Saluant la reddition surprise du général rebelle congolais Bosco Ntaganda lundi à l'ambassade américaine au Rwanda, la CPI cherchait mardi à obtenir son transfert "immédiat" à La Haye afin de le juger pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis dans l'est de la République démocratique du Congo en 2002 et 2003.
"La CPI salue la nouvelle de la reddition de Bosco (Ntaganda, ndlr), c'est une grande nouvelle pour le peuple de RDC qui a souffert des crimes d'un fugitif de la CPI pendant trop longtemps", a indiqué le bureau du procureur de la Cour pénale internationale dans un courriel à l'AFP.
Les autorités rwandaises et américaines avaient en effet annoncé lundi que M. Ntaganda s'était rendu à l'ambassade américaine à Kigali, et avait spécifiquement demandé à être transféré à la CPI.Washington est en contact avec la CPI et Kigali, selon la porte-parole du département d'Etat américain Victoria Nuland.
"Nous contacterons les autorités compétentes dans la région afin de faciliter son transfert immédiat", a ajouté le bureau du procureur : "notre position a toujours été et continue d'être qu'il doit être remis à la CPI aussi tôt que possible".
Bosco Ntaganda, âgé d'environ 40 ans, fait l'objet de deux mandats d'arrêts de la CPI pour des meurtres, viols, pillages et enrôlements d'enfants-soldats, notamment, commis par les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) dans l'est de la RDC en 2002 et 2003, mais pas pour d'autres crimes ultérieurs allégués, notamment dans les Kivus (est de la RDC).
Réputé sans pitié et surnommé "Terminator", il a "planifié et commandé de nombreuses attaques militaires coordonnées contre les populations Lendu et autre tribus non-Hema" dans le but de les exclure du territoire de l'Ituri et de les "éliminer", selon le procureur de la CPI, cité dans le mandat d'arrêt délivré contre M. Ntaganda.
Le modus operandi des FPLC consistait à encercler un village et de le bombarder à l'artillerie lourde avant de l'attaquer, tuer "ceux perçus comme des ennemis" à l'aide de machettes, armes à feu et couteaux, piller puis brûler le village en question et enlever les femmes pour les violer, selon le document.
En conséquence, au moins 800 civils ont été tués et plus de 140.000 autres déplacés, selon la même source.
La ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo a assuré mardi matin à l'AFP ne pas avoir à se mêler de l'éventuel transfert de M. Ntaganda à la CPI, estimant que "cette affaire est entre les Etats-Unis qui détiennent le suspect, la RDC - pays de nationalité du suspect - et la CPI qui recherche le suspect".
Contrairement à la RDC, le Rwanda et les Etats-Unis ne sont pas signataires du Statut de Rome, traité fondateur de la CPI.En conséquence, aucun de ces deux pays n'ont obligation de coopérer avec la CPI.
Mais, comme le rappelle l'ONG Human Rights Watch dans un communiqué, "les Etats-Unis ont depuis plusieurs années appelé à l'arrestation de Ntaganda et son transfert à la CPI".
"Pendant plus d'une décennie, Bosco Ntaganda a mené des troupes qui ont tué, violé et pillé à travers l'est du Congo", a déclaré Ida Sawyer, de HRW, citée dans le communiqué : "la présence de Ntaganda dans les docks pour une procès juste et crédible enverrait un message fort aux autres auteurs (de crimes, ndlr)".
En novembre, la procureure de la CPI Fatou Bensouda avait estimé que Bosco Ntaganda était l'un des "principaux instigateurs de l'instabilité qui prévaut sur l'ensemble de la région des Grands Lacs" et qu'il fallait l'arrêter "impérativement".
Après avoir été le chef d'état-major adjoint des FPLC, la milice de Thomas Lubanga, condamné par la CPI à 14 ans de prison en 2012, il avait rejoint une rébellion tutsi congolaise.
Bosco Ntaganda avait ensuite été intégré comme général dans l'armée congolaise avant de faire défection au printemps 2012.Il était depuis accusé par de nombreux experts de jouer un rôle au sein de la rébellion du M23.
Kinshasa avait affirmé dimanche que Bosco Ntaganda avait franchi la frontière rwandaise dans la foulée de centaines de combattants de sa faction, mise en déroute.
On ne connait rien des circonstances qui ont mené Ntaganda jusqu'à l'ambassade américaine, en plein coeur de la capitale rwandaise, distante d'une centaine de kilomètres dans un pays ultra-sécurisé.
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