En poste depuis 2014, M. Essebsi est le premier président élu démocratiquement au suffrage universel de la Tunisie moderne, l'unique pays rescapé du Printemps arabe.Mais, à 92 ans, il est aussi le plus vieux chef d'Etat au monde, après la reine d'Angleterre Elizabeth II.
Après des mois de spéculation, l'ancien ministre de l'Intérieur de Habib Bourguiba dans les années 1960, a lâché une phrase lourde de sens le week-end dernier, lors du congrès de Nidaa Tounès, parti qu'il avait créé en 2012 dans le sillage de la révolution.
"En toute honnêteté, je ne pense pas que je vais me représenter", a-t-il lancé devant des partisans rassemblés à Monastir (est).
L'âge du président faisait planer de longue date un sérieux doute sur la perspective d'un second mandat --la Constitution de 2014 n'en prévoit pas un de plus.
Lors de sa prise de parole à Monastir, M. Essebsi a lui-même noté vouloir "ouvrir la porte aux jeunes".
- "Effet Bouteflika" -
Mais cette annonce prend une dimension particulière après la démission forcée, en Algérie voisine, du président Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril, sous la pression populaire.
Cela "montre qu'il veut sortir de la grande porte et ne pas avoir à subir le sort de Bouteflika", avance la journaliste politique, Assia Atrous.
"Il y a un effet Bouteflika", confirme à l'AFP Chokri Bahria, du laboratoire d'idées tunisien Joussour.
Dans un pays connu pour la vivacité de sa société civile, et son héritage révolutionnaire, le président sortant a "fait le constat qu'il n'avait quasiment aucune chance d'être réélu", ajoute-t-il.
Se représenter aurait qui plus est constitué un pari risqué au regard de l'émiettement de Nidaa Tounès, parti miné par le choc des ambitions.
Dans son discours samedi, Béji Caïd Essebsi a admis ces difficultés, et appelé à un rassemblement de "toutes les forces centristes", par opposition au parti d'inspiration islamiste Ennahdha --sur la droite-- et aux petites formations de gauche.
Après plusieurs mois de passes d'armes, il a surtout tendu la main à son Premier ministre Youssef Chahed, dont il a plaidé la réintégration dans le parti.
Jusqu'à son éviction en septembre dernier, M. Chahed, plus jeune Premier ministre (43 ans) de l'histoire moderne du pays, était au centre d'âpres luttes de pouvoir l'opposant notamment à...Hafedh Caïd Essebsi, le propre fils du chef de l'Etat.
Depuis, les partisans de Youssef Chahed ont lancé fin janvier leur propre formation, Tahia Tounès, d'ores et déjà devenue la deuxième force au Parlement derrière Ennahdha.
- "Tutelle" Ennahdha -
A Monastir, Hafedh Caïd Essebsi est resté stoïquement assis, en silence, durant le meeting d'ouverture du congrès, puis a assuré à des médias locaux qu'il était prêt à soutenir une réintégration de Youssef Chahed.
Et le gel de l'adhésion de M. Chahed à Nidaa a finalement été levé lundi.
Mais il reste à savoir comment ce dernier réagira.
Fin mars, le Premier ministre n'avait pas donné suite à une première main tendue par Béji Caïd Essebsi.
A ce jour, il a toutefois pris soin de garder ses distances publiquement avec Tahia Tounès, au sein duquel il n'a aucune fonction officielle.
Et signe qu'un rapprochement séduit, des photos des deux hommes ensemble ont été partagées sur la page Facebook du Premier ministère, ainsi que sur une importante page de soutien à Youssef Chahed.
Face à Ennahdha, plus structuré et qui a montré sa résilience lors des municipales de 2018, "la nécessité de mettre de côté les querelles d'égo s'impose", argue Chokri Bahria.
Pour Nidaa Tounès, un retour de Youssef Chahed viendrait combler un vide: machine électorale critiquée pour son opacité, ce parti compte beaucoup d'ambitieux mais peu de dirigeants rassembleurs: les seules figures à l'honneur durant le congrès ont été M. Essebsi et Habib Bourguiba.
En réintégrant Nidaa Tounès, Youssef Chahed, lui, hériterait d'"un fonds de commerce et des relais locaux hérités du RCD", l'ex parti du dictateur déchu Zine el Abidine Ben Ali, note encore l'expert de Joussour.
"Un rapprochement lui permettrait aussi de se positionner plus clairement en s'affranchissant de la tutelle d'Ennahdha", dont le soutien est actuellement crucial pour son gouvernement mais qui va devenir un paradoxe de plus en plus difficile à gérer à l'approche de l'élection, poursuit M. Bahria.
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