militaires pour les morts de la "révolution" de 2019 --plus de 250 personnes-- et dire une nouvelle fois leur opposition au putsch du général Abdel Fattah al-Burhane et à la répression qui l'a suivi, dont la 99è victime est tombée vendredi, selon des médecins.

"Un homme d'une vingtaine d'années a été tué par une balle tirée dans la poitrine par les forces de sécurité", a indiqué un syndicat pro-démocratie de praticiens soudanais.

- D'abord la justice -

Dans les rues de la capitale, les manifestants ont scandé pêle-mêle: "on ne veut pas de dédommagement, oeil pour oeil, dent pour dent" et "les militaires à la caserne".

Amna Behiri, qui a perdu son fils Abdel Salam le 3 juin 2019, estime que la "révolution vaincra"."Nous sommes pacifiques alors qu'ils nous tirent dessus et font chaque jour des martyrs", a dit à l'AFP cette Soudanaise au T-shirt floqué du visage de son fils.

"Il faut la justice avant toute chose, parce que sans justice, il n'y a pas d'Etat démocratique (...) La paix et la liberté viendront ensuite", a-t-elle ajouté.

Un peu plus loin dans le cortège, Diaa Eddine, qui a perdu son neveu en 2019, dit "saluer tous les martyrs".

En prévision de cet anniversaire, l'expert de l'ONU pour les droits humains Adama Dieng avait appelé sur Twitter "les autorités à faire preuve de retenue et à ne pas user d'une force excessive face aux manifestations du jour".

La Troïka --la Norvège, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne-- à la manoeuvre au Soudan avait de son côté fait part de sa "solidarité avec les survivants et les victimes" de la dispersion de juin 2019, réclamant "une issue rapide à l'enquête lancée par le gouvernement sur ce massacre et à la publication de ses résultats".

- "Dialogue" -

Lors de sa première visite dans le pays en février, M. Dieng avait exhorté le pouvoir militaire à cesser de "tirer à balles réelles" et d'utiliser ses grenades lacrymogènes comme des projectiles mortels en tirant directement sur la foule. 

Le général Burhane a reconnu que des officiers avaient fait usage de fusils contre des manifestants mais assure qu'il s'agit d'initiatives personnelles contrevenant aux ordres.

Il ne cesse de se dire en faveur d'un dialogue pour relancer la transition démocratique, brutalement interrompue avec son putsch qui a privé le Soudan de son aide internationale vitale.

En face, la rue refuse toute négociation avec les militaires tandis que des partis politiques exigent d'abord la libération des dizaines de manifestants et militants jetés en prison depuis octobre.

Mercredi toutefois, des haut-gradés ont annoncé avoir rencontré des représentants de l'ONU et de l'Union africaine et s'être accordés sur "le lancement de négociations directes" entre les différents acteurs au Soudan "la semaine prochaine".

Dimanche, le général Burhane avait levé l'état d'urgence imposé lors de son putsch, un geste vu par des observateurs comme une main tendue vers la rue mais rejeté par les militants qui déplorent le fait que la répression n'a pas cessé pour autant.