DJ Lisa Li, DJ, chanteuse et artiste polyvalente, nous parle de son parcours et de son actualité.

Santé : comment vivre avec un enfant handicapé ?

 Justice : "Je ne nie pas du tout le génocide et je ne le ferai jamais", se défend Charles Onana, accusé de négation du génocide des Tutsi au Rwanda 

Au moins 12 morts du virus de Marburg au Rwanda, Washington déconseille aux Américains de se rendre dans le pays

Tensions RDC-France : "Ce n'était pas courtois de la part d'Emmanuel Macron d'omettre la crise à l'est de la RDC", affirme Eric Nyundu, directeur de la communication de la présidence congolaise

Justice : le politologue et journaliste Charles Onana jugé pour contestation du génocide des Tutsi au Rwanda

Culture : la galerie parisienne Art Z présente l’exposition “Au bord du volcan” de l'artiste engagé Bruce Clarke 

En RDC, l'armée congolaise attaque les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda

De France aux collines rwandaises, le combat d'un couple pour traquer les génocidaires

Un silence surpris, puis la joie déchire le calme pesant des montagnes de Bisesero, aux confins du Rwanda: les rescapés de ce lieu martyr du génocide ont reconnu Alain Gauthier, qui vient de leur apprendre l'imminence du procès en France d'un présumé génocidaire de leur région. 

"Je suis venu vous dire +turikumwe+ (on est ensemble, en kinyarwanda), qu'il ne faut pas perdre courage ni espoir", lance le Fran&ccedil;ais de&nbsp;72 ans, front br&ucirc;l&eacute; par le soleil.
Encore engourdi de kilom&egrave;tres de piste chaotique en jeep pour atteindre ce village d&eacute;sh&eacute;rit&eacute; dans l'ouest du Rwanda, &agrave; plus de 8.800 km de sa ville de Reims, dans l'est de la France, Alain Gauthier tombe dans les bras d'&eacute;leveurs tutsi.
Ces "Abasesero", la soixantaine aux visages burin&eacute;s, coiff&eacute;s de chapeaux de feutre, connaissent bien l'homme.
Il est celui qui avec son &eacute;pouse franco-rwandaise Dafroza, 66 ans, a consacr&eacute; sa vie &agrave; traquer les g&eacute;nocidaires r&eacute;fugi&eacute;s en France, au nom des victimes et des rescap&eacute;s.Celui qui est &agrave; l'origine de la quasi-totalit&eacute; de la trentaine de plaintes d&eacute;pos&eacute;es en France contre des ressortissants rwandais et qui &agrave; ce jour ont abouti au renvoi aux assises de huit hommes (dont trois ont &eacute;t&eacute; d&eacute;finitivement condamn&eacute;s, &agrave; 25 ans de prison pour l'un et &agrave; la perp&eacute;tuit&eacute; pour les deux autres).
A l'horizon, les &acirc;pres montagnes de Bisesero et leur cama&iuml;eu de verts des cultures accrochent &agrave; leur sommet une brume cotonneuse, surplombant l'immense lac Kivu.&nbsp;
Bisesero fut un des lieux embl&eacute;matiques de la r&eacute;sistance des Tutsi en 1994: des semaines durant, les habitants ont combattu les extr&eacute;mistes hutu locaux.Avant que le gouvernement g&eacute;nocidaire n'organise des attaques massives en faisant transporter &agrave; Bisesero des tueurs d'autres r&eacute;gions.50.000 morts estim&eacute;s.
Autour d'Alain Gauthier, ce 2 d&eacute;cembre, tous les hommes disent avoir perdu femmes et enfants dans ces tueries.
"A chaque fois que nous entendons que des gens en fuite ont &eacute;t&eacute; arr&ecirc;t&eacute;s, cela nous donne du courage !" lance Narcisse Kabanda, 63 ans.
R&eacute;fugi&eacute; en France, dont il a obtenu la nationalit&eacute; en 2010, Claude Muhayimana devait &ecirc;tre jug&eacute; aux assises &agrave; Paris en f&eacute;vrier mais le proc&egrave;s vient d'&ecirc;tre report&eacute; &agrave; une date non fix&eacute;e en raison des difficult&eacute;s des t&eacute;moins &agrave; venir avec la crise sanitaire.
Cet ancien chauffeur d'h&ocirc;tel au Rwanda est accus&eacute; de "complicit&eacute;" de g&eacute;nocide "par aide et assistance" pour avoir transport&eacute; dans l'ouest du pays - notamment dans les collines de Karongi, les r&eacute;gions de Kibuye et Bisesero d'avril &agrave; juin - des Interahamwe ("ceux qui tuent ensemble") sur les lieux des massacres.
Ces miliciens ont &eacute;t&eacute; les principaux bras arm&eacute;s du g&eacute;nocide contre la minorit&eacute; tutsi, orchestr&eacute; par le r&eacute;gime extr&eacute;miste hutu au pouvoir et qui a fait entre avril et juillet 1994 plus de 800.000 morts.&nbsp;

- "Ceux qui ont vu" -

Alain Gauthier est venu de si loin pour retrouver Aaron Kabogora, dont il a recueilli, lors d'une pr&eacute;c&eacute;dente visite, le "t&eacute;moignage fort" dans le dossier Muhayimana.
Ce survivant des massacres - qui en garde une balle dans la cuisse et des cicatrices &agrave; l'&eacute;paule - a perdu dix membres de sa famille."Ma femme, mes enfants...; ils ont &eacute;t&eacute; tu&eacute;s &agrave; diff&eacute;rents endroits; pour certains, on n'a toujours pas retrouv&eacute; les corps."
Quand le Fran&ccedil;ais lui montre une photo de M. Muhayimana, Aaron, 71 ans, visage &eacute;maci&eacute;, n'a aucun doute: "Je suis n&eacute; ici, j'ai vu le g&eacute;nocide ici, il y a plein d'Interahamwe qui sont pass&eacute;s par ici; je le reconnais car il &eacute;tait leur chauffeur, je l'ai vu."
"Le crime de g&eacute;nocide ne vieillit jamais et ces gens (g&eacute;nocidaires, NDLR) doivent &ecirc;tre poursuivis partout o&ugrave; ils sont", ajoute-t-il.
Son t&eacute;moignage oculaire est crucial et le chasseur de g&eacute;nocidaires d&eacute;cide sur le champ de faire citer Aaron au proc&egrave;s, afin qu'au moins un rescap&eacute; de Bisesero y t&eacute;moigne.
Quelques jours plus tard, ce d&eacute;placement au Rwanda se r&eacute;v&egrave;le encore plus "fructueux", lorsqu'il rencontre pour la premi&egrave;re fois un ancien proche voisin de M. Muhayimana&nbsp;"qui a partag&eacute; la vie de l'accus&eacute; pendant un laps de temps du g&eacute;nocide".&nbsp;
"C'est un t&eacute;moin de proximit&eacute;, qui apportera des faits tr&egrave;s pr&eacute;cis" au proc&egrave;s, estime M. Gauthier."Il est essentiel que ceux qui ont vu et ceux qui savent parlent; tous ces t&eacute;moignages sont &agrave; engranger dans la m&eacute;moire du g&eacute;nocide."
Si un certain nombre de planificateurs du g&eacute;nocide, commanditaires ou tueurs ont &eacute;t&eacute; condamn&eacute;s au Rwanda, par le Tribunal p&eacute;nal international pour le Rwanda, et &agrave; l'&eacute;tranger, beaucoup continuent d'&eacute;chapper &agrave; la justice.Kigali a adress&eacute; 48 demandes d'extradition &agrave; la France, premier pays europ&eacute;en avant la Belgique (40 demandes).
Depuis 24 ans, l'engagement b&eacute;n&eacute;vole des Gauthier - souvent qualifi&eacute;s de "Klarsfeld du Rwanda" en r&eacute;f&eacute;rence aux chasseurs de nazis Beate et Serge Klarsfeld - les a conduits &agrave; sillonner en moyenne trois fois par an - sur leurs cong&eacute;s puis pendant leur retraite - les collines du Rwanda &agrave; la recherche de t&eacute;moignages d'ex-tueurs, de prisonniers et de survivants.&nbsp;
M. Muhayimana avait &eacute;t&eacute; arr&ecirc;t&eacute; en 2014 &agrave; Rouen (ouest de la France) un an apr&egrave;s l'ouverture d'une enqu&ecirc;te initi&eacute;e par une plainte du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), qu'ils ont cofond&eacute;.

- "Notre vie a bascul&eacute;" -

Pr&egrave;s de 27 ans apr&egrave;s le g&eacute;nocide, Alain Gauthier est toujours &eacute;treint de chagrin quand il raconte ce 8 avril 1994 o&ugrave; il doit annoncer &agrave; Dafroza, dans leur maison &agrave; Reims, que sa m&egrave;re Suzana a &eacute;t&eacute; abattue par balles dans une paroisse &agrave; Kigali.&nbsp;
"Le 6 avril 1994, c'est l&agrave; que notre vie a bascul&eacute;; c'est un cataclysme dans l'existence pour nous comme pour toutes les familles victimes", souffle-t-il.&nbsp;
"Du c&ocirc;t&eacute; de ma m&egrave;re il n'y a plus de survivants: ma m&egrave;re, mes oncles, neveux ont &eacute;t&eacute; tu&eacute;s", entre "70 et 80 personnes", a expliqu&eacute; Dafroza, les yeux dans le vide, lors d'un entretien &agrave; Reims.&nbsp;
"Les trois mois de g&eacute;nocide, on a v&eacute;cu comme des fant&ocirc;mes, on s'est battus pour alerter; on &eacute;crivait aux politiques, aux journaux, on a fait des manifestations...et on allait au boulot", relate l'ex-enseignant et chef d'&eacute;tablissement scolaire.Dafroza exer&ccedil;ait la profession d'ing&eacute;nieur chimiste.Le couple s'occupait de ses trois jeunes enfants avant d'accueillir ensuite des enfants de rescap&eacute;s.
Deux &eacute;v&eacute;nements seront fondateurs dans leur engagement.Leurs premiers retours en 1996 et 1997 au Rwanda o&ugrave; ils &eacute;coutent avec effroi les rescap&eacute;s.Puis&nbsp;en 2001, &agrave; Bruxelles o&ugrave; une cour d'assises est appel&eacute;e &agrave; se prononcer sur des accusations port&eacute;es contre quatre Rwandais soup&ccedil;onn&eacute;s d'avoir particip&eacute; au g&eacute;nocide.&nbsp;
A la fin du proc&egrave;s, les fondateurs du collectif belge &agrave; l'origine des d&eacute;p&ocirc;ts de plaintes les interpellent: "Et vous en France, qu'est-ce que vous faites ?" "C'&eacute;tait la phrase de trop !" lance Dafroza.Le couple regroupe des amis et en 2001 est cr&eacute;&eacute; le CPCR, pr&eacute;sid&eacute; par M. Gauthier.
Depuis, "on ne passe pas une journ&eacute;e sans parler du g&eacute;nocide..."

- Trop "tard&eacute;" -

En raison des liens historiques entre Paris et le r&eacute;gime du pr&eacute;sident rwandais Juv&eacute;nal Habyarimana, nombre de g&eacute;nocidaires pr&eacute;sum&eacute;s ont trouv&eacute; refuge en France apr&egrave;s 1994, parfois obtenu la nationalit&eacute; fran&ccedil;aise.Des m&eacute;decins, pr&ecirc;tres, employ&eacute;s municipaux, dans une vie anonyme.
La plus haute instance judiciaire en France, la Cour de cassation, s'est constamment oppos&eacute;e aux extraditions vers le Rwanda de Rwandais soup&ccedil;onn&eacute;s d'avoir pris part au g&eacute;nocide, en vertu du principe de non-r&eacute;troactivit&eacute; de la loi.
Pour les Gauthier, la justice fran&ccedil;aise a trop "tard&eacute;" &agrave; s'int&eacute;resser &agrave; ces suspects, m&ecirc;me si ils se f&eacute;licitent du "sursaut" constat&eacute; depuis 2012 et la mise en place d'un parquet sp&eacute;cialis&eacute; "crimes contre l'humanit&eacute;", puis en 2013 de l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanit&eacute;, les g&eacute;nocides et les crimes de guerre (OCLCH).
Car c'est aujourd'hui une course contre l'oubli et l'impunit&eacute; qui est men&eacute;e."Le temps joue en faveur des bourreaux", estime M. Gauthier.
"Il devient de plus en plus difficile de constituer des plaintes parce que beaucoup de t&eacute;moins sont d&eacute;c&eacute;d&eacute;s; d'autres ont la m&eacute;moire d&eacute;faillante ou ne souhaitent plus parler", incit&eacute;s par les autorit&eacute;s &agrave; la r&eacute;conciliation.&nbsp;
Les accus&eacute;s sont &acirc;g&eacute;s et "risquent de ne jamais &ecirc;tre jug&eacute;s" d&eacute;nonce-t-il.
A Paris, Eric Emeraux,&nbsp;ancien chef de l'OCLCH de 2017 &agrave; l'&eacute;t&eacute; 2020, rappelle que pour la justice fran&ccedil;aise, un dossier rwandais - qui suppose jusqu'&agrave; six voyages au Rwanda et des entretiens avec des dizaines de t&eacute;moins - dure en moyenne "dix ans" et co&ucirc;te&nbsp;en g&eacute;n&eacute;ral "un million d'euros".
"Toutes les ONG qui font ce travail de traque sont indispensables car les moyens de l'Etat fran&ccedil;ais ne sont pas &agrave; la hauteur des enjeux", estime M. Emeraux.&nbsp;
Et, dit Alain Gauthier, "pour les victimes, c'est indispensable que ceux qui ont tu&eacute; les leurs rendent des comptes &agrave; la justice des hommes; c'est une fa&ccedil;on pour eux de se reconstruire".
Pendant les deux semaines o&ugrave; l'AFP l'a suivi au Rwanda en d&eacute;cembre - son 3&egrave;me s&eacute;jour en 2020 - M. Gauthier a sillonn&eacute; des centaines de kilom&egrave;tres dans l'ouest, le nord et le sud de ce pays de lacs et de montagnes pour enqu&ecirc;ter sur principalement cinq dossiers, dans onze localit&eacute;s.
Malgr&eacute; des nuits hant&eacute;es d'insomnies et de douleurs chroniques au dos, le Fran&ccedil;ais est lev&eacute; &agrave; l'aube au Rwanda.On le trouve souvent au petit d&eacute;jeuner savourant un "African tea", m&eacute;lange revigorant de th&eacute;, gingembre et lait.&nbsp;
Avant de prendre la route p&eacute;rilleusement envahie par des motos-taxis bravaches, vendeuses la t&ecirc;te charg&eacute;e de marchandises, v&eacute;los surcharg&eacute;s de poulets vivants s'accrochant dans les mont&eacute;es &agrave; des camions poussifs...Pendant les heures en voiture &agrave; travers le pays, on le surprend &agrave; fredonner les chansons du dernier album de son gendre, le talentueux artiste franco-rwandais Ga&euml;l Faye.
Le soir, de retour dans un h&ocirc;tel modeste, il relit ses notes dans son grand cahier.Concentr&eacute; et souvent soucieux, perdu dans les r&eacute;cits des survivants.&nbsp;
Son attachement &agrave; ce pays - qu'il conna&icirc;t depuis 50 ans, o&ugrave; il a &eacute;t&eacute; enseignant coop&eacute;rant entre 1970 et 1972 et dont il a la nationalit&eacute; - est flagrant.Il conna&icirc;t les rudiments du kinyarwanda et s'adonne aux longs &eacute;changes de politesse de l'hospitalit&eacute; rwandaise.&nbsp;

- Recherche de t&eacute;moins -

Une lettre sign&eacute;e d'&eacute;tudiants anonymes les alertant sur la pr&eacute;sence d'un suspect dans l'ouest de la France ou un ami qui leur signale un coll&egrave;gue travaillant dans le m&ecirc;me h&ocirc;pital: les d&eacute;buts de leurs enqu&ecirc;tes sont "variables", avant d'aboutir au d&eacute;p&ocirc;t de plainte aupr&egrave;s des juges d'instruction du p&ocirc;le crimes contre l'humanit&eacute; &agrave; Paris.
Dans le cas de l'ex-officier de la garde pr&eacute;sidentielle, Pascal Simbikangwa - condamn&eacute; en France &agrave; 25 ans de prison pour g&eacute;nocide - c'est une rescap&eacute;e parmi leur famille pass&eacute;e par l'&icirc;le fran&ccedil;aise de Mayotte qui le rep&egrave;re l&agrave;-bas.&nbsp;
Au Rwanda, le CPCR est aid&eacute; par un r&eacute;seau de rescap&eacute;s, notamment issu de l'association "Ibuka" et celle des Amis du CPCR (ACPCR), cr&eacute;&eacute;e en 2016, et par d'anciens &eacute;l&egrave;ves d'Alain, qui partent &agrave; la recherche de t&eacute;moins, dressent des listes, aident pour la traduction.&nbsp;
Dans le dossier d'un pr&ecirc;tre ayant obtenu la nationalit&eacute; fran&ccedil;aise et contre lequel la justice fran&ccedil;aise a ouvert une enqu&ecirc;te fin 2019, M. Gauthier dispose ainsi en d&eacute;cembre d'une liste de t&eacute;moins.&nbsp;
Il recueille pour la premi&egrave;re fois les t&eacute;moignages accablants de rescap&eacute;es &agrave; l'&eacute;gard du pr&ecirc;tre et de ses agissements pr&eacute;sum&eacute;s dans son &eacute;glise en avril 1994.Pour leur parler, il a fallu trouver des lieux &agrave; l'abri des regards.
L'une des femmes, 10 ans en 1994, a racont&eacute; &agrave; l'AFP, secou&eacute;e de pleurs, &ecirc;tre rest&eacute;e dans l'&eacute;glise "deux semaines cach&eacute;e dans les cadavres de sa famille" tellement elle &eacute;tait effray&eacute;e, jusqu'&agrave; ce qu'un bulldozer venu mettre les corps dans une fosse commune la fasse &eacute;merger de cet ab&icirc;me.
Effar&eacute;, Alain Gauthier demande aux deux femmes de mettre leur r&eacute;cit par &eacute;crit, pour alimenter la plainte que le CPCR compte d&eacute;poser.
La semaine suivante, le 8 d&eacute;cembre, alors que la chaleur tape sur Nyanza (sud), il retrouve une quinzaine de personnes, rescap&eacute;s et parties civiles avec le CPCR dans la plainte visant Philippe Hategekimana.Cet ancien adjudant-chef de gendarmerie de Nyanza, soup&ccedil;onn&eacute; d'avoir particip&eacute; au g&eacute;nocide, est en d&eacute;tention provisoire en France depuis 2019.
Ce jour l&agrave;, c'est un aspect laborieux mais fondamental de son travail qui occupe M. Gauthier: faire remplir des documents n&eacute;cessaires aux avocats du CPCR et &agrave; la justice fran&ccedil;aise.
Pour que les plaintes soient recevables, il doit v&eacute;rifier les noms, &acirc;ges, liens de parent&eacute; aux victimes, sans compter le casse-t&ecirc;te des demandes d'adresses pr&eacute;cises, peu compatibles avec la r&eacute;alit&eacute; des campagnes rwandaises...Des coups de fils de maris h&eacute;sitants sont pass&eacute;s aux m&egrave;res pour l'&acirc;ge des enfants...
Apr&egrave;s plusieurs heures, le tout se termine par quelques bi&egrave;res et brochettes coriaces de ch&egrave;vre.

- D&eacute;tracteurs -&nbsp;

A Kigali, Alain Gauthier est souvent reconnu dans la rue, par des amis, des rescap&eacute;s ou encore un musicien c&eacute;l&egrave;bre qui lui lance: "Alors, comment &ccedil;a va le travail ?"&nbsp;
Il rend r&eacute;guli&egrave;rement visite au parquet rwandais.&nbsp;Parmi ses interlocuteurs, le directeur de l'unit&eacute; charg&eacute;e de la protection des victimes et des t&eacute;moins, Th&eacute;oneste Karenzi, qui apr&egrave;s le massacre de sa famille &agrave; Kibuye a surv&eacute;cu seul &agrave; 16 ans au g&eacute;nocide.&nbsp;
Il d&eacute;crit les Gauthier comme des "gens courageux", dont la "contribution est majeure" pour initier les dossiers.
Les d&eacute;tracteurs des Gauthier, eux, les accusent d'&ecirc;tre un "syndicat de d&eacute;lateurs" et d&eacute;noncent leur proximit&eacute; avec le r&eacute;gime rwandais, auquel il est souvent reproch&eacute; d'utiliser la m&eacute;thode forte pour faire taire les voix discordantes.&nbsp;
En novembre 2017,&nbsp;le couple s'est vu remettre par le pr&eacute;sident rwandais Paul Kagame &agrave; Kigali "l'Ordre national de l'amiti&eacute; exceptionnelle" pour "honorer leur service &agrave; la nation rwandaise".&nbsp;
"Cette association, c'est quelque part le relai technique et politique des autorit&eacute;s rwandaises", affirme l'avocat Philippe Meilhac, qui d&eacute;fend une dizaine de ressortissants rwandais vis&eacute;s par des plaintes en France - dont M. Muhayimana.&nbsp;
La journaliste canadienne Judi Rever - auteur du livre controvers&eacute; "Rwanda: l'&eacute;loge du sang" o&ugrave; elle &eacute;voque notamment les crimes du Front patriote rwandais (FPR, au pouvoir depuis la fin du g&eacute;nocide) au Rwanda et au Za&iuml;re/Congo, qualifi&eacute;e de "r&eacute;visionniste" par le Rwanda -, estime que "c'est un couple qui travaille pour le FPR".
Le FPR, &agrave; la poursuite des auteurs du g&eacute;nocide, a &eacute;t&eacute; accus&eacute; par l'ONU, avec ses alli&eacute;s congolais, d'avoir tu&eacute; plusieurs dizaines de milliers de Hutu en R&eacute;publique d&eacute;mocratique du Congo voisine en 1996-1997.Ce sujet reste tr&egrave;s sensible: Kigali consid&egrave;re l'&eacute;vocation de ces massacres comme relevant du n&eacute;gationnisme.&nbsp;Les responsables de ces crimes de masse n'ont pas &eacute;t&eacute; inqui&eacute;t&eacute;s.
"Dans plusieurs dossiers d'enqu&ecirc;te, ce sont des opposants au FPR ou des t&eacute;moins des crimes du FPR qui sont cibl&eacute;s", affirme Mme Rever.
"On est &agrave; l'origine des poursuites, mais c'est pas nous qui condamnons; ce sont des jurys de citoyens", r&eacute;plique M. Gauthier."Il en est sorti une v&eacute;rit&eacute; judiciaire qui correspond &agrave; nos attentes, mais qui n'est pas la n&ocirc;tre.".
Pour l'heure, le couple reste plong&eacute; dans la pr&eacute;paration du proc&egrave;s Muhayimana.Le Fran&ccedil;ais l'a promis: ils reviendront raconter les audiences aux rescap&eacute;s de Bisesero, isol&eacute;s dans leur bout du monde.&nbsp;

De France aux collines rwandaises, le combat d'un couple pour traquer les génocidaires

Un silence surpris, puis la joie déchire le calme pesant des montagnes de Bisesero, aux confins du Rwanda: les rescapés de ce lieu martyr du génocide ont reconnu Alain Gauthier, qui vient de leur apprendre l'imminence du procès en France d'un présumé génocidaire de leur région.

Podcast

DJ Lisa Li, DJ, chanteuse et artiste polyvalente, nous parle de son...

Santé : comment vivre avec un enfant handicapé ?

A lire aussi

Justice : "Je ne nie pas du tout le génocide et je ne le ferai...

Au moins 12 morts du virus de Marburg au Rwanda, Washington...

Tensions RDC-France : "Ce n'était pas courtois de la part...

Justice : le politologue et journaliste Charles Onana jugé pour...

Culture : la galerie parisienne Art Z présente l’exposition “Au...

En RDC, l'armée congolaise attaque les Forces démocratiques pour la...