Nigeria: élection dans le sud-est, un test grandeur nature avant la présidentielle

Les électeurs de l'État d'Anambra, dans le sud-est du Nigeria, se rendent aux urnes samedi dans le cadre d'un scrutin sous haute tension avant les élections présidentielles prévues dans 18 mois.

AFRICA RADIO

5 novembre 2021 à 21h06 par AFP

Awka (Nigeria) (AFP)

Plus de 30.000 policiers ont été déployés dans cet Etat situé dans une région où un mouvement séparatiste est accusé d'avoir orchestré une série d'attaques contre des membres des forces de l'ordre et des bureaux de la commission électorale.

Selon des analystes, l'organisation du vote et le taux de participation donneront le ton avant le scrutin présidentiel de 2023 dans le pays le plus peuplé d'Afrique (210 millions d'habitants) en proie à une insécurité généralisée, entre insurrections, conflits, et enlèvements de masse contre rançon qui se multiplient sur le territoire.

L'un des trois favoris dans la course pour devenir gouverneur, l'ancien directeur de la Banque centrale du Nigeria Charles Chukwuma Soludo, a échappé à la mort à deux reprises cette année.

En mars, des hommes armés ont ouvert le feu à la fin de son discours, lors d'une rencontre avec les populations locales.Quelques mois plus tard, des malfrats à moto ont de nouveau tenté de l'abattre pendant un meeting.

Les élections au Nigeria sont régulièrement émaillées de violences, de plaintes pour fraude et de contestations judiciaires depuis le retour à la démocratie en 1999, après des décennies de régime militaire.

- "Prélude à 2023" -

M. Soludo, ancien professeur d'économie, se présente comme candidat de la Grande alliance des progressistes (APGA), parti politique qui gouverne l'État d'Anambra depuis plus de 10 ans.

Jusqu'alors incontestée, cette domination est aujourd'hui remise en cause par le parti du président Muhammadu Buhari, le Congrès des progressistes (APC), et le principal parti d'opposition, le Parti démocratique populaire (PDP).Pourtant, aucun favori n'a émergé jusque-là.

La Commission électorale nationale indépendante (INEC) assure faire tout son possible pour que le scrutin d'Anambra soit équitable et crédible, malgré des difficultés liées à l'enregistrement des électeurs et le transfert électronique des résultats. 

"Cela mettra à l'épreuve notre détermination et notre volonté de mener des élections dans des circonstances difficiles", a déclaré Festus Okoye, commissaire national de l'INEC.

"L'honnêteté et l'engagement de l'arbitre électoral (commission, ndlr) sont essentiels.J'ai confiance", a dit M. Soludo à l'AFP."Ce sera un prélude à 2023".

Après les deux mandats du président Buhari, originaire du nord, le débat s'intensifie dans les rangs de l'APC et du PDP pour déterminer de quelle région seront issus leurs futurs candidats.Au Nigeria, un accord  informel du Nigeria prévoit en effet une rotation de la présidence entre nord et sud.

- "Les gens viendront voter" -

Dans le sud-est, les attaques imputées au Mouvement indépendantiste pour les peuples indigènes du Biafra (Ipob) ainsi que des manifestations répétées des séparatistes contre l'arrestation de leur chef, ont provoqué à plusieurs reprises la fermeture des marchés et des commerces depuis le début de l'année.

De son côté, l'Ipob nie toute implication dans les violences et a appelé les habitants à aller voter pour le prochain gouverneur d'Anambra. 

Mais dans le marché central d'Awka, la capitale régionale, certains commerçants craignent toujours les violences et les rues étaient désertes à la veille du scrutin.

"Tu ne sais pas ce qui va t'arriver si tu vas voter", a insisté Kingsley, l'un d'entre eux. 

"La peur est présente (...) nous devons penser à notre sécurité d'abord", a renchéri Joseph, employé d'une station-service, dont le commerce est resté fermé.

Jeudi, les candidats ont signé un accord de paix visant à respecter les résultats de samedi et ainsi éviter toute violence.

Selon un sondage réalisé en octobre par le cabinet de conseil nigérian SBM Intelligence, 68% des électeurs d'Anambra affirment qu'ils n'iront pas voter, plus de la moitié d'entre eux citant notamment l'insécurité.

"Cela va sans dire que la sécurité sera un enjeu dans 18 mois" pour la présidentielle, explique un chercheur de SBM Cheta Nwanze.

Muhammadu Buhari, élu une première fois en 2015, puis réélu en 2019, termine son deuxième mandat sous le feu de critiques, en raison de l'incapacité des forces de sécurité à à mettre fin aux violences dans le pays.

En chantant devant la foule lors d'un rassemblement à Awka, le candidat de l'APC et sénateur Andy Uba a balayé les inquiétudes concernant l'apathie des électeurs.

"L'Anambra va aller de l'avant, et les gens viendront voter", a-t-il déclaré.