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Prison, balles et exil: Tundu Lissu, inébranlable figure de l'opposition tanzanienne

Emprisonné, criblé de balles, contraint à l'exil: revenu en Tanzanie mercredi, Tundu Lissu est une figure tutélaire de l'opposition qui entend désormais "écrire un nouveau chapitre" démocratique dans ce pays d'Afrique de l'Est.

AFRICA RADIO

25 janvier 2023 à 12h06 par AFP

Dar es Salaam (AFP)

Cet avocat de 55 ans a fait son retour de cinq ans d'exil en Belgique, après que la présidente Samia Suluhu Hassan a affiché ces derniers mois sa rupture avec la politique de son autoritaire prédécesseur John Magufuli, décédé soudainement en 2021.

La levée il y a trois semaines de la fin de l'interdiction des meetings politiques de l'opposition, prise sous John Magufuli, a convaincu Tundu Lissu de rentrer au pays.

"C'est maintenant officiel: j'embrasserai à nouveau le sol tanzanien le mercredi 25 janvier 2023", avait-il annoncé le 13 janvier sur Twitter.

"Avec la levée de l'interdiction illégale d'activité politique, il est maintenant temps de rentrer chez soi et de se remettre au travail", affirmait ce membre emblématique du parti d'opposition Chadema, acronyme de Chama cha Demokrasia na Maendeleo (Parti pour la démocratie et le progrès).

- Corps "mis en pièces" -

Critique virulent du parti au pouvoir depuis l'indépendance en 1961 Chama Cha Mapinduzi (CCM), Tundu Lissu était brièvement revenu en Tanzanie en juillet 2020 pour concourir à l'élection présidentielle prévue en octobre face au chef de l'Etat sortant John Magufuli, au pouvoir depuis 2015 et qu'il qualifiait de "dictateur".

La réélection - avec un score officiel de 84% des voix - de celui qui était surnommé "le Bulldozer" pour son autoritarisme avait été contestée par l'opposition, qui avait organisé des manifestations.

Visé par des menaces de mort, Tundu Lissu s'était alors réfugié chez des diplomates étrangers, avant de quitter le pays.

Trois ans plus tôt, en septembre 2017, il avait survécu à une tentative d'assassinat qu'il avait qualifié de politique.

Après avoir été arrêté à six reprises cette même année, sa voiture avait été criblée de balles alors qu'il s'arrêtait devant sa maison dans la capitale tanzanienne Dodoma, le touchant en 16 points.

"Tous mes membres, mes jambes, ma taille, mes bras, mon estomac ont pour ainsi dire été mis en pièces par 16 balles, et donc me raccommoder et me remettre sur pied a pris du temps", avait-il déclaré en 2020 à l'AFP avant l'élection.

- Militant des droits humains -

Né en 1968 dans un petit village du centre du pays, M. Lissu aidait, enfant, à la ferme familiale et prenait soin du bétail, tout en allant à l'école.

C'est en écoutant les informations à la radio et en lisant qu'il dit avoir pris goût à la politique.

Après des études de droit à l'université de Dar es Salaam, il s'est spécialisé dans les droits humains et le droit de l'Environnement.

Il travaille sur les questions environnementales entre 1999 et 2002 pour le groupe de réflexion américain World Resources Institute (WRI) et rejoint pendant dix ans (1999-2009) l'Equipe d'avocats d'action environnementale (LEAT), une ONG de juristes défendant les droits des communautés rurales pauvres.

"Il ne craint pas d'affronter quiconque remet en cause les droits et moyens de subsistance des habitants des campagnes", expliquait à l'AFP Peter Veit de WRI, qui a participé à la fondation de LEAT et connaît M. Lissu depuis près de 30 ans.

Le militantisme le mènera à la politique.

Ce père de deux enfants, marié à l'avocate Alicia Magabe, est élu en 2010 député de sa ville natale de Singida, avant d'être déchu en 2019 en raison de son absence du pays, et gravit les échelons au sein du principal parti d'opposition, Chadema, dont il devient le numéro 2.

Lors d'une interview accordée fin 2020 à l'AFP, depuis son exil belge, Tundu Lissu assurait qu'il n'avait pas abandonné l'espoir d'un avenir démocratique en Tanzanie."Je rentrerai", affirmait-il: "Je ne sais pas quand mais je ne peux pas rester en Europe indéfiniment".