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En Centrafrique, les insaisissables 3R continuent de semer la terreur

Le convoi progresse lentement sur la piste boueuse.Sur la tourelle du blindé de la force de l'ONU en Centrafrique qui ouvre la route, le major Ashif est tendu.Les broussailles épaisses qui se dressent de part et d'autre sont parfaites pour une embuscade.

L&rsquo;ennemi qui se cache l&agrave; est pourtant un des 14 groupes arm&eacute;s signataires d'un accord de paix avec le gouvernement centrafricain en f&eacute;vrier 2019 &agrave; Khartoum.&nbsp;
Mais les 3R (Retour, R&eacute;clamation, R&eacute;habilitation), parmi les plus&nbsp;puissantes milices rebelles, sont d&eacute;sormais &agrave; couteaux tir&eacute;s avec Bangui.Leur chef, Sidiki&nbsp;Abass,&nbsp;a toujours mollement adh&eacute;r&eacute; &agrave; l'accord de Khartoum.&nbsp;
S&ucirc;r de sa force, il a interdit aux &eacute;quipes &eacute;lectorales comme &agrave; l'arm&eacute;e de p&eacute;n&eacute;trer dans "son&rdquo;&nbsp;territoire, alors qu'approchent&nbsp;les &eacute;lections pr&eacute;sidentielle et l&eacute;gislatives pr&eacute;vues le 27 d&eacute;cembre.&nbsp;
Des &eacute;lections &agrave; haut risque dans un pays en guerre civile depuis plus de sept ans et dont plus des deux tiers du territoire sont sous la coupe des milices arm&eacute;es.&nbsp;
Fin juin, les soldats de la Mission des Nations unies en Centrafrique (Minusca) avaient engag&eacute; une op&eacute;ration militaire d'envergure pour d&eacute;loger les turbulents 3R de leurs bases dans le nord-ouest.&nbsp;&nbsp;
Mais les quelques centaines de miliciens &eacute;parpill&eacute;s en brousse continuent de semer la terreur.Attaque contre les militaires, accrochages avec la Minusca, policiers expuls&eacute;s, marchands ran&ccedil;onn&eacute;s...&nbsp;
Il y a une ann&eacute;e encore, le nord-ouest &eacute;tait pourtant consid&eacute;r&eacute; comme un exemple des tentatives de l'Etat pour r&eacute;tablir son autorit&eacute; sur le territoire.&nbsp;
"L'ann&eacute;e derni&egrave;re, j'allais tout seul par la route, mais maintenant on ne peut plus &agrave; cause de l'ins&eacute;curit&eacute;", se lamente un magistrat qui va rejoindre son poste avec le convoi.&nbsp;

- Conflit entre fermiers et &eacute;leveurs -

Apr&egrave;s des kilom&egrave;tres de piste, le paysage s'anime.La savane se h&eacute;risse de collines escarp&eacute;es aux rochers luisants d'une bruine froide.&nbsp;
Cette r&eacute;gion vallonn&eacute;e est le th&eacute;&acirc;tre d'un conflit tr&egrave;s ancien entre fermiers autochtones et &eacute;leveurs peuls venus du Sahel pour faire pa&icirc;tre leur b&eacute;tail dans les savanes humides de Centrafrique.&nbsp;
Constitu&eacute;s en majorit&eacute; de Peuls, les 3R ont &eacute;t&eacute; form&eacute;s en 2015 pour d&eacute;fendre cette communaut&eacute; contre les attaques des milices chr&eacute;tiennes antibalaka.&nbsp;
A l'&eacute;poque, le pays &eacute;tait aspir&eacute; dans une spirale meurtri&egrave;re d'affrontements communautaires entre chr&eacute;tiens et musulmans depuis qu'une coalition de groupes arm&eacute;s &agrave; dominante musulmane avait renvers&eacute; le r&eacute;gime du pr&eacute;sident Fran&ccedil;ois Boziz&eacute; en 2013.&nbsp;
Aujourd'hui, la plupart des musulmans s&eacute;dentaires ont fui au Cameroun.Le long de la piste, leurs maisons ne sont plus que des ruines d&eacute;sert&eacute;es.&nbsp;
Quant aux &eacute;leveurs peuls, les 3R leur imposent de lourdes taxes en &eacute;change de leur protection.Une manne promptement r&eacute;investie: lance-grenades et lance-roquettes, fusils d'assauts M16 am&eacute;ricains, mines et engins explosifs improvis&eacute;s.&nbsp;
Issus de g&eacute;n&eacute;rations de transhumants, les miliciens 3R "connaissent la brousse mieux que personne", explique un haut-grad&eacute; de la Minusca."Ils se d&eacute;placent la nuit, et se cachent le jour".&nbsp;
Un jeu du chat et la souris difficile &agrave; gagner pour les 800 Casques bleus bangladais &eacute;tir&eacute;s dans cette immense zone, et qui ne peuvent s'aventurer au-del&agrave; des pistes.

- Casques bleus d&eacute;munis - &nbsp;

La bonne volont&eacute; ne suffit pas.Les officiers doivent composer avec des informateurs locaux peu fiables, des fusils sans vis&eacute;e optique, et des v&eacute;hicules &eacute;puis&eacute;s par les mauvaises routes.Et expriment un m&ecirc;me sentiment d&rsquo;impuissance face &agrave; un imbroglio socio-politique que les militaires ne peuvent d&eacute;m&ecirc;ler seuls.&nbsp;
Dans les postes avanc&eacute;s, parfois tenus par une trentaine d'hommes &agrave; peine, les Casques bleus sont encercl&eacute;s par un adversaire qui a des oreilles partout et n'h&eacute;site pas &agrave; manipuler les populations &agrave; son profit.&nbsp;
Car si les civils peuls doivent s'acquitter de lourdes contributions, les miliciens restent leurs uniques protecteurs dans une r&eacute;gion o&ugrave; l'Etat est absent.
"On s'est organis&eacute;s entre nous.Si vous &ecirc;tres quatre fils, deux viennent int&eacute;grer le mouvement, et deux gardent le b&eacute;tail pour contribuer", affirme le g&eacute;n&eacute;ral Bobo, un commandant des 3R dans leur fief de Koui, &agrave; plus de 500 km au nord-ouest de Bangui.&nbsp;
Mais beaucoup de ces enr&ocirc;lements sont "forc&eacute;s", selon Sabi Mandjo, h&eacute;ritier d'une lign&eacute;e princi&egrave;re peul qui repr&eacute;sente les int&eacute;r&ecirc;ts de ces &eacute;leveurs &agrave; Bangui."Les peuls en ont marre, mais ne savent ni ou aller, ni que faire", assure-t-il.
Quant aux fermiers s&eacute;dentaires, ils sont doublement victimes du conflit.Asha Salamatou est pr&eacute;sidente de l'association des femmes de Bocaranga, une ville situ&eacute;e &agrave; quelques kilom&egrave;tres de Koui.Cette chr&eacute;tienne mari&eacute;e &agrave; un musulman a multipli&eacute; les efforts de m&eacute;diation, parfois au risque de sa vie.Minusca, groupes arm&eacute;s, gouvernement&hellip; cela lui est d&eacute;sormais &eacute;gal."C'est toujours nous qui payons les pots cass&eacute;s ! Nous voulons seulement la paix !"

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