Une exposition née d’un voyage et d’un besoin de transmission
L’exposition Entre les silences, nous tissons est née d’un voyage collectif en Algérie, effectué en décembre 2022 par des membres de l’association Jeunesses et Mémoires Franco-Algériennes. À Alger et Oran, ils rencontrent plusieurs artistes du collectif Tilawin, aujourd’hui exposés à Paris. De ces échanges émerge l’envie de créer un espace artistique dédié à la transmission intergénérationnelle. « On avait envie de proposer une exposition qui puisse parler de la transmission intrafamiliale et intergénérationnelle, mais pas uniquement sur l’histoire de l’Algérie", explique Alma Bensaïd. "Il s’agissait aussi de parler plus largement des mémoires diasporiques et de ce que cela signifie, aujourd’hui, pour des jeunes de la troisième génération en France, de se construire avec ce double héritage culturel. » Le titre de l’exposition évoque ce travail patient : tisser des récits là où dominent les absences, les non-dits et les fragments de mémoire.

Yaziame, Woman with A, 2021
Un projet politique et générationnel
Pour l’association, porter ce projet en 2025 relève d’une nécessité à la fois culturelle et politique. Alma Bensaïd rappelle que près de 39 % des jeunes âgés de 18 à 35 ans ont un lien familial avec l’histoire coloniale et post-coloniale franco-algérienne. « Cela montre que ce n’est pas seulement une histoire intime, mais profondément politique ", souligne-t-elle. "Or aujourd’hui, il n’existe pas de programme obligatoire dans l’éducation nationale sur l’histoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie. Les jeunes ressentent un manque réel dans la transmission de cette histoire. »
Face à cette carence institutionnelle, l’art devient un outil de médiation. L’exposition ambitionne de créer un espace accessible, sensible, où chacun peut s’approprier ces récits complexes sans passer uniquement par le registre du débat polémique.

Maya Inès Touam, crédit : Cyrille Varlet
Les silences familiaux et les silences de l’État
Au cœur de l’exposition, il y a les « silences » : ceux qui traversent les familles comme ceux qui structurent le récit national. Alma Bensaïd distingue deux niveaux. Les silences familiaux, d’abord, liés à des trajectoires marquées par l’exil, la violence ou la désillusion. « Beaucoup de personnes nous parlent d’une rupture dans la transmission, par exemple de la langue arabe, que leurs parents n’ont pas transmise, ou de silences autour des conditions d’arrivée en France », explique-t-elle. À ces absences s’ajoutent les silences étatiques et politiques. « L’histoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie apparaît en France par fragments, souvent à travers des polémiques, mais jamais comme un récit continu, jamais comme un récit national, alors qu’elle fait pleinement partie de notre histoire collective. »

Cindy Bannani, crédit : Yanis Belhadia
Des artistes, majoritairement des femmes, pour déconstruire les héritages coloniaux
L’exposition réunit 7 artistes contemporains, dont une majorité de femmes, et le collectif Tilawin. Un choix qui n’est pas anodin. Plusieurs œuvres interrogent directement l’imaginaire colonial et la représentation des femmes arabes. « Il y a une volonté très forte de déconstruire l’imagerie coloniale, faite de fantasmes et d’exotisation”, explique Alma Bensaïd. "Ces artistes cherchent à redonner aux femmes une dignité, une fierté et un courage qui leur ont été refusés dans les représentations coloniales. »
Cartes postales orientalistes, figures féminines dénudées ou fantasmées, clichés hérités d’un regard colonial masculin et occidental : autant d’images que les artistes revisitent, détournent ou refusent. « Il s’agit aussi de refuser cette assignation, de ne plus être enfermées dans ces représentations héritées », souligne la commissaire.
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Zohra Hassani, crédit : Yanis Belhadia
Un espace pour tisser des récits communs
Avec “Entre les silences, nous tissons”, l’association Jeunesses et Mémoires Franco-Algériennes propose bien plus qu’une exposition : un lieu de dialogue entre générations, mémoires et identités. À travers les œuvres, les silences deviennent matière, les fragments se relient, et un récit pluriel commence à se dessiner — loin des simplifications, au plus près des expériences vécues.

El Mehdi Largo, crédit : Cyrille Varlet
102 BD Diderot, Paris 12e
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