Les ossements de l'autraslopithèque Lucy, "tante de l'Humanité", exposés pour la première fois en Europe : "Il y a toujours un intérêt pour le fossile en lui-même"

Il y a 51 ans, l’australopithèque Lucy était découverte sur les rives de l’Awash, au cœur de l’Éthiopie. C’était le 24 novembre 1974. Le fossile de cette dernière est exposé pour la première fois en Europe, en République tchèque. Depuis 1974, les recherches ont évolué. Quel est aujourd’hui le portrait de Lucy ? Quel portrait peut-on en faire ?

Lucy est une petite femelle mesurant entre 1,05 m et 1,10 m pour environ 20 kilos. Découverte en 1974, elle est l’un des fossiles les mieux conservés, puisque près de 40 % de son squelette ont été retrouvés.

Elle présente comme caractéristiques une petite capacité crânienne et un mode de locomotion particulier : elle était bipède, comme nous, mais possédait également des aptitudes pour grimper.

Datée de 3,2 millions d’années, elle constituait, au moment de sa découverte, le plus ancien fossile connu représentant une forme de bipédie proche de la nôtre, tout en se distinguant de notre genre. Sa remarquable conservation en fait un témoin précieux de l’évolution humaine.

À partir des années 90, d’autres fossiles plus vieux que Lucy ont été découverts. Lucy n’est donc plus considérée comme la grand-mère de l’humanité. Y a-t-il toujours un intérêt pour Lucy de la part des chercheurs, malgré tout ?

Oui, il y a toujours un intérêt, à la fois pour le fossile en lui-même, notamment pour essayer de modéliser la marche, sa démarche, etc., et pour comprendre un peu aussi les différents comportements et son régime alimentaire. Mais il y a surtout beaucoup de questions concernant son espèce. Son espèce appartient à Australopithecus afarensis, pour laquelle environ 400 restes ont été découverts. Cela en fait une des espèces les mieux connues en termes de restes, datée entre 3 et 3,8 millions d’années.

Aujourd’hui, on réfléchit beaucoup à la variation au sein de cette espèce. Et surtout, comme vous l’avez dit au début, on considérait qu’elle était notre « grand-mère », puisqu’avant les années 80, on était dans une démarche assez linéaire avec Homo sapiens, Homo erectus, Homo habilis, puis Australopithecus afarensis.

Depuis une quinzaine d’années, de nombreuses découvertes de fossiles contemporains de Lucy ou d’afarensis ont été faites, mais appartenant à des espèces différentes d’australopithèques. La question se pose donc de cette grande diversité dans cette période, entre 3,8 et 3 millions d’années, en termes d’espèces. Parmi toutes ces espèces, plusieurs sont des candidats possibles pour l’ancêtre du genre Homo.

Donc, c’est pour ça que, pour certains chercheurs, elle reste notre grand-mère, avec un lien « direct » entre l’afarensis et le genre Homo. Mais pour d’autres, ce serait notre grande tante, puisqu’il y a potentiellement d’autres candidats à cette ancestralité.

Quels désaccords demeurent autour de Lucy parmi les chercheurs ?

Il y a un désaccord sur les causes de la mort de Lucy. Pour certains, elle serait tombée d’un arbre, car on observe des fractures sur ses os, probablement après une chute d’un arbre d’environ 12 mètres. Pour d’autres, il s’agirait plutôt d’une mort naturelle. On note également la présence de traces de carnivore sur ce spécimen. Il y a donc un véritable débat sur les causes de sa mort.