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Somalie: le président retire au Premier ministre ses "pouvoirs exécutifs"

Le président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed a retiré jeudi "les pouvoirs exécutifs" du Premier ministre Mohamed Hussein Roble, dans un nouvel épisode de tension entre les deux hommes qui fragilise ce pays déjà confronté à une impasse électorale et à une insurrection jihadiste.

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16 septembre 2021 à 17h51 par AFP

Mogadiscio (AFP)

"Le Premier ministre a violé la Constitution de transition de sorte que ses pouvoirs exécutifs lui sont retirés (...), notamment ses pouvoirs de destitution et/ou de nomination de dirigeants jusqu'à ce que les élections aient eu lieu", affirme un communiqué du bureau du président, plus connu sous le surnom de Farmajo. 

Le chef de l'Etat justifie sa décision par le fait que le Premier ministre a pris "des décisions imprudentes pouvant ouvrir la voie à l'instabilité politique et sécuritaire", et qu'il n'a procédé à "aucune consultation et collaboration avec le président".

Les deux hommes, qui nourrissent des relations tendues depuis plusieurs mois, se sont opposés à deux reprises ces dix derniers jours au sujet de limogeages et de nominations à des postes cruciaux de l'appareil sécuritaire.

Le 5 septembre, Mohamed Roble avait limogé le chef de l'Agence des services de renseignements et de sécurité (Nisa) Fahad Yasin, un intime de Farmajo, pour sa gestion de l'enquête sur la disparition inexpliquée d'une de ses agentes, Ikran Tahlil. 

Le président avait annulé cette décision "illégale et inconstitutionnelle", puis nommé un remplaçant de son choix après avoir promu Fahad Yasin comme conseiller à la sécurité nationale.

La semaine dernière, après avoir accusé le président d'"entraver" l'enquête et jugé que ses décisions constituaient une "menace existentielle dangereuse" pour le pays, le Premier ministre avait remplacé le ministre de la Sécurité.Le président avait également jugé cette décision non conforme à la Constitution.

Des responsables politiques s'étaient ensuite employés à désamorcer les tensions entre les deux dirigeants, sans succès.

- Rivalité ouverte- 

"Les factions somaliennes jouent avec le feu", mettait en garde le centre de réflexion International Crisis Group (ICG) dans un rapport publié mardi, face à l'escalade entre Farmajo et Roble.

Elu en 2017, Farmajo a vu son mandat expirer le 8 février sans avoir pu s'entendre avec les dirigeants régionaux sur l'organisation d'élections, déclenchant une grave crise constitutionnelle.

L'annonce mi-avril de la prolongation de son mandat pour deux ans avait provoqué des affrontements armés à Mogadiscio, ravivant le souvenir des décennies de guerre civile qui ont ravagé le pays après 1991.

M. Roble, nommé en septembre 2020, occupe le centre de la scène politique depuis que Farmajo l'a chargé en mai d'organiser ces élections très sensibles.

Le Premier ministre est parvenu à un accord sur un calendrier électoral, avec pour horizon initial une élection du président le 10 octobre.

Ce processus a déjà pris du retard.La désignation des membres de la Chambre basse, dernière étape avant l'élection du chef de l'Etat selon le complexe système électoral indirect somalien, doit désormais se tenir entre le 1er octobre et le 25 novembre.

Mohamed Roble a assuré dimanche à des diplomates de l'ONU que les élections se dérouleraient "comme prévu".

- "Désigner les saboteurs" -

Le processus apparaît cependant en grand danger.

Soulignant que le Premier ministre bénéficie du soutien de plusieurs hommes politiques, notamment de l'opposition, l'ICG estimait mardi que "se débarrasser de Roble (...) ruinerait probablement l'accord sur lequel sont basées les élections".

"Les affrontements coup pour coup entre ses deux plus hauts dirigeants risquent de bouleverser le peu de stabilité dont le pays a joui, tout en détournant les hommes politiques d'autres priorités", ajoutait l'ICG, en appelant les partenaires et bailleurs de fonds de la Somalie à "désigner publiquement les saboteurs, les menacer de sanctions s'ils ne changent pas de cap et préparer des mesures ciblées".

L'impasse électorale et cette énième crise au sommet de l'Etat détournent également l'attention de l'insurrection jihadiste shebab qui secoue le pays depuis 2007.

Evincés de Mogadiscio en 2011, les shebab contrôlent toujours de vastes zones rurales du pays et mènent régulièrement des attentats dans la capitale.