À la rencontre des "Afrogameuses" qui veulent changer les règles dans le milieu du jeu vidéo

Actus. Depuis cinq ans, l’association Afrogameuses milite pour une meilleure représentation des minorités dans l’industrie des jeux vidéo et lutte contre le cyberharcèlement. Elle est aussi devenue un espace d’entraide pour tous ceux qui sont passionnés de cet univers, parfois impitoyable.

À la rencontre des "Afrogameuses" qui  veulent changer les règles dans le milieu du jeu vidéo
Depuis cinq ans, l’association Afrogameuses milite pour une meilleure représentation des minorités dans l’industrie des jeux vidéo et lutte contre le cyberharcèlement. Elle est aussi devenue un espace d’entraide pour les passionnés de cet univers - Keisha Mougani / Africa Radio

Depuis qu’elle a rejoint l’association Afrogameuses il y a un an, Anne-Laure Mbala Nzinga, 24 ans, se plaît à assister à  ses événements. Ce dernier vendredi de mai, après une journée de travail, la graphiste freelance s’est rendue directement au Quartier Jeunes, près du musée du Louvre, pour participer à la soirée mensuelle.

Là, adhérents et curieux se retrouvent autour d’un goûter et surtout pour jouer. Différents types joueurs et joueuses se côtoient, de l'amoureux de jeux vidéos au passionné de jeux de société.

« J’ai toujours été une gameuse chill. J'aime les jeux où je peux avancer à mon rythme, explique Anne-Laure. Ce type de joueur est moins représenté, ou en tout cas, on en parle beaucoup moins que des gamers hardcores. »

Un moment placé sous le signe de la détente, une parenthèse bienvenue face aux nombreux combats menés par l’association.

Créée par Jennifer Lufau en 2020, la mission d’Afrogameuses est de “promouvoir l’égalité des chances et l’inclusion dans le monde du jeu vidéo."

Une thématique chère à Anne-Laure, qui a consacré son mémoire de fin d’études à la place du cheveu afro – la coiffure étant sa deuxième passion – dans les jeux vidéo. ”C’est un sujet central pour moi. Il y a encore quelques années, il n’y avait aucune option de personnalisation fidèle pour les cheveux crépus, les peaux noires, explique-t-elle. Aujourd’hui, ça change, mais beaucoup trop lentement."

Un des exemples qu'elle aime citer pour illustrer cette problématique, c'est le manque de diversité dans le jeu Animal Crossing. "À une époque, le seul moyen d’avoir un avatar noir, c’était d’attendre un bronzage. Et encore, il finissait par disparaître. Les gens faisaient la manip’ tous les jours pour garder un avatar qui leur ressemble. C’est triste, mais révélateur.”, regrette Anne-Laure.

"J’ai pu décrocher des entretiens avec Ubisoft”

Ce besoin de représentation ne se limite pas seulement aux personnages de jeux, le milieu professionnel est également inclus. Vêtue d’un large t-shirt Pokémon, Katy, 27 ans, assistante marketing, a rejoint cette association il y a trois ans, au moment où elle cherchait du travail dans le monde du jeu vidéo. “En cherchant sur LinkedIn, je suis tombée sur le profil de Jane, la présidente de l’association. Je lui ai écrit, et elle m’a parlé des ateliers de coaching RH qu’elle organisait avec Ubisoft via Afrogameuses. Je me suis inscrite. C’est d’ailleurs grâce à ça que j’ai pu décrocher des entretiens avec Ubisoft.”, raconte-t-elle.

Plusieurs sondages existent, aux États-Unis et au Canada, concernant l’inclusion et la diversité dans les jeux vidéo. Quant à la représentation des minorités dans les entreprises, peu d’études existent, à l’exception d’un rapport sur les développeurs – chargés de la conception, de la programmation des jeux – édité par le Game Developers Conference, organisateur d'un des événements professionnels les plus importants de l'industrie.

Dans son édition 2025, le rapport souligne une légère progression de la représentation des minorités ethniques, mais trop faible pour être significative. L’enquête, menée dans 86 pays, avec une majorité des répondants venant des États-Unis (58 %), révèle que 16 % des développeurs sont originaires d’Asie, 10 % sont hispaniques ou latinos, et seulement 3 % sont noirs, africains ou caribéens.

Après une partie de Mario Kart et une session de bavardage, se lance une intense partie de Loup-Garou, un jeu de rôle et de déduction où les joueurs incarnent des villageois ou des loups. Durant la partie, certains revêtent le rôle de loup-garou, de petite fille, de sorcière ou de simples citoyens sans pouvoirs.

"Le jeu en ligne, c’est non"

Marco N., 36 ans, revêt le rôle de narrateur avec Jason, 21 ans, étudiant en histoire. Plus ancien membre, Marco s'assure de la bonne tenue de la soirée. L’informaticien-développeur a rejoint Afrogameuses, il y a cinq ans. Il décrit sa passion pour le gaming comme forte et complexe.  "Il m’est déjà arrivé de faire 26 heures de jeu sur un seul week-end. Par contre, le jeu en ligne, c’est non.”, lance-t-il, catégorique.

Ce refus de jouer en ligne est lié à une mauvaise expérience vécue à l’âge de 11-12 ans. Il a été témoin d'un épisode de cyberharcèlement.  “On devait former une équipe pour combattre un boss. Quelqu’un a proposé d’utiliser les micros. Pendant que j’allais chercher le mien, une personne a parlé — avec une voix douce, perçue comme féminine — et tout de suite, les autres ont réagi violemment : « Ah, c’est une fille ! T’as rien à faire là ! » La personne s’est mise à pleurer. Moi, j’ai tout fermé, et je n’ai plus jamais retouché à un jeu en ligne depuis”, raconte-t-il.

Ce n’est que récemment qu’il a repris, mais uniquement avec les membres de l’association. “Je sais que ma voix ne sera pas un problème. En tant que personne trans non-binaire, parfois, je me trahis sans faire exprès, et les réactions sont toujours les mêmes. Donc, je continue à éviter les jeux en ligne”, explique-t-il.

Depuis que Marco a rejoint l’association, c’est aussi sa façon de consommer les jeux vidéo qui a changé. Il se tourne davantage vers les jeux indépendants comme South of Midnight, “un jeu ancré dans le folklore afro-américain du Sud des États-Unis”, et les jeux qui mettent davantage en avant les minorités. Il a également découvert la scène du jeu indépendant africain, grâce à une autre afrogameuse.

Les coups de 21 h approchent. L'heure pour les quatorze gamers de quitter les lieux. Marco revêt à nouveau son rôle de capitaine et annonce la fin de la soirée, que certains ont décidé de prolonger dans une destination encore inconnue. 

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