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Ouganda: HRW demande la fermeture de lieux illégaux de détention et de torture

Human Rights Watch (HRW) a demandé mardi au gouvernement ougandais la fermeture des centres de détention illégaux utilisés par les services de sécurité pour réprimer l'opposition, dans un rapport documentant la torture pratiquée dans ces sites clandestins.

AFRICA RADIO

22 mars 2022 à 12h51 par AFP

Kampala (AFP)

L'ONG a recueilli les témoignages de 51 personnes, dont 34 anciens détenus et témoins d'enlèvement, qui ont décrit les abus dont ils ont été victimes entre les mains de la police, de l'armée et des services de renseignement (ISO) entre avril 2019 et novembre 2021.

Cette période a notamment été marquée par une féroce répression au moment des élections de janvier 2021, qui ont vu le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, réélu au terme d'un scrutin qualifié de "mascarade" par l'opposition.

Selon HRW, une grand nombre de ces victimes sont toujours portées disparu.

"Human Rights Watch appelle le gouvernement ougandais à fermer immédiatement toutes les prétendues maisons sécurisées et centres de détention non autorisés", écrit HRW, demandant de "libérer toutes les personnes détenues (...) ou de les traduire sans délai devant un tribunal pour qu'elles soient inculpées d'une infraction reconnue par la loi".

Les victimes interrogées - membres de l'opposition, sympathisants ou simples manifestants - racontent leur arrestation chez eux, sur leur lieu de travail ou dans la rue, embarqués dans des fourgons sans plaque d'immatriculation surnommés les "drones".

Elles affirment avoir été détenues arbitrairement dans des lieux secrets supervisés par l'ISO, dont un site baptisé "Base One" en périphérie de la capitale Kampala et un autre sur l'île de Lwamayuba, sur le lac Victoria.

- "Pas là demain" -

Ces victimes disent avoir été brutalisées et torturées, notamment selon une technique baptisée "Rambo" consistant à suspendre les détenus au plafond durant une douzaine d'heures avec des chaînes autour du cou, de la taille et des genoux.

Certaines affirment avoir eu des ongles arrachés, été brûlées au fer à repasser, avoir subi décharges électriques, injections de substances inconnues ou violences sexuelles, ou encore avoir vu des détenus avec des briques accrochées aux testicules.

"Ce qui se passe dans les maisons sécurisées n'est pas un film, c'est réel", a lancé mardi lors d'une conférence de presse organisée par HRW Hassan Mutyaba, homme d'affaires qui a été détenu huit mois dans un de ces sites.

"La plupart de mes collègues ont eu peur de venir" témoigner, a-t-il ajouté: "Allons-nous survivre ? Nous n'allons pas survivre.Aujourd'hui, je suis là mais je ne serai pas là demain parce que j'ai parlé".

- Impunité -

"Des mesures urgentes sont nécessaires pour aider les victimes, tenir pour responsables les agents de sécurité auteurs d'abus et mettre fin à ce spectre d'impunité et d'injustice", a déclaré Oryem Nyeko, chercheur sur l'Ouganda au sein de l'ONG.

Dans un rapport de février 2020, le comité des droits de l'homme du Parlement ougandais avait signalé des cas de détention illégale et torture dans des centres non officiels.Ses demandes d'investigation sont restées lettre morte, selon HRW.

Ces dernières années ont été marquées en Ouganda par une répression accrue contre les journalistes, des incarcérations d'avocats ou le musellement de dirigeants de l'opposition. 

Début février, l'écrivain et opposant Kakwenza Rukirabashaija a fui en Allemagne, expliquant devoir suivre des soins après avoir été torturé en détention.Il avait été arrêté fin décembre, puis inculpé de "communication offensante" envers le président Museveni et son fils pour une série de tweets. 

Le Trésor américain a sanctionné en décembre le patron des services de renseignement militaires, le général de division Abel Kandiho, pour son implication présumée et celle de ses services dans de graves violations des droits de l'homme, notamment des "passages à tabac", des "agressions sexuelles" et "électrocutions".

Le général Kandiho a été nommé en février à la tête de la police nationale par le président Museveni.