Guinée: trois ex-ministres de Condé sortent et retournent en prison

Trois anciens ministres du président guinéen déchu Alpha Condé sont brièvement sortis de prison jeudi sur décision d'une cour anti-corruption avant d'y retourner le soir même à la suite d'un appel du parquet, ont indiqué ce dernier et l'un de leurs avocats.

AFRICA RADIO

20 mai 2022 à 0h21 par AFP

La Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) instituée par la junte qui a renversé Alpha Condé en septembre 2021 avait autorisé la remise en liberté sous caution des trois hommes, placés sous mandat de dépôt en avril pour détournement présumé de fonds publics, en attendant leur procès. Mais le procureur Aly Touré a indiqué à l'AFP qu'il avait fait appel et qu'ils étaient retournés en prison. "Nous ne sommes pas d'accord avec la décision du juge, c'est pourquoi nous avons interjeté appel", a-t-il dit. "C'est un abus qui ne se justifie pas", a dit Me Dinah Sampil, un des avocats de la défense. "Lorsqu'un tribunal prononce une décision, un individu, fût-il procureur, ne peut pas s'opposer à l'exécution de ladite décision", a-t-il dit. La CRIEF avait accepté la remise en liberté d'Ibrahima Kassory Fofana, Premier ministre de mai 2018 jusqu'au coup d'Etat de 2021, et de l'ancien ministre de l'Environnement Oyé Guilavogui, et les avait placés sous contrôle judiciaire, selon Me Dinah Sampil. Mais ils devaient verser une caution de 20 milliards de francs guinéens (environ 2,1 millions d'euros), avait dit l'avocat à l'issue d'une audience devant la CRIEF. Mohamed Diané, l'ancien tout-puissant ministre de la Défense de 2015 jusqu'en septembre 2021, également libéré et placé sous contrôle judiciaire, devait quant à lui verser une caution de 30 milliards de francs guinéens (environ 3,2 millions d'euros). C'est une fortune colossale dans un des pays les plus pauvres du monde. Les trois hommes ont été inculpés et écroués en avril sans qu'aucune information ne soit rendue publique sur les faits précis qui leur sont reprochés. - Interdiction de manifester - Un quatrième, l'ancien ministre des Hydrocarbures Zakaria Coulibaly, a été relâché depuis avril et placé sous contrôle judiciaire. Les militaires sous la conduite du colonel Mamady Doumbouya, entre-temps intronisé président, ont proclamé la lutte contre la corruption, réputée endémique dans le pays, comme un de leurs grands combats. Le colonel Doumbouya a assuré qu'il n'y aurait pas de "chasse aux sorcières". Mais une série d'enquêtes ont été ouvertes contre des personnalités de l'ancien régime et même de l'opposition à l'ancien président Condé. La justice a annoncé début mai des poursuites contre M. Condé et une trentaine d'anciens hauts responsables sous sa présidence, pour assassinats, actes de torture ou enlèvements. Les partis politiques crient de plus en plus fort à l'instrumentalisation de la justice et de la CRIEF. La grogne s'est amplifiée avec la décision des autorités, entérinée la semaine passée, de fixer à trois ans la durée de la période de transition censée précéder un retour des civils à la tête de ce pays dirigé pendant des décennies par des régimes autoritaires ou dictatoriaux. La junte a annoncé vendredi interdire les manifestations de rue. Des dizaines de partis parmi les plus représentatifs ont annoncé mercredi leur intention de braver l'interdit. Le porte-parole du gouvernement Ousmane Gaoual Diallo a justifié l'interdiction de manifester jeudi devant la presse. "Les manifestations peuvent amener à un retard notable sur la mise en oeuvre du calendrier sur lequel le gouvernement et le CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement, la junte) se sont engagés", at-il dit.