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Bien qu'éprouvés, les lutteurs sénégalais refusent d'être mêlés aux troubles

"Injuste" et "blessant": les lutteurs sénégalais, révérés pour leur force et leur statut, ont mal pris la suggestion qu'ils pourraient avoir activement participé aux troubles récents dans leur pays.

Le S&eacute;n&eacute;gal a &eacute;t&eacute; le th&eacute;&acirc;tre d&eacute;but mars de sc&egrave;nes d'affrontements et de pillages rares dans un pays reconnu pour sa stabilit&eacute;.Un m&eacute;lange de contestation politique et d'exasp&eacute;ration sociale et &eacute;conomique sur fond de pand&eacute;mie a fait descendre dans les rues des milliers de personnes, tr&egrave;s majoritairement de jeunes hommes dans ce pays pauvre dont plus de la moiti&eacute; de la population &agrave; moins de 20 ans.
A l'heure des explications, un groupe inattendu, celui des pratiquants de la lutte traditionnelle, est venu m&ecirc;ler sa voix au ch&oelig;ur de r&eacute;probation contre les autorit&eacute;s.En cause: des d&eacute;clarations r&eacute;centes du Garde des Sceaux.
Malick Sall cherchait &agrave; convaincre sur la cha&icirc;ne France 24 que l'explosion de m&eacute;contentement tenait moins &agrave; l'arrestation de l'opposant Ousmane Sonko, populaire aupr&egrave;s de la jeunesse, qu'&agrave; un ras-le-bol mondial devant les effets du Covid-19.Et de citer en exemple les lutteurs.
"Les jeunes, beaucoup &eacute;taient dans les &eacute;curies de lutte", passant toute la semaine &agrave; s'entra&icirc;ner dans les salles ou au bord de l'Atlantique, et le week-end au stade, a-t-il assur&eacute;.
"Cela leur permettait non seulement de se d&eacute;fouler mais de gagner leur vie.Et cela, ils en sont priv&eacute;s depuis maintenant bient&ocirc;t un an."

- "Bal&egrave;zes" et "gros bras" -

Le ministre touchait l&agrave; une mati&egrave;re sensible.La lutte, &agrave; la crois&eacute;e de la tradition et du sport, est avec le football un des spectacles les plus populaires au S&eacute;n&eacute;gal.
Les meilleurs lutteurs, idol&acirc;tr&eacute;s du public, gagnent tr&egrave;s bien leur vie.Retransmis en direct, les combats &agrave; torse et mains nues de "Bombardier" ou "Balla Gaye 2" remplissaient des stades jusqu'&agrave; l'apparition du coronavirus il y a un an.
Depuis, les entra&icirc;nements collectifs et les combats sont interdits, condamnant la majorit&eacute; des quelque 8.000 lutteurs formellement enregistr&eacute;s &agrave; trouver d'autres revenus, provenant souvent d'emplois pr&eacute;caires, selon l'Association nationale des lutteurs.Ces petits boulots, pr&eacute;pond&eacute;rants au S&eacute;n&eacute;gal, ont durement souffert de la pand&eacute;mie.
Pourtant, "pas un seul lutteur qui a une licence n'a particip&eacute; aux rassemblements" qui ont agit&eacute; le pays, assure Khadim Gadiaga, pr&eacute;sident de Rock Energie, &eacute;curie o&ugrave; s'entra&icirc;ne le "Roi des ar&egrave;nes", Modou L&ocirc;, champion du S&eacute;n&eacute;gal."On sugg&egrave;re au ministre de retirer ses paroles blessantes."
"Au S&eacute;n&eacute;gal, tous ceux qui sont bal&egrave;zes, qui ont des gros bras, les gens disent: +C'est des lutteurs+.Les lutteurs ont d'autres chats &agrave; fouetter", ironise-t-il, faisant &eacute;cho &agrave; la pr&eacute;sence pas enti&egrave;rement &eacute;lucid&eacute;e de colosses dans les troubles, y compris du c&ocirc;t&eacute; des forces de l'ordre.
Pour le pr&eacute;sident de l'Association nationale des lutteurs, c'est toute une "jeunesse sans espoir" qui s'est exprim&eacute;e."Au lieu d'en tenir compte, un ministre de la R&eacute;publique fustige les lutteurs sur une cha&icirc;ne &eacute;trang&egrave;re.C&rsquo;est injuste", d&eacute;plore Ibrahima Dione, alias "Gris Bordeaux", &eacute;galement champion de lutte.

- Facteur stabilisant -

Ses propos "ont f&acirc;ch&eacute; tous les lutteurs"."Depuis un an, les combattants n'ont rien, m&ecirc;me pas un sou.Beaucoup perdent espoir et prennent des pirogues en direction de l'Espagne", se lamente-t-il.
Le coordinateur du groupe de contestation "Y en a marre" a admis la pr&eacute;sence de lutteurs parmi les manifestants.Ceux qui expriment leur col&egrave;re sont "des citoyens qui ont soif de d&eacute;mocratie, d&rsquo;Etat de droit, de libert&eacute;.Et parmi ces citoyens, oui, il y a des lutteurs", a d&eacute;clar&eacute; Aliou San&eacute; devant la presse.Mais pas seulement, ajoute-t-il: "Il y a des &eacute;tudiants, il y a des ouvriers, il y a de tout".
Si des lutteurs ont particip&eacute; &agrave; la protestation, ils n'ont pas de licence, objecte Gaston Mbengue, un des plus grands promoteurs de combats."Les lutteurs sont des nobles", proclame-t-il.
Les services du ministre disent que ses propos ont &eacute;t&eacute; mal interpr&eacute;t&eacute;s et Gaston Mbengue veut bien le croire.Il voit plut&ocirc;t en eux une "plaidoirie" en faveur du "sport national".
"La lutte est un facteur de stabilit&eacute; au S&eacute;n&eacute;gal.Les gens en ont besoin", dit-il, comme des autres loisirs.
Pour apaiser les esprits, le pr&eacute;sident Macky Sall a annonc&eacute; l'all&egrave;gement des restrictions impos&eacute;es &agrave; cause du Covid-19.Le promoteur Gaston Mbengue anticipe d&eacute;j&agrave; de nouveaux combats avec des gloires de la discipline d&eacute;but avril pour faire oublier la pand&eacute;mie et "diminuer le stress dans le pays".

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