Yolande est mère de deux enfants, originaire du Sénégal. Elle est arrivée en France en 2001. La première fois qu’elle entre dans le cabinet d’un psychologue, c’est en 2017, après avoir perdu sa mère et sa sœur la même année.
“Là, j'ai sombré. J'ai perdu mon emploi. J’ai eu un accident de travail. Ce cumul d’événements douloureux m’a poussée à consulter une psychologue.” Mais cette première expérience s’avère décevante. “J’attendais qu’on me pose des questions, qu’il se passe quelque chose, pour réussir à dire ne serait-ce que quelques mots”, explique-t-elle. Yolande a grandi en enfouissant ses émotions. Elle explique avoir grandi dans une culture où « la santé mentale est un sujet tabou", particulièrement au sein de sa famille au Sénégal. "Quand je ne me sens pas bien, je ne peux pas parler de déprime, ce mot n’existe pas."
Une parole longtemps étouffée
Quelques afrodescendants et africains choisissent de briser le silence et de parler ouvertement de leur santé mentale. Un changement que les psychologues Aurélie Barnabot et Racky Ka-Sy observent également. Selon elles, cette évolution est notamment due à la prise de parole de professionnels de santé et de figures publiques, comme Teddy Riner. “Je pense que cela a permis de lever un tabou”, souligne Aurélie Barnabot.
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La plupart de leurs patients ont dû dépasser des idées reçues, bien ancrées, comme “les psys, c’est pour les fous” ou encore “c’est pour les Blancs”, explique Aurélie Barnabot. Certaines personnes invoquent aussi des arguments religieux : “Le psy, c’est pour ceux qui n’ont pas Dieu”, ajoute-t-elle.
Ainsi, même lorsqu’ils franchissent la porte d’un cabinet, certains patients restent encore freinés par ces représentations. “Chez les jeunes générations, aller voir un psy n'est plus vraiment un sujet tabou. Mais il m’est arrivé de recevoir des femmes ou des hommes de l’âge de mes parents pour qui c’était beaucoup plus difficile. On sent qu’ils ne vont pas bien, qu’il y a de l’angoisse, mais parler à une personne extérieure reste très compliqué”, explique Racky Ka-Sy.
Laetitia, 41 ans, originaire de la République démocratique du Congo, a été confrontée à ces préjugés à la naissance de son fils. Contrairement à Yolande, la santé mentale n’a jamais été un sujet interdit dans sa famille. “Mes parents sont des gens très ouverts d’esprit, des bons vivants”, raconte-t-elle.
Mais tout bascule à la naissance de son fils, aujourd’hui âgé de huit ans, diagnostiqué autiste. “Le combat commence”, lâche-t-elle. C’est à ce moment-là qu’elle voit comment une partie de son entourage prend en considération les questions d'autisme et par ricochet, de santé mentale.
Lorsqu’elle annonce le diagnostic à ses beaux-parents, pour eux, “c’était de la sorcellerie. Il ne fallait pas chercher plus loin. On avait envoûté mon enfant. Je me suis laissée emporter par ce genre de considérations”, reconnaît-elle. “J’ai accepté la situation de mon fils il y a six mois. Avant cela, j’étais désespérée”, confie-t-elle.
“ Tout le monde n’est pas fou”
Pour traverser cette épreuve, elle a pu compter sur ses proches. Mais ce sont surtout les échanges avec un psychologue et les discussions menées sur les réseaux sociaux qui l’ont aidée à accepter le diagnostic et à affronter les remarques blessantes et de trouver une communauté avec laquelle discuter. Elle envisage désormais d’avoir un deuxième enfant. “Il faut dépassionner l’échange. Tout le monde n’est pas fou”, déclare-t-elle. Elle s’est donnée pour mission de sensibiliser son entourage à la santé mentale et à l'autisme.
De son côté, Yolande encourage ses enfants à s’exprimer davantage. “J’essaie de mettre la communication au centre de notre vie de famille, parce que moi, je n’ai pas eu ça. Aujourd’hui, je leur dis de tout dire, tout ce qu’ils ont dans le cœur.”
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