Les pèlerins juifs ont commencé à arriver vendredi à la Ghriba, la plus ancienne synagogue d'Afrique sur l'île de Djerba dans le sud de la Tunisie, avec l'espoir que l'édition 2013 de ce rituel en marque la renaissance malgré l'instabilité du pays depuis la révolution de 2011.
Le pèlerinage, marqué par deux processions, l'une dans l'après-midi et l'autre dimanche, a été placé sous haute sécurité par le gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda, afin de prévenir tout débordement, le pays ayant connu des troubles orchestrés par des groupuscules extrémistes ces deux dernières années.
La Ghriba elle-même, endeuillée par un attentat d'Al-Qaïda en 2002, est protégée par une quinzaine de véhicules de l'armée et des barrages de la police surveillent les quartiers juifs alentour ainsi que la route reliant l'aéroport à la zone touristique.
Cet important dispositif tout en étant relativement discret satisfait les pèlerins comme les organisateurs qui espèrent accueillir entre 1.000 et 1.500 visiteurs d'ici dimanche, dont quelque 500 étrangers et notamment, pour la première fois depuis 2010, quelque dizaines d'Israéliens.
Avant la procession, les fidèles se couvrent la tête et se déchaussent pour défiler dans la synagogue, y allument un cierge et avalent une gorgée de Boukha (alcool de figue local) en recevant la bénédiction des rabbins.
"Grâce à Dieu, cette année tout est comme il faut, pas comme les deux précédentes.J'étais venu mais par solidarité et il n'y avait pas vraiment de festivités", raconte Meyer Sabbagh, 63 ans, promoteur immobilier à Paris qui a quitté Djerba en 1973 après la guerre israélo-arabe.
"Il y a des flics cette année comme il faut, c'est magnifique.Il y en a une bonne douzaine à l'entrée du quartier.Mon cousin est même venu d'Israël et ma mère aurait bien voulu aussi mais elle est fatiguée", poursuit-il.
Le monde attendu reste loin des quelque 8.000 personnes venant avant l'attentat de 2002 et des 3.000 visiteurs participant aux festivités avant la révolution ayant renversé Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011.
Friza Haddad, dit "Micha", chanteur aux cérémonies à la Ghriba, veut aussi croire en l'avenir du pèlerinage, d'autant que juifs et musulmans ont toujours vécu en harmonie sur cette île méditerranéenne.
"Ici il n'y a pas de problème, on vit en communauté.Là, il y a des juifs, là des musulmans, il n'y a jamais de problèmes.Mais c'est seulement à Djerba que ça se passe bien, et les deux dernières années ont été difficiles ailleurs", explique le vieil homme.
En effet, les slogans antisémites lors de manifestations salafistes en 2011 et 2012 à Tunis ont choqué la petite communauté, tandis qu'un imam ayant appelé ouvertement à un "génocide divin" des juifs n'a jamais été sanctionné.
Michel Zucchero, un chrétien venu avec des amis juifs et musulmans, explique cette démarche par le souhait de voir la Tunisie se stabiliser, loin des batailles politiques, des conflits religieux et sociaux qui agitent le pays.
"Nous sommes de confessions juive, chrétienne et musulmane et nous sommes venus dans le même but: effectuer le pèlerinage, faire des voeux dans le contexte difficile actuel car il est indispensable que toutes les religions du livre se respectent", dit-il.
Le pèlerinage avait été suspendu en 2011 en raison des troubles que connaissait la Tunisie dans la foulée de la révolution.Il a timidement repris en 2012 et aucun incident n'y a été enregistré.
Organisé chaque année au 33e jour de la Pâque juive, ce rituel est au coeur des traditions des juifs de Tunisie, une communauté qui s'est réduite à environ 1.500 âmes, contre cent mille en 1956 avant l'indépendance.
Une des légendes fait remonter l'origine de la Ghriba à la destruction à Jérusalem du temple de Salomon, lorsque, fuyant la Palestine, des juifs se réfugièrent à Djerba et y établirent une synagogue en 586 avant JC.
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