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Au Liberia, la justice finlandaise sur les traces de "L'Ange Gabriel"

Un tribunal finlandais s'est déplacé jusqu'aux confins du Liberia jeudi pour retrouver les traces de l'ancien chef rebelle Gibril Massaquoi, surnommé "L'Ange Gabriel", qu'il juge pour une série d'atrocités commises pendant la guerre civile ayant ravagé ce pays d'Afrique de l'Ouest à la fin du siècle dernier.

Les magistrats finlandais ont visit&eacute; le village de Kamatahun, dans une r&eacute;gion montagneuse proche de la fronti&egrave;re sierra-l&eacute;onaise, &agrave; une journ&eacute;e de mauvaises routes de la capitale Monrovia, ont constat&eacute; des journalistes de l'AFP.
Accompagn&eacute;s des autorit&eacute;s locales, terminant leur progression &agrave; pieds sur d'&eacute;troits chemins, ils ont inspect&eacute; et pris des photos, notamment des restes de maisons incendi&eacute;es pendant l'une des pires guerres du continent africain, qui a fait 250.000 morts et des millions de d&eacute;plac&eacute;s entre 1989 et 2003.
Le proc&egrave;s de&nbsp;Gibril Massaquoi, 51 ans, s'est ouvert le 3 f&eacute;vrier devant le tribunal de Tampere, ville du sud de la Finlande o&ugrave; il avait &eacute;t&eacute; arr&ecirc;t&eacute; en mars 2020, apr&egrave;s la mobilisation d'ONG.
Les audiences ont ensuite &eacute;t&eacute; suspendues afin de permettre aux juges de se d&eacute;localiser quelque 6.500 km plus au sud.Pendant deux mois, le tribunal visitera des sc&egrave;nes de crimes en Sierra Leone et au Liberia et entendra quelque 80 t&eacute;moins.
"La raison de notre pr&eacute;sence ici est de montrer &agrave; la cour les endroits o&ugrave; les t&eacute;moins affirment que les choses se sont pass&eacute;es.En particulier ce qui ne figure pas dans l'acte d'accusation", a d&eacute;clar&eacute; sur place le procureur finlandais, Tom Laitinen.Il a pr&eacute;cis&eacute; que des repr&eacute;sentants de la d&eacute;fense faisaient &eacute;galement partie de la d&eacute;l&eacute;gation.
A Kamatahun, des habitants ont accus&eacute; Gibril Massaquoi d'avoir ordonn&eacute; d'enfermer des civils, dont des enfants, dans deux b&acirc;timents, avant de les r&eacute;duire en cendres, selon le dossier d'instruction.
Au moins sept femmes ont &eacute;t&eacute; viol&eacute;es et tu&eacute;es dans la m&ecirc;me localit&eacute;, tandis que les cadavres d'autres habitants ont &eacute;t&eacute; d&eacute;coup&eacute;s en morceaux et "transform&eacute;s en nourriture que Massaquoi a &eacute;galement mang&eacute;e", selon la m&ecirc;me source.

- "Jamais de pardon" -

Les juges devaient ensuite se rendre dans un hameau voisin, Yandohun, o&ugrave; l'ex-chef rebelle est &eacute;galement accus&eacute; d'&ecirc;tre responsable d'atrocit&eacute;s.
"Mon p&egrave;re a &eacute;t&eacute; tu&eacute; sous mes yeux en face de ce b&acirc;timent", une ancienne maison de la jeunesse encore cribl&eacute;e d'impacts de balles, a racont&eacute; &agrave; l'AFP un habitant de Yandohun, Kerfah Kamara."J'&eacute;tais un enfant, je ne pourrai jamais pardonner &agrave; ses meurtriers", a ajout&eacute; l'homme de 27 ans, sans directement accuser Gibril Massaquoi.
Le chef du village, Massaquoi Swaray, 60 ans, se souvient lui aussi du passage des miliciens."Ils ont viol&eacute; ma femme et m'ont oblig&eacute; &agrave; les regarder faire.Apr&egrave;s, elle avait tellement honte qu'elle est partie dans la for&ecirc;t et elle est morte", explique-t-il, tr&egrave;s &eacute;mu.
Le dossier inclut &eacute;galement des accusations de meurtres et de viols de masse ailleurs dans la province de Lofa (nord) et &agrave; Monrovia, ainsi que des mises en cause pour esclavage et recrutement d'enfants soldats.
Gibril Massaquoi, qui est rest&eacute; dans sa prison en Finlande, o&ugrave; il vit depuis 2008, affirme qu'il &eacute;tait engag&eacute; dans des n&eacute;gociations de paix ailleurs dans la r&eacute;gion &agrave; l'&eacute;poque des atrocit&eacute;s.
Surnomm&eacute; &agrave; l'&eacute;poque "l'Ange Gabriel", il encourt la perp&eacute;tuit&eacute; pour meurtres, "crimes de guerre aggrav&eacute;s" et "crimes contre l'humanit&eacute; aggrav&eacute;s" qu'il est accus&eacute; d'avoir commis ou ordonn&eacute;s entre 1999 et 2003.

- Proche de Charles Taylor -

Il &eacute;tait alors un haut responsable du Front r&eacute;volutionnaire uni (RUF), un groupe arm&eacute; sierra-l&eacute;onais dirig&eacute; par le caporal Foday Sankoh, proche de l'ex-chef de guerre lib&eacute;rien devenu pr&eacute;sident Charles Taylor.
Il compara&icirc;t pour une litanie d'accusations de crimes, viols et d'actes de torture commis en personne ou par ses soldats, selon le dossier d'accusation de pr&egrave;s de 4.000 pages compil&eacute; par la justice finlandaise.Celle-ci permet de poursuivre des crimes graves commis &agrave; l'&eacute;tranger.
Jadis professeur, il avait &eacute;t&eacute; autoris&eacute; &agrave; s'installer en Finlande apr&egrave;s avoir t&eacute;moign&eacute; en 2003 devant le Tribunal sp&eacute;cial pour la Sierra Leone (TSSL) mis en place par l'ONU.Il avait alors re&ccedil;u une immunit&eacute; pour les actes commis dans son pays, mais pas au Liberia.
Apr&egrave;s la guerre civile, la plupart des commandants des diff&eacute;rents groupes arm&eacute;s ont fui le pays et les poursuites restent l'exception, m&ecirc;me si des condamnations ont &eacute;t&eacute; prononc&eacute;es aux Etats-Unis et des proc&egrave;s et des poursuites sont en cours en Suisse et en France.
L'ex-pr&eacute;sident Taylor purge une peine de 50 ans de prison depuis 2012, mais pour des crimes commis en Sierra Leone, pas dans son pays, o&ugrave; aucun tribunal pour crimes de guerre n'a &eacute;t&eacute; institu&eacute;.
La cour de Tampere pr&eacute;voit de revenir en Finlande en mai pour deux mois suppl&eacute;mentaires d'audience, avec un verdict attendu en septembre.

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