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Les villages perdus de ce coin recul&eacute; du S&eacute;n&eacute;gal &agrave; l'embouchure du fleuve Casamance sur l'Atlantique ne sont accessibles qu'en se faufilant en pirogue entre les Karones, un patchwork d'&icirc;les aux berges recouvertes de mangroves, o&ugrave; se nichent ca&iuml;mans et oiseaux rares.
Sur l'une de ces &icirc;les, au bout d'une piste sablonneuse, les femmes du village de Kouba s'affairent au coin des maisons en terre.Aux yeux de tous, elles s&eacute;parent les graines des tiges de chanvre et les font s&eacute;cher sur les toits en t&ocirc;le.
Les Karoninkas vivent de cette culture pourtant strictement prohib&eacute;e au S&eacute;n&eacute;gal, o&ugrave; elle est passible de dix ans de prison.
"Tous ces champs sont r&eacute;serv&eacute;s au chanvre", dit sans d&eacute;tour Gaston Diaba, le ma&ccedil;on du village, en d&eacute;signant une vaste zone avec des parcelles cl&ocirc;tur&eacute;es en bordure des habitations, &agrave; c&ocirc;t&eacute; des rizi&egrave;res.&nbsp;
"Si tu ne cultives pas (le chanvre), tu ne peux pas t'en sortir", soutient son jeune fr&egrave;re Philippe, de retour dans les rues ensabl&eacute;es de sa bourgade d'origine pour quelques jours de vacances.&nbsp;
"Il n'y a pas de route pour partir vendre les l&eacute;gumes en ville, alors on ne les cultive que pour se nourrir", reprend-il.

- Singularit&eacute; casaman&ccedil;aise -

De toute mani&egrave;re, le kilo d'oignons se vend &agrave; peine 500 francs CFA (0,7 euro), contre 15.000 &agrave; 30.000 francs CFA (entre 23 et 45 euros) pour la plante psychotrope, dont les revenus ont inond&eacute; les &icirc;les &agrave; partir des ann&eacute;es 1970.
Son voisin Ousmane entrepose dans son garage plusieurs centaines de kilos d'herbe brun&acirc;tre, empaquet&eacute;e dans des ballots.&nbsp;
"&Ccedil;a vaut des millions de francs", observe Philippe Diaba, mal &agrave; l'aise face &agrave; tant de marchandise.Le cannabis finance les &eacute;tudes des jeunes ou la recherche d'un travail en dehors de la r&eacute;gion.Lui dit se tenir &agrave; l'&eacute;cart d'un commerce qui peut attirer "beaucoup d'ennuis".
Pour les cultivateurs, pas besoin de s'inqui&eacute;ter de livraison.Les acheteurs viennent s'approvisionner en pirogues.La marchandise produite ici contribue &agrave; alimenter le march&eacute; s&eacute;n&eacute;galais.
La g&eacute;ographie singuli&egrave;re sinon marginale de la Casamance, pas &eacute;trang&egrave;re au conflit men&eacute; &agrave; partir du d&eacute;but des ann&eacute;es 1980 par les s&eacute;paratistes contre le pouvoir central s&eacute;n&eacute;galais, est propice au trafic.Il faut, pour s'y rendre &agrave; partir de Dakar, traverser ou contourner un autre Etat, la Gambie.Et le trajet dans le labyrinthe de l'estuaire est encore long jusqu'&agrave;ux Karones.
La persistance &agrave; feu doux du conflit casaman&ccedil;ais fournit un surcro&icirc;t de couverture.
La consommation de cannabis au S&eacute;n&eacute;gal demeure une pr&eacute;occupation pour les autorit&eacute;s, dit Matar Diop, contr&ocirc;leur g&eacute;n&eacute;ral de la police s&eacute;n&eacute;galaise et membre du comit&eacute; interminist&eacute;riel de lutte contre la drogue.Et "la Casamance n'est pas une zone de non-droit".

- Argent facile -

"Les cultures illicites de cannabis qui y sont d&eacute;couvertes font l'objet de destruction par les forces de d&eacute;fense et de s&eacute;curit&eacute;", rapporte-t-il.
Cheikh Tour&eacute;, coordonnateur r&eacute;gional de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), vante le S&eacute;n&eacute;gal comme l'un des bons &eacute;l&egrave;ves de la lutte contre les stup&eacute;fiants en Afrique de l'Ouest.Il invoque l'adoption par ce pays d'un plan strat&eacute;gique de lutte jusqu'en 2020.
En 2017, les autorit&eacute;s s&eacute;n&eacute;galaises ont saisi 12,8 tonnes de cannabis ou de r&eacute;sine, selon l'ONUDC.Dakar a sign&eacute; en 2018 un accord avec la Gambie pour renforcer les contr&ocirc;les sur leur fronti&egrave;re commune.
"Les actions de r&eacute;pression de ces derni&egrave;res ann&eacute;es envoient un message fort aux r&eacute;seaux et aux producteurs", salue Cheikh Tour&eacute;.
A Kouba, les villageois disent ne pas avoir vu de policier depuis belle lurette.
Victor Diatta, sociologue et maire de Kafountine, la localit&eacute; dont rel&egrave;ve Kouba, aimerait voir &eacute;merger d'autres activit&eacute;s.Les plages paradisiaques voisines pourraient s&eacute;duire beaucoup plus de touristes, estime-t-il, y compris &agrave; l'&eacute;tranger.Mais, pour le tourisme ou l'industrie de la p&ecirc;che, il faut des investissements et, pour l'heure, ce sont principalement des S&eacute;n&eacute;galais et des Bissau-Guin&eacute;ens qui viennent, pour le cannabis.
"L'attrait de l'argent facile a pris le dessus sur toute autre consid&eacute;ration", regrette le jeune &eacute;lu.

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