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Procès d'un massacre dans l'ouest ivoirien: un ex-chef de guerre accablé par ses victimes

"J'ai vu mon mari tué sous mes yeux": une dizaine de femmes ont témoigné jeudi au procès de l'ancien chef de milice Amadé Ouérémi sur la terreur qu'il fit régner dans la ville de Duékoué, théâtre des pires massacres dans l'ouest de la Côte d'Ivoire en 2011, lors de la crise post-électorale.

Surnomm&eacute; "le Seigneur", Amad&eacute; Ou&eacute;r&eacute;mi, 57 ans, compara&icirc;t depuis le 24 mars devant la cour d'assises d'Abidjan, accus&eacute; "d'assassinats massifs".
Cet ex-chef de guerre, alors en lutte, &agrave; la t&ecirc;te de sa milice, contre les milices rivales et forces gouvernementales soutenant le r&eacute;gime du pr&eacute;sident Laurent Gbagbo, comparait notamment pour des tueries perp&eacute;tr&eacute;es le 28 mars 2011 dans le quartier Carrefour de Du&eacute;kou&eacute;, o&ugrave; 817 personnes furent ex&eacute;cut&eacute;es en une journ&eacute;e, selon la Croix-Rouge, 300 selon l'ONU.Il encourt la prison &agrave; perp&eacute;tuit&eacute;.
Appel&eacute;e &agrave; la barre, Odette Klahon, la soixantaine, la main gauche amput&eacute;e, avance au micro, accompagn&eacute;e de son interpr&egrave;te pour t&eacute;moigner, dix ans apr&egrave;s.
"Dans le quartier Carrefour, ils n'ont pas fait de d&eacute;tails, cassant les portes, &agrave; la recherche d'hommes valides.C'est pendant ces troubles que mon mari fut arr&ecirc;t&eacute; et ex&eacute;cut&eacute; devant moi", raconte la vieille dame, sangl&eacute;e dans un ensemble pagne rouge bordeaux, signe d'un deuil profond.
"Mon bourreau voulait m'arracher mon petit-fils de quatre ans, je r&eacute;sistais, quand &agrave; l'aide d'un chevron il l&rsquo;assomma et tira dans ma main.Mon petit-fils mourut sur le coup et moi j'ai pu fuir pour me r&eacute;fugier &agrave; la mission catholique de la ville, la main en sang et enjambant des corps.Apr&egrave;s avoir b&eacute;n&eacute;fici&eacute; des premiers soins de b&eacute;n&eacute;voles de MSF, j'ai &eacute;t&eacute; amput&eacute;e de la main gauche plus tard", poursuit Mme Klahon.
Un autre t&eacute;moin, Myriam Koulade, raconte &agrave; son tour l'enfer qu'elle a v&eacute;cu.
"Tout a commenc&eacute; &agrave; 16h le lundi 28 mars 2011 (...) On entendait les coups de feu partout.Nous nous sommes retrouv&eacute;s &agrave; 40 personnes dans notre maison pour nous mettre &agrave; l'abri des tirs.Au petit matin du 29 mars, ils ont commenc&eacute; &agrave; rentrer dans les maisons &agrave; la recherche des hommes en prof&eacute;rant des menaces : +Nous allons tuer vos maris et partir avec vous.Vous serez nos femmes+".&nbsp;

- Gris-gris et visage peint -

"Le quartier &eacute;tait pris en otage par des hommes en armes bard&eacute;s de gris-gris".C'&eacute;tait le sauve-qui-peut.Il y avait des sc&egrave;nes de pillage partout, des maisons incendi&eacute;es.C'est en allant chercher refuge &agrave; la mission catholique que mon mari (Bakoue L&eacute;on, 54 ans) a &eacute;t&eacute; assassin&eacute; sous mes yeux, ainsi que mon neveu Zo&eacute; Brice", raconte-elle.
Les neuf femmes qui ont t&eacute;moign&eacute; ont fait &eacute;tat "des corps sans vie qui gisaient partout &agrave; Carrefour", un massacre perp&eacute;tr&eacute; selon elles par les hommes d'Amad&eacute; Ou&eacute;r&eacute;mi, le visage peint en noir, arm&eacute;s de kalachnikov, des machettes et des faucilles.
L'Ouest de la C&ocirc;te d'Ivoire, grande zone de production de cacao, a &eacute;t&eacute; l'un des points chauds de la crise post-&eacute;lectorale de 2010-2011, n&eacute;e du refus du pr&eacute;sident Laurent Gbagbo de reconna&icirc;tre sa d&eacute;faite &eacute;lectorale face &agrave; Alassane Ouattara, et qui a fait 3.000 morts.
Selon l'ONU et plusieurs organisations internationales, la prise de Du&eacute;kou&eacute; en mars 2011 par les combattants pro-Ouattara s'est accompagn&eacute;e de massacres &agrave; grande &eacute;chelle.
Sur fond de probl&egrave;mes fonciers, la crise politique avait d&eacute;bouch&eacute; sur des violences communautaires entre Gu&eacute;r&eacute;s, l'ethnie locale majoritairement pro-Gbagbo, et habitants "allog&egrave;nes", notamment Dioulas venus du Nord majoritairement pro-Ouattara, et des immigr&eacute;s burkinab&egrave;.
Fr&ecirc;le, masque protecteur sur la bouche, Amad&eacute; Ou&eacute;remie, habill&eacute; d'un t-shirt d&eacute;fraichi sur un pantalon noir, chauss&eacute; de sandalettes, s'est &eacute;tonn&eacute; d'&ecirc;tre seul dans le box des accus&eacute;s.
"Je ne peux pas payer seul pour les autres, j'&eacute;tais un &eacute;l&eacute;ment des FRCI (forces rebelles qui avaient pris la ville le 27 mars).Nous combattions les Lib&eacute;riens et miliciens pro-Gbagbo qui semaient la terreur dans la zone"."Ils nous ont tu&eacute;s, nous avons aussi tu&eacute; chez eux", a-t-il expliqu&eacute; dans un fran&ccedil;ais approximatif.

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