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"Enterré vivant": en Tunisie, l'exode des médecins fragilise le secteur de la santé

Abdelwaheb, médecin urgentiste sur le front contre le Covid-19 en Tunisie, n'a pas été payé depuis des mois.A 35 ans, il se prépare à partir à l'étranger en quête de meilleures conditions de travail, comme la majorité des médecins tunisiens.

La proportion des jeunes dipl&ocirc;m&eacute;s s'exilant &agrave; la fin de leurs &eacute;tudes, principalement vers la France, l'Allemagne ou les pays du Golfe, ne cesse d'augmenter.
"En 2019 et 2020, pr&egrave;s de 80% de jeunes dipl&ocirc;m&eacute;s sont partis &agrave; l'&eacute;tranger", avertit le chirurgien Slim Ben Salah, pr&eacute;sident sortant du Conseil de l'ordre des m&eacute;decins tirant la sonnette d'alarme sur le vieillissement des m&eacute;decins dans le service public.
"Ils sont tellement d&eacute;go&ucirc;t&eacute;s, ces &eacute;lites du pays qui ont eu leur bac avec plus de 17 de moyenne, et qui se retrouvent marginalis&eacute;s par les autorit&eacute;s apr&egrave;s 10 ans d'&eacute;tudes.Mais qu'a fait l'Etat pour qu'ils restent?Moi aussi je n'en peux plus et je vais partir!", s'emporte le chirurgien.
La Tunisie continue de former chaque ann&eacute;e 800 m&eacute;decins, dont les comp&eacute;tences sont reconnues &agrave; l'international, mais les infrastructures sont d&eacute;grad&eacute;es, le mat&eacute;riel et les m&eacute;dicaments manquent et les effectifs sont parfois insuffisants, r&eacute;sultat d'une mauvaise gestion et de la corruption.
"En Tunisie je me sens enterr&eacute; vivant,"&nbsp;l&acirc;che Abdelwaheb Mghirbi, 35 ans, urgentiste dans un h&ocirc;pital public &agrave; Tunis.
Mari&eacute; depuis cinq ans, il se prive d'avoir des enfants, estimant ne pas avoir les moyens d'assumer cette responsabilit&eacute;.
"Le plus grand probl&egrave;me ici est le c&ocirc;t&eacute; mat&eacute;riel, nos salaires sont humiliants", estime-t-il.
Un m&eacute;decin interne touche 1.200 dinars (365 euros) par mois, c'est au-dessus du salaire moyen mais tout juste la moiti&eacute; du budget minimum n&eacute;cessaire &agrave; une famille avec deux adultes et deux enfants pour vivre "dignement", selon une &eacute;tude r&eacute;cente des ONG et un institut de recherche.
"C'est inacceptable et r&eacute;voltant", d&eacute;plore Abdelwaheb, d'autant que "les obligations sont l&agrave;", avec des heures suppl&eacute;mentaires en raison du manque d'effectifs dans des h&ocirc;pitaux encombr&eacute;s.

- "Anxi&eacute;t&eacute; et angoisse" -

"Mais en contrepartie, il y a z&eacute;ro droit", ajoute M. Mghirbi.Il n'a pas &eacute;t&eacute; pay&eacute; depuis son recrutement en CDD en d&eacute;cembre 2020, n'a pas de couverture sociale et travaille en l'absence d'&eacute;quipements de base pour traiter les malades.
"Je ne peux ni profiter de la vie, faute de moyens, ni travailler dans de bonnes conditions, ni faire quoi que ce soit", regrette-t-il.
Cette ann&eacute;e, s'est ajout&eacute;e la crainte que l'Etat "soit incapable de nous payer".
La sant&eacute; repr&eacute;sente 6% du budget de l'Etat, et la Tunisie recherche toujours des fonds pour financer l'exercice 2021, d'autant que les dirigeants peinent &agrave; s'entendre sur un plan de r&eacute;formes r&eacute;clam&eacute; par les bailleurs internationaux.
"A un certain moment, tu te dis +mais qu'est ce que je suis en train de faire?+", se d&eacute;sesp&egrave;re Abdelwaheb.Pour lui, "la situation en Tunisie est devenue une source d'anxi&eacute;t&eacute; et d'angoisse".
Les querelles politiques, les tensions sociales et les difficult&eacute;s &eacute;conomiques participent au climat "&eacute;touffant" du pays, souligne le m&eacute;decin.
"Je ne vois plus d'espoir ici, je veux partir pour avoir un meilleur moral", explique-t-il, lui qui a d&eacute;j&agrave; eu plusieurs offres et pr&eacute;pare ses papiers pour l'&eacute;tranger.

- Mal-&ecirc;tre -

Signe du mal-&ecirc;tre des m&eacute;decins: des manifestations ont &eacute;clat&eacute; en d&eacute;cembre 2020, apr&egrave;s la mort accidentelle d'un chirurgien interne de 27 ans en raison d'un ascenseur d&eacute;faillant dans un h&ocirc;pital d'une r&eacute;gion d&eacute;favoris&eacute;e du nord-ouest du pays.
Une &eacute;tude publi&eacute;e en 2020 par un jeune doctorant en m&eacute;decine souligne que l'exode de comp&eacute;tences touche tous types de m&eacute;decins et cadres param&eacute;dicaux, accentuant les carences "en particulier dans les r&eacute;gions les moins d&eacute;velopp&eacute;es".
Les pays embauchant du personnel avec de telles comp&eacute;tences "profitent gratuitement d'un capital humain tr&egrave;s qualifi&eacute;," d&eacute;plore Ahlem Belhaj, secr&eacute;taire g&eacute;n&eacute;rale du syndicat des m&eacute;decins.
"Ce flux nous interpelle", reconna&icirc;t le directeur g&eacute;n&eacute;ral de la Sant&eacute;, Fay&ccedil;al Ben Salah, &eacute;valuant le co&ucirc;t total de formation d'un m&eacute;decin &agrave; plus de 150.000 dinars (46.000 euros).
L'&eacute;migration des cerveaux peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme une "exportation des services, mais il faut que cela soit contr&ocirc;l&eacute; pour que l'Etat et le peuple s'y retrouvent", souligne-t-il, appelant &agrave; organiser ces migrations par des conventions entre Etats.

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