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Crise Mali –Côte d’Ivoire : « Un combattant qui n’a pas de statut est considéré comme un mercenaire. C’est la procédure »

Le gouvernement du Mali dit avoir interpellé deux aéronefs en provenance de Côte d'Ivoire qui transportaient 49 militaires ivoiriens avec armements et munitions de guerre, ainsi que d'autres équipements militaires. Les autorités ivoiriennes d’abord silencieuses, ont ensuite indiqué qu’ils ont été déployés dans le cadre de la Minusma. Une version confirmée par la mission onusienne, qui a par la suite changé de récit. Pour Bamako, il s’agit de « mercenaires ». Pour tenter de comprendre, Lilianne Nyatcha s’est entretenue avec Boubacar Salif Traoré, expert en sécurité.

 Mali –Côte d’Ivoire : « Un combattant qui n’a pas de statut est considéré comme un mercenaire »

20 juillet 2022 à 11h43 par Lilianne Nyatcha Africa radio

Comment ces deux avions ont-ils pu survoler et atterrir à Bamako s’ils n’avaient pas d'autorisation ?

C’est une question assez importante, donc la première question à se poser c’est de savoir comment ces aéronefs ont pu arriver jusqu’à Bamako. Il y a eu plusieurs versions concernant ces aéronefs. C’est seulement après vérification que le gouvernement, en tout cas les autorités aéroportuaires se sont rendu compte que ces personnes-là n'étaient pas déclarées. Et donc à partir de ce moment, les recherches ont continué.    

 

Quand vous dites que ces personnes n'étaient pas déclarées c'est-à-dire que ce qui a pu se passer c’est qu’au départ il y a eu bel et bien des autorisations mais que le gouvernement n'était pas au courant de l'identité des personnes qui seraient transportées. Quelle est votre analyse ?

Vous savez,  au niveau de l’aéroport international de Bamako, il y a plusieurs vols qui font des rotations actuellement. Et  le fait est qu’il y a la présence de la force multinationale, à savoir la MINUSMA et d’autres contingents sur le territoire malien selon des rotations un peu fréquentes.  Et donc quand ces deux aéronefs sont arrivés à l’aéroport international de Bamako Modibo Keïta, c’est lors du contrôle que les autorités se sont rendues compte, en tous cas les forces de police chargées du contrôle, que les personnes n’avaient ni ordre de mission et que leurs passeports présentaient des formations assez suspectes.

 

Parmi ces 49 militaires, certains seraient des forces spéciales et ils n'avaient pas d'ordre de mission ni d'autorisation. Lorsqu’un pays doit déployer des militaires dans un autre, à quoi doit ressembler un ordre de mission ?

  En la matière, lorsque les personnes ont été interrogées, c’était confirmé qu’elles venaient dans le cadre de la MINUSMA, la mission des Nations Unies qui se trouve actuellement au Mali. Mais il faut rappeler que le renouvellement du mandat de la MINUSMA a fait l’objet de beaucoup de discussions entre les autorités maliennes et les autorités de l’ONU.  Donc tout ce qui engage la MINUSMA ne peut pas se passer avec une certaine légèreté.  Donc il aurait fallu qu’effectivement dans un premier temps, que les autorités maliennes soient informées de ce processus.

 Que dit la procédure étape par étape dans le cadre d’une telle mission ?

Lorsqu’un Etat doit déployer ses militaires, l’Etat informe le pays hôte et le pays hôte reçoit ces militaires en fonction des conventions établies. Ça doit être dans le cadre d’une mission régionale, d’une mission sous-régionale ou multinationale. Et donc dans ce sens là, tout est encadré entre les deux Etats, c’est-à-dire la conformité avec la législation de l’Etat hôte et de l’Etat d’envoi. Donc à partir de cela, les militaires qui doivent venir exécuter la mission, sont dotés d’un ordre de mission et cet ordre de mission définit clairement la mission qui doit être exécutée sur le territoire avec l’identité des personnes qui sont concernées par la mission.

 

C’est-à-dire que le pays qui envoie doit établir une liste des militaires envoyés avec leur grade ?

Leur grade, leur unité avec la mission pour laquelle ils ont été désignés et leur matricule, en donnant toute information nécessaire parce que ce sont des sujets hautement délicats, hautement stratégiques. Donc toutes les informations concernant ces militaires sur le plan personnel sont fournies. En deuxième lieu, si ces militaires portent des équipements c’est-à-dire des armements, ces armements font aussi l’objet d’une liste bien détaillée afin que l’Etat hôte puisse bénéficier de toutes les informations nécessaires. Ça se déroule dans un cadre très transparent.

 

Il y a obligation de la part du pays qui envoie de fournir la liste des équipements militaires transportés ?

Il y a obligation à fournir cette liste  sinon s’il y a dissimulation, le pays hôte peut considérer qu’il s’agit d’une agression.

 

 A qui est-ce que le pays qui envoie doit transmettre ces informations ? Est-ce  à la force de maintien de l’ONU ou aux autorités du pays ?

Lorsqu’un militaire est détaché, que ce soit dans le cadre d’une opération de la paix ou dans un autre cadre, le militaire déployé appartient toujours à son pays d’origine. Et entre le Mali et en l’occurrence la Côte d’Ivoire, il y a des accords de coopération qui existent. Les deux pays appartiennent à la  même organisation sous-régionale qui est la CEDEAO,  donc de par ces conventions, les deux Etats peuvent communiquer. Il doit y avoir deux niveaux d’information. Le gouvernement ivoirien doit informer les autorités maliennes et aussi la MINUSMA doit informer les autorités maliennes de ce processus de déploiement, ce qui n’a pas été le cas.

 

 Le gouvernement malien a traité les militaires ivoiriens de « mercenaires ». La réaction du gouvernement malien n’est-elle pas disproportionnée, peut-être en raison des tensions entre le Mali et la mission onusienne dont le renouvellement n’a pas tout à fait réjoui Bamako ?

Le domaine militaire est très encadré, le domaine militaire travaille avec des informations précises et claires. A partir du moment où les autorités n’ont pas d’informations claires, la première réaction c’est de prendre des dispositions nécessaires et un combattant qui n’a pas de statut, est considéré comme un mercenaire. C’est la procédure.

 

 

Mali –Côte d’Ivoire : « Un combattant qui n’a pas de statut est considéré comme un mercenaire »