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Afrique du Sud: criminalité élevée, justice à bout de souffle

Une star de foot froidement abattue.Des émeutes qui font plus de 350 morts.Un incendie soupçonné d'être criminel au Parlement: des crimes présumés qui font la Une en Afrique du Sud mais face auxquels le système judiciaire est à la peine.

AFRICA RADIO

27 janvier 2022 à 14h36 par AFP

Johannesburg (AFP)

A la radio, dans les journaux, le pays qui détient un des taux de criminalité les plus élevés au monde débat ouvertement de l'incapacité des institutions à poursuivre ses criminels. 

Après l'incendie qui a dévasté le Parlement le 2 janvier, un suspect a rapidement été arrêté.Selon l'enquête, l'homme est resté des heures sur les lieux avant de se faire repérer par la sécurité.

A-t-il agi seul ? A-t-il été manipulé pour attaquer un symbole de la démocratie ? Comment une telle faille de sécurité dans un bâtiment stratégique est-elle possible ? De nombreuses questions pour l'instant sans réponse.

Dans la lutte contre la corruption qui a gangréné l'Etat sous la présidence de Jacob Zuma (2009-2018), le système judiciaire fait aujourd'hui preuve d'une indépendance farouche et remplit son rôle de veille envers l'exécutif. 

En juillet, la Cour constitutionnelle a prononcé une peine de prison ferme contre M. Zuma pour avoir refusé de témoigner devant une commission anti-corruption.Le leader charismatique a dû se plier à cette décision. 

Mais la vague de violences et de pillages qui a suivi, sans doute déclenchée par les fidèles soutiens de l'ancien président, a jeté une lumière crue sur les faiblesses du système: le renseignement n'a rien vu, la police a été dépassée, plus de 350 personnes sont mortes. 

Six mois plus tard, seules huit personnes ont comparu devant la justice, selon l'unité d'élite de la police, les Hawks. 

"Les gens sont persuadés qu'ils peuvent s'en tirer", explique une source policière à l'AFP."Ils pensent que la police est incapable d'enquêter sur les affaires et les traduire en justice".

Après les émeutes, le président Cyril Ramaphosa a supprimé le ministère de la Sécurité d'Etat et placé les services de renseignement sous son autorité.

- "Capture d'État" -

Avant d'accueillir la Coupe du monde de foot en 2010, l'Afrique du Sud avait pourtant investi dans le maintien de l'ordre, parvenant à faire baisser la criminalité, selon l'Institut d'études de sécurité (ISS) basé à Pretoria.

Mais entre 2012 et 2020, les meurtres ont augmenté de 37%, souligne Gareth Newham de l'ISS: "Les résultats du système pénal se sont considérablement affaiblis depuis 2009, quand Jacob Zuma est devenu président". 

Au cours de cette période, le budget police a augmenté de 65% mais il a surtout couvert les augmentations de salaire des agents.Les effectifs de la police ont diminué de 6%, les réservistes ont diminué de 77%, selon M. Newham.Et l'ex-président a systématiquement placé des proches à la tête de la police, au ministère public et au renseignement.

Le degré de corruption était si élevé que les Sud-Africains appellent le phénomène "capture d'État"."Entre 2009 et 2018, si vous faisiez partie d'une organisation criminelle impliquée dans la capture d'État, vous pensiez pouvoir vous en tirer à bon compte", explique Guy Lamb, politologue à l'université de Stellenbosch.

Cette période a aussi été marquée par des affaires retentissantes, comme le meurtre de Senzo Meyiwa, capitaine de l'équipe nationale de foot, abattu au domicile de sa petite amie en 2014.

À l'époque, la police a conclu à un vol qui aurait mal tourné.Les autorités soupçonnent aujourd'hui un meurtre commandité.Huit ans plus tard, l'affaire n'est toujours pas résolue.Le tueur à gages présumé, condamné mardi pour d'autres meurtres, n'a toujours pas été jugé.

Le retard de la justice à traiter les dossiers est en partie dû à un manque de personnel, explique M. Lamb.Le parquet négocie des bras supplémentaires et des moyens, mais dans un pays en récession déjà avant la crise du Covid, les caisses sont vides.