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Coup de tonnerre dans "l'affaire Adesina": les Etats-Unis ont demandé une enquête indépendante au sujet d'accusations de prévarication contre le président de la Banque africaine de développement (BAD), une initiative qui remet en cause sa réélection en août pour un nouveau mandat.

Dans une lettre cinglante &agrave; l'institution panafricaine de d&eacute;veloppement, obtenue par l'AFP lundi, le secr&eacute;taire am&eacute;ricain au Tr&eacute;sor Steven Mnuchin fait part de ses "s&eacute;rieuses r&eacute;serves" au sujet de la d&eacute;cision de la BAD de blanchir son pr&eacute;sident nig&eacute;rian, Akinwumi Adesina, des graves accusations port&eacute;es contre lui par des "lanceurs d'alerte" : "comportement contraire &agrave; l'&eacute;thique, enrichissement personnel et favoritisme", entre autres.
Alors que le comit&eacute; d'&eacute;thique de la BAD avait tr&egrave;s rapidement disculp&eacute; M. Adesina - en fonction depuis 2015 -, Steven Mnuchin demande "une enqu&ecirc;te approfondie sur ces all&eacute;gations par un enqu&ecirc;teur ext&eacute;rieur ind&eacute;pendant", dans son courrier dat&eacute; du 22 mai, adress&eacute; &agrave; la pr&eacute;sidente du bureau du conseil des gouverneurs de la BAD, la ministre ivoirienne du Plan et du d&eacute;veloppement Kaba Nial&eacute;.
"Consid&eacute;rant l'&eacute;tendue, la gravit&eacute; et la pr&eacute;cision des all&eacute;gations contre le seul candidat au leadership de la Banque pour les cinq prochaines ann&eacute;es, nous pensons qu'une enqu&ecirc;te plus approfondie est n&eacute;cessaire pour que le pr&eacute;sident de la BAD b&eacute;n&eacute;ficie du soutien et de la confiance complets des actionnaires", insiste le secr&eacute;taire am&eacute;ricain au Tr&eacute;sor.
La BAD n'a pas r&eacute;agi dans l'imm&eacute;diat.
"Avec cette lettre, les Etats-Unis actent leur volont&eacute; de faire partir Adesina", seul candidat pour un nouveau mandat de cinq ans, analyse un &eacute;conomiste ivoirien.
Ancien ministre de l'Agriculture du Nigeria, Adesina, sp&eacute;cialiste du d&eacute;veloppement, avait pourtant re&ccedil;u le soutien de l'Union africaine et de la Communaut&eacute; &eacute;conomique des Etats de l'Afrique de l'Ouest pour sa r&eacute;&eacute;lection &agrave; la t&ecirc;te de la BAD, une des cinq principales banques multilat&eacute;rales de d&eacute;veloppement au monde.
La BAD compte 80 pays actionnaires (54 pays africains et 26 non africains, d'Europe, d'Am&eacute;rique et d'Asie), le premier &eacute;tant le Nigeria.Elle est la seule institution africaine cot&eacute;e triple A par les agences de notation financi&egrave;re.&nbsp;
Mais "si les Etats-Unis d&eacute;savouent Adesina, la cr&eacute;dibilit&eacute; et la r&eacute;putation de la BAD aupr&egrave;s des investisseurs internationaux&nbsp;sont remises en cause.On ne peut pas gagner un bras de fer contre les Etats-Unis", estime cet &eacute;conomiste.

- "trop de pouvoir" -

L'affaire aux allures de feuilleton a commenc&eacute; en janvier, mais n'a &eacute;t&eacute; d&eacute;voil&eacute;e publiquement qu'en avril.&nbsp;
Un groupe de "lanceurs d'alerte" anonymes se pr&eacute;sentant comme des "employ&eacute;s pr&eacute;occup&eacute;s de la BAD" dressent alors un v&eacute;ritable r&eacute;quisitoire contre leur pr&eacute;sident dans un document d'une quinzaine de pages d&eacute;taillant de multiples accusations contre M. Adesina, premier Nig&eacute;rian &agrave; diriger l'institution.
Ils lui reprochent son favoritisme dans de nombreuses nominations de hauts responsables, en particulier de compatriotes nig&eacute;rians, et d'avoir nomm&eacute; ou promu des personnes soup&ccedil;onn&eacute;es ou reconnues coupables de fraudes ou de corruption, ou encore de leur avoir accord&eacute; de confortables indemnit&eacute;s de d&eacute;part sans les sanctionner.
M. Adesina r&eacute;fute en bloc ces accusations.Un mois plus tard, la BAD lui donne raison.Affirmant "avoir proc&eacute;d&eacute; &agrave; un examen point par point de toutes les all&eacute;gations contenues dans la plainte" des lanceurs d'alerte, le Comit&eacute; d'&eacute;thique de la Banque conclut qu'elle "ne reposent sur aucun fait objectif et solide".&nbsp;
Les lanceurs d'alerte r&eacute;clament alors une enqu&ecirc;te ind&eacute;pendante.Jusqu'&agrave; ce que Washington leur embo&icirc;te le pas.&nbsp;&nbsp;
Personnage charismatique, dou&eacute; d'un excellent sens de la communication,&nbsp;Akinwumi Adesina, 60 ans, a fait conna&icirc;tre la BAD sur les march&eacute;s internationaux, permettant d'attirer des capitaux pour le d&eacute;veloppement de l'Afrique.
La BAD a ainsi r&eacute;alis&eacute; en octobre 2019 une augmentation de capital g&eacute;ante de 115 milliards de dollars, consid&eacute;r&eacute;e comme un succ&egrave;s personnel pour son pr&eacute;sident.
En avril, r&eacute;agissant promptement &agrave; l'&eacute;pid&eacute;mie de coronavirus, la BAD a annonc&eacute; la cr&eacute;ation d'un fonds de 10 milliards de dollars pour aider les pays africains.
"Mais dans sa fa&ccedil;on de g&eacute;rer la Banque, Adesina s'est fait aussi beaucoup d'ennemis", rel&egrave;ve l'&eacute;conomiste ivoirien.
"Le pr&eacute;sident a trop de pouvoir.Il nomme qui il veut.Trop de cadres sont partis depuis cinq ans", confie un cadre de la BAD sous couvert d'anonymat, en ajoutant: "Il faut une r&eacute;forme profonde pour diminuer son pouvoir".&nbsp;

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