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Sierra Leone: les proches identifient les victimes des émeutes d'août

Des proches de Sierra-Léonais tués lors de récentes émeutes contre la hausse des prix et le gouvernement sont allés les identifier lundi dans une morgue de la capitale Freetown dont le personnel a dit avoir reçu 31 corps.

AFRICA RADIO

22 août 2022 à 22h06 par AFP

Une petite foule s'est présentée à la morgue de l'hôpital Connaught après un appel en ce sens des autorités vendredi. Hawa Kamara a fait le voyage de Makeni "pour identifier le corps de (son) frère qui terminait ses études universitaires" et a été tué par balle selon elle lors des troubles dans cette ville à environ 200 km au nord-est de Freetown. Sa dépouille a été acheminée à Freetown. "Nous voulons juste que le gouvernement nous rende le corps pour que nous l'enterrions dignement dans sa ville", a-t-elle dit. Desmond Samai est lui aussi venu reconnaître un frère. "Mon frère a été tué durant la manifestation. Nous avons transporté le corps à la maison mais on nous a ensuite dit qu'il fallait le déposer à la morgue", a-t-il déclaré. "Nous avons reçu 31 corps", affirme à l'AFP un employé de la morgue, Sinneh Kamara. Cinq des défunts sont des policiers, 26 des civils, a-t-il dit. Aucun bilan officiel des émeutes n'a été publié à ce jour. - "Blessures par balles" - "La majorité des victimes portaient des marques de blessures par balles. Nous allons procéder à des autopsies avant la restitution des corps aux familles", a dit Sinneh Kamara. La capitale et d'autres villes comme Makeni et Kamakwie (nord) ont été secouées le 10 août par de violents affrontements entre forces de sécurité et jeunes manifestants protestant contre la hausse des prix et réclamant le départ du président Julius Maada Bio, élu en 2018. Les violences ont poussé les autorités à suspendre internet et à instaurer un couvre-feu, levé depuis. Un groupe accusé par le gouvernement d'être à l'origine des troubles, People's Power In Politics, établi à l'étranger, a accusé le président d'avoir engagé une campagne brutale contre l'opposition en vue des élections présidentielle et législatives de 2023. Des hommes de main ont exécuté sommairement 34 personnes, a dit le PPP ce week-end dans un communiqué, sans préciser quand cela se serait produit. Il a aussi affirmé que 320 personnes, principalement des figures ou des sympathisants de l'opposition, avaient été arrêtées depuis le 10 août. Le PPP a dit son intention d'organiser une nouvelle manifestation, à une date non-précisée. La police a admis avoir mené après le 10 août des opérations pour arrêter les auteurs de violences. Elle a admis que, lors de l'une d'elles le 14 août, un influenceur et membre du principal parti d'opposition avait été tué dans un échange de coups de feu. Le président Bio a accusé l'opposition d'avoir cherché à renverser le gouvernement. Dans un entretien diffusé par la BBC samedi, il a démenti toute exécution extrajudiciaire et défendu son gouvernement contre les accusations de violation des droits humains. Il a invoqué le contexte international pour expliquer les difficultés économiques sierra-léonaises. "Avec la hausse des prix (sur les marchés internationaux), je ne peux pas protéger les gens de ce pays. En revanche, je peux faire en sorte que nous amortissions les effets de ce qui se passe ailleurs" dans le monde, a-t-il dit en citant la levée des taxes sur le riz ou le gaz et le soutien aux importations. Malgré un sol regorgeant de diamants, la Sierra Leone est un des pays les plus pauvres au monde. L'ancienne colonie britannique et ses 7,5 millions d'habitants se remettaient encore d'une guerre civile et de l'épidémie d'Ebola de 2014-2016 en Afrique de l'Ouest quand leur économie a été durement frappée par la pandémie de Covid-19 et à présent les conséquences de la guerre en Ukraine.